Gironde
Le spécialiste des emballages industriels Abzac se consolide sur ses valeurs centenaires
Gironde # Banque

Le spécialiste des emballages industriels Abzac se consolide sur ses valeurs centenaires

S'abonner

Fondée en 1928, la manufacture d’Abzac a produit les premiers tubes cartons destinés aux industries papetières du Sud-Ouest. L’entreprise familiale est aujourd'hui présente sur onze sites en Europe et en Amérique du Nord. Une dynamique de synergies entre unités du groupe est à l’œuvre. Le défi de cette structuration : renforcer la proximité avec ses clients et pousser l'innovation.

Abzac propose une gamme de tubes carton réalisés à partir de ces spirales pour les principaux marchés utilisateurs : la papeterie, l’industrie du film plastique, pour les étiquettes, les textiles, l’imprimerie, tubes de stockage, etc — Photo : Gunther Vicente

Sur les bords de l’Isle, littéralement les pieds dans l’eau, la manufacture d’Abzac semble échapper au poids des siècles. D’aucuns font pourtant du "moulin", telle qu’on la nomme aussi, l’un des premiers bâtiments industriels de Gironde. Mentionné dès le XIVe siècle, tour à tour minoterie, huilerie puis centrale hydroélectrique et scierie, le site devient en 1928 Les cartonnages d’Abzac. À sa tête, Pierre Antoine d’Anglade qui développe le tube en carton. Les décennies écoulées, son fils Jean-Louis et aujourd’hui son petit-fils Pierre Michel ont perpétué l’activité. Trois produits issus de la transformation du carton sont aujourd’hui réalisés par Abzac : les tubes et mandrins, les fûts (barils de lessive) et les cornières de carton qui protègent les angles des emballages lors des transports.

L’Amérique du Nord dans le viseur

Parmi les virages opérés par le groupe, celui de la mondialisation a eu lieu dans les années 1980-1990. Abzac implante sa première usine au Canada en 1985, puis une deuxième en 1992. Une usine à Barcelone reprise en 1988 ouvre le marché espagnol. " À partir d’un mono site, il a fallu que Jean-Louis Anglade engage la croissance à l’international. Il s’agissait de suivre nos clients ", rappelle Pierre Michel d’Anglade. L’Amérique du Nord est dans le viseur, marché qui représente aujourd’hui 50 % de l’activité du groupe de 650 collaborateurs pour un chiffre d’affaires de 115 millions d’euros en 2019.

Cette stratégie de proximité avec les grands donneurs a également été engagée en France par la création ou l’acquisition de nouveaux sites de production aux quatre coins de l’Hexagone : Anvin dans le Pas-de-Calais, Noyal-Pontivy dans le Morbihan, et Saint-Pierre-de-Chandieu dans le Rhône. Avec l’usine girondine et ses 70 salariés, la France représente aujourd’hui 35 % de l’activité du groupe.

Relier les continents

Aux commandes depuis 2000, la troisième génération a, à son tour, lancé son chantier. Après la diversification et l’internationalisation, l’heure est à la structuration du groupe. À sa tête donc, Pierre Michel d’Anglade, devenu président après avoir dirigé la division nord-américaine durant 22 ans. De retour à Abzac en 2019, il entend réinterroger le modèle du groupe organisé autour de deux pôles indépendants : les divisions Amérique du Nord et Europe. " Depuis un an et demi, les équipes se coordonnent. Notre idée est de renforcer notre groupe par de nouvelles synergies. Il s’agit de relier les continents, car jusqu’alors chaque région s’est développée de façon indépendante. Or, nos clients sont internationaux (Berry Plastics, Arkema, NDLR), ils nous demandent que l’on puisse leur fournir partout les mêmes produits. Nous ratons des opportunités ", reconnaît le président.

D’Abzac, on a établi le diagnostic dans un marché de l’emballage industriel bousculé par les évolutions. Fini le temps d’un marché de commodités où seuls les volumes et la toute-puissance du moins-disant financier faisaient loi. " Depuis quelques années, la demande évolue technologiquement. Remettre les équipes à travailler ensemble permet aussi de pousser les produits innovants ", poursuit-il. Et d’accélérer sur les produits verts.

