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Le sous-sol du bassin minier lorrain contient plus de 50 % de la consommation mondiale annuelle d’hydrogène
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Le sous-sol du bassin minier lorrain contient plus de 50 % de la consommation mondiale annuelle d’hydrogène

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En collaboration avec la Française de l’Énergie, deux chercheurs nancéiens du laboratoire GéoRessources ont découvert des quantités phénoménales d’hydrogène blanc dans le sous-sol lorrain. Les premières données issues des travaux de recherche déjà réalisés montrent que cet hydrogène est renouvelable.

Les deux chercheurs nancéiens du laboratoire GéoRessources, Philippe de Donato et Jacques Pironon, ont rassemblé 2,4 millions d’euros sur 4 ans pour leur programme de mesures appelés Regalor — Photo : Jean-François Michel

Fidèles à leur éthique de scientifique, les deux chercheurs nancéiens du laboratoire GéoRessources refusent d’évoquer l’exploitation industrielle de leur découverte : "L’urgence, c’est de vérifier nos premiers résultats", insistent Philippe de Donato et Jacques Pironon. Menés dans le cadre d’un programme de mesures appelé Regalor - piloté par l’énergéticien basé à Pontpierre, en Moselle, la Française de l’Énergie (CA 2022 : 26,2 M€), en collaboration avec l’Université de Lorraine et le CNRS -, les premiers travaux des chercheurs ont montré des teneurs importantes en hydrogène dans le sous-sol lorrain.

Grâce à une soude conçue par Philippe de Donato et Jacques Pironon, et réalisée par la société suisse Solexperts, une concentration de 6 % d’hydrogène a été mesurée à 808 mètres dans un puits situé à Folschviller, en Moselle. Un peu plus profond, à 1 093 mètres, cette concentration en hydrogène atteint 14 % : "C’est énorme ! On n’a jamais vu ça", s’enthousiasme Philippe de Donato, qui estime que cette découverte "ouvre beaucoup de possibilités pour la transition énergétique".

Issu d’une réaction chimique, l’hydrogène se renouvelle

En appliquant ces premiers résultats à l’ensemble du bassin minier lorrain présentant les mêmes conditions géologiques, et sans présager de ce qu’ils trouveront plus profondément, les chercheurs arrivent à un résultat stupéfiant : le sous-sol mosellan contient 46 millions de tonnes d’hydrogène, soit plus de la moitié de la consommation mondiale annuelle. Actuellement, l’immense majorité des 90 millions de tonnes d’hydrogène consommé est dite "gris", car obtenu en cassant les molécules du gaz naturel. Comment cet hydrogène a-t-il été produit ? "De façon naturelle, par oxydation des carbonates ferreux présents dans le sol et réduction de l’eau", précise Philippe de Donato. L’hydrogène n’est donc pas confiné dans un réservoir, mais produit naturellement dans le sous-sol : il est donc renouvelable. Molécule très légère, diffuse, l’hydrogène migre discrètement jusqu’à la surface, où il est oxydé par l’air ambiant.

Déjà connue, cette réaction chimique a déjà été mise à jour sur la planète, mais dans des conditions extrêmes, notamment sur le plancher océanique. "Cette réaction ne se produit pas à 1 000 mètres, mais plus profondément", souligne Jacques Pironon. Concrètement, les travaux des chercheurs montrent qu’à 3 000 mètres, la teneur en hydrogène pourrait atteindre 95 %.

"Changer de paradigme"

Mais cette découverte n’est pas celle d’un réservoir, qu’il suffirait de percer pour faire jaillir l’hydrogène. Dans l’exploitation traditionnelle du pétrole et du gaz, la pression dans les poches contenant les ressources fossiles atteint les 300 bars. "Nos données montrent qu’il y a 6 bars de pression à 1 000 mètres, dont 1 bar d’hydrogène", détaille Jacques Pironon. À 3 000 mètres, la pression devrait atteindre 30 bars. Pour avancer vers l’exploitation de cette ressource, "il faut travailler ce nouveau modèle, changer de technologie et changer de paradigme", résume Jacques Pironon.

Avec son collègue Philippe de Donato, le chercheur a commencé à défricher le terrain pour les industriels. La sonde qui a permis d’obtenir ces résultats présente une membrane permettant de laisser passer les gaz mais pas l’eau présente dans le sous-sol. Financé à hauteur de 2,4 millions d’euros sur 4 ans, le programme Regalor prend fin en 2023 : d’ici là, Philippe de Donato et Jacques Pironon vont mener de nouvelles campagnes de mesure, dans deux nouveaux puits en Lorraine, dont un qui devra permettre d’explorer plus profondément le sous-sol et de valider le modèle, mais aussi dans les Hauts-de-France. "Nos travaux ouvrent la voie à une nouvelle lecture du sous-sol partout dans le monde", se félicitent les deux chercheurs. La Française de l’Énergie a déjà déposé une demande de permis exclusif de recherches de mines dit "Permis des Trois-Évêchés", pour aller chercher de l’hydrogène naturel dans le bassin minier lorrain.

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