Le Crédit Agricole se lance dans le réemploi de matériaux
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Le Crédit Agricole se lance dans le réemploi de matériaux

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Face à la hausse du coût des matériaux, et pour répondre aux enjeux climatiques, le Crédit Agricole Alsace Vosges s’est engagé à être plus vertueux dans ses opérations immobilières. Ainsi, après la rénovation des bâtiments historiques de la station thermale de Vittel, acquis en 2022, c’est le siège alsacien de l’institution, basée à Strasbourg, qui va être démoli puis reconstruit pour devenir un modèle d’économie circulaire et de réemploi.

Le nouveau siège social du Crédit Agricole Alsace Vosges sera un modèle de bâtiment bas carbone, tant dans sa construction... que dans la déconstruction de l'ancien édifice — Photo : KDSL

Deux ans après avoir créé une société foncière pour accompagner les projets immobiliers vertueux, le Crédit Agricole Alsace Vosges (160 agences, 1 500 collaborateurs) pousse un peu plus loin le curseur de sa responsabilité environnementale, en engageant la transition énergétique de son propre parc immobilier. D'ici fin 2024, les systèmes de chauffage fuel et gaz de l'ensemble de ses agences sera ainsi remplacé par des pompes à chaleur assurant à la fois chauffage et climatisation.

Pour atteindre la neutralité carbone, la banque prévoit également de reconstruire son siège social pour disposer d'un bâtiment triplement certifié comme construction passive, bas carbone et faiblement consommatrice en énergie, en eau et en déchets. Doté d'une surface totale de 14 000 m2, ce dernier accueillera le siège du Crédit Agricole Alsace Vosges et plusieurs de ses filiales, la représentation du groupe Crédit Agricole, une agence bancaire ainsi qu'un centre d'affaires doté d'un amphithéâtre de 260 places, dont l'usage sera ouvert aux hôteliers voisins.

Un investissement total de 60 millions d'euros

"Le nouveau siège offrira 400 postes de travail en open space, pour permettre aux équipes de mieux travailler ensemble, ainsi que 70 salles de réunion, de 2 à 35 places, pouvant être réservées automatiquement par smartphone. On a demandé aux concepteurs de se projeter dans le long terme. Le précédent bâtiment datait des années 1970, le nouveau doit durer longtemps”, note Pascal Maire, directeur de l'immobilier au Crédit Agricole Alsace Vosges. Un objectif qui oblige le Crédit Agricole à déconstruire - et non pas démolir - le bâtiment emblématique mais vieillissant de la place de la Gare à Strasbourg, avant d'y ériger son nouveau cocon.

Le chantier, qui vient de démarrer, est géré par l’entreprise Lingenheld (C.A. 2022 : 220 M€, 600 salariés), avec pour objectif de pousser au maximum les possibilités de réemploi des matériaux et éléments existants.

Le taux de recyclage et de réemploi des déchets de démolition devrait ainsi atteindre 98,21 %. Pour ce faire, les bâtiments ont été vidés, pièce par pièce, pour récupérer tout ce qui pouvait être réemployé. 5 500 pièces de mobilier ont notamment été répertoriées. Un tiers a été déménagé pour être réutilisé dans les locaux provisoires, un autre tiers a été donné aux associations et institutions du tissu mutualiste du Crédit Agricole. Le reste a été pris en charge par l’éco-organisme Valdelia. 540 t d’équipements et de matériaux ont également été déconstruits pour être réemployés. Un volume qui semble ridicule rapporté au volume total de déchets (22 000 t), mais qui concerne cependant des matériaux de valeur pour lesquels le réemploi est bien plus vertueux qu’une opération de recyclage.