Recherche d’impact

Sur les enjeux environnementaux, l’histoire du groupe vient encore éclairer les décisions actuelles. " À l’époque, il s’agissait bien sûr de bon sens, mais ceux qui nous ont précédés nous ont donné les moyens, les techniques, les formations, le cadre, pour travailler le produit en permanence. L’exigence de qualité, le développement durable sont dans l’ADN d’Abzac. Notre petite entreprise, avec des produits dont personne ne connaît l’existence, est en mesure d’avoir un impact environnemental significatif. Et de pousser ses concurrents à travailler aussi dans ce sens-là ", se félicite le dirigeant. Pour preuve, les historiques fûts en kraft, toujours plus solides et légers, développés pour remplacer le métal ; et plus récemment, le brevet de la solution Multifold® pour un produit 100 % recyclable. Cette technologie permet d’enlever 35 % de matière dans la fabrication des cornières. " Quand on sait qu’une tonne de carton consomme une tonne de CO2 et entre 4 000 et 7 000 litres d’eau, on comprend que notre démarche participe à la fois à réduire les coûts et à diminuer l’empreinte écologique ", martèle le dirigeant.

Vision à long terme

Cette marque de fabrique, cette sensibilité à la protection de la ressource, se traduit aussi dans les enjeux du moment. " Nos concurrents sont des multinationales dont les revenus dépassent le milliard de dollars. Le marché n’a pas besoin d’un petit comme nous, nous n’avons pas de raison d’exister sauf si nous sommes en capacité de mener une stratégie de diversification et d’innovation. En tant que transformateurs nous le pouvons d’autant mieux ", explique Pierre Michel d’Anglade. En tant que structure familiale aussi. "Le capital d’Abzac est à 96 % dans la famille. Il a vocation à le rester, cela fait partie des valeurs du groupe. Nous pouvons ainsi défendre des projets qui ont du potentiel, et pourtant peu rentables. Cette vision à long terme est un luxe qu’a la PME. Elle peut se tromper, ou attendre que ça réussisse, à la différence d’une compagnie cotée qui doit annoncer des bonnes nouvelles tous les trois mois ".

Effet de réseau

La suite continue de s’écrire en Amérique du Nord. En 2020, en Géorgie, un partenariat avec la société Nagel Paper pour la production de tubes carton renforçait Abzac sur le marché américain. En Europe, après l’acquisition allemande, à Cologne, d’une usine de fûts en carton en 2017, ce segment représente 17 % de l’activité du groupe ainsi devenu leader européen.

En France, nulle croissance externe en vue. Il s’agit bien d’acculturer les équipes aux forces du groupe et à ses nouvelles technologies d’où qu’elles viennent. De l’usine roumaine, ouverte en 2007, les collaborateurs du groupe partageront un suivi de planification développé par Abzac Romania à Ariceștii Rahtivani, au nord de Bucarest. " Le partage d’expériences concerne aussi la santé et la sécurité. Tout le monde rame dans le même sens, la réflexion de fond est bien comprise et valide l’approche de proximité, les besoins de relationnel entre clients. L’effet de réseau est déjà important ", se félicite le patron. En ligne de mire, une croissance soutenue. Abzac a résisté aux conséquences de la crise sanitaire et veut retrouver son élan " 10 à 12 % c’est tenable en France, quand l’Amérique est très bien orientée, et l’Espagne aussi ".

Et si la crise a rebattu douloureusement certaines cartes (effondrement du marché du papier journal), elle a fait exploser le e-commerce et ses besoins en emballages. Abzac se dit prêt à relever ces défis, avec des produits toujours plus légers, plus solides. " Les Américains appuient cette demande RSE depuis plus longtemps que nous, si ce n’est par conviction, au moins par nécessité. Mais nous y sommes. Les habitudes ont changé, la prise de conscience est là ". À l’intérieur du groupe les ponts ont été jetés, depuis les bords de l’Isle, jusqu’aux rives du Rhin et à celles de Trois Rivières au Québec, la manufacture girondine peut accélérer.

Gironde # Banque # Industrie # Chimie # Logistique # Services