Le showroom présente les différents matériaux et éléments ayant été déposé pour être réutilisés — Photo : Nathalie Stey

Showroom, catalogue : la déconstruction s’affiche en grand

Parements en marbre et boiseries, dalles de moquette et de faux plafond, éléments de charpente, cloisons et portes, tuiles et briques, pompes à chaleur, sanitaires, etc. ont ainsi été retirés pour être en partie réemployés dans le nouveau bâtiment. “Le label BBCA (construction bas carbone) impose par exemple d’inclure 5 kg de matériaux de réemploi par mètre carré de plancher. Certains matériaux ont été préciblés sur le site pour servir à cet usage et leur réemploi sera imposé à l’entreprise générale de BTP en charge de la construction du nouveau bâtiment”, détaille Pascal Maire.

Le reste des éléments a été mis en catalogue pour permettre la recherche des repreneurs, que ce soit des associations, des professionnels du BTP ou des particuliers. Ils sont également visibles dans le showroom du chantier, qui regroupe les différents équipements déposés. Les Restos du cœur ont d’ores et déjà récupéré la cuisine industrielle de l’ancien siège. L’association Eco-bio Alsace, qui mène un projet de restauration de la ferme Durr, à Boofzheim, pourrait quant à elle reprendre les briques pleines constituant les bâtiments les plus anciens de l’îlot appartenant au Crédit Agricole.

Des bonnes pratiques à déployer dans le BTP

Pour toute cette partie, le Crédit Agricole a fait appel à la coopérative BOMA – Les bonnes matières, spécialisée dans la problématique du réemploi dans le secteur du BTP. Ses équipes sont venues sur site à l’été 2021 pour lister les éléments pouvant être déposés. Certains éléments, notamment l’ensemble des menuiseries de la façade avant de l’immeuble, ne pourront par exemple pas être réemployés parce qu’ils contiennent de l’amiante. De même, les machineries des ascenseurs sont aujourd’hui difficilement réutilisables, parce que leur réemploi n’est pas pris en charge par les assurances décennales et qu’il n’existe, pour l’heure, aucune filière de revalorisation. “Nous n’aurions pas pu lancer ces démarches tout seuls”, estime Pascal Maire.

Quant à la démolition elle-même, elle sera réalisée étage par étage, avec des petits engins de “grignotage”. “Le tri des matériaux sera réalisé de suite, comme on l’a toujours fait. Le béton sera revalorisé en sous-couche routière et le bois, en énergie”, explique Thibaut Gilles, conducteur de travaux pour le groupe Lingenheld. Les pans de murs des immeubles les plus anciens seront déposés encore plus délicatement, pour pouvoir en récupérer les briques et les déposer, une à une, sur palette.

Mieux concevoir les bâtiments pour mieux les réemployer

Avec l’entrée en vigueur du diagnostic ressource obligatoire au 1er juillet 2023 pour les maîtres d’ouvrage, la réglementation oblige désormais les acteurs du BTP à aller vers les sujets de réemploi. "Avoir une bonne connaissance du territoire est aujourd’hui un critère incontournable pour trouver preneur pour ces produits de réemploi et encourager la création de filières professionnelles de réemploi”, note Colette Thomas, responsable des projets immobiliers de Crédit Agricole immobilier. L’opération strasbourgeoise se présente ainsi comme un programme pilote permettant de dérisquer le sujet. “Le réemploi pose en effet des questions de traçabilité des matériaux, de logistique et même d’acceptabilité. Cela demande au maître d’ouvrage mais aussi au maître d’œuvre de s’approprier le sujet”.

Spécialiste de la démolition et du recyclage, Lingenheld a vu le réemploi se développer ces dernières années, même s’il est rare que ce dernier concerne plus de 1 % des déchets. “Le réseau se met en place petit à petit, mais pour l’instant ce sont souvent les mêmes repreneurs qui interviennent. Demain pourtant, le maître d’ouvrage ne cherchera plus seulement un prix ; la question du réemploi va devenir un critère de plus en plus important dans les appels d’offres”, estime Gilles Thibaut. Le développement du réemploi pourrait aussi amener à imaginer d’autres modes de conception des bâtiments, pour que certains matériaux puissent être plus facilement déposés. C’est le cas par exemple des panneaux de particules, qui sont aujourd’hui difficiles à dévisser sans endommager le revêtement du panneau.

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