Passer d’une baignoire, à une production de 3 000 hectolitres par an… et bientôt à des barriques. C’est le pari réussi d’Arthur Audouin et Charles Tanqueray qui ont produit leur première cuvée il y a quelques années dans leur appartement, avant de fonder leur propre microbrasserie, l’Aerofab, en 2018. Basée à Sautron, la microbrasserie, qui compte aujourd’hui sept salariés et développe deux nouvelles recettes toutes les semaines, a atteint un chiffre d’affaires de 1,4 million d’euros en 2022. En parallèle de ses créations régulières, Aerofab va sortir cette année une cuvée vieillie un à trois ans dans des barriques, qui ont auparavant servi pour le vin. "La bière prend alors les arômes vineux et du bois. De plus, au lieu de recourir à des levures classiques, nous utilisons dans les barriques des levures sauvages, qui mettent plusieurs années à fermenter. Avec cette fermentation lente qui se poursuit en bouteille, la bière se conservera alors dans le temps comme un vin, et son goût évoluera au fur et à mesure des années", détaille Arthur Audouin.
Un contenant adapté
Aerofab voit aujourd’hui la moitié de sa production partir en fûts pour les bars, et l’autre moitié en canette. Si ce contenant métallique n’est à première vue pas le plus prestigieux pour ces bières de qualité, il revient aujourd’hui sur le devant de la scène des bières artisanales. "Nous réalisons des bières très houblonnées, avec entre 10 à 25 g/L de houblon. Or, les arômes du houblon se dégradent à la lumière. Le verre, même opaque, ne protège pas entièrement par rapport au métal”, analyse Arthur Audouin. “En 2018, nous étions la première brasserie artisanale à revenir à ce format. La canette avait alors une mauvaise image contre laquelle nous avons dû faire beaucoup de pédagogie. De nombreuses autres brasseries se sont depuis lancées et cela a permis de rassurer les clients”. Pour les bières issues des barriques, Aerofab va faire une entorse à sa règle et se tourner vers des bouteilles en verre. "Cette fois-ci, les arômes ne proviennent pas des houblons. De plus, la canette n’est pas optimale pour une longue conservation de ces bières de garde, qui pourraient être conservées 5 à 10 ans".
Une entraide du secteur
Avant de s’installer dans leurs locaux actuels de 1 000 m², les deux associés ont passé un an à jouer les ‘Gypsy Brewers'. “Nous avons brassé nos bières dans les installations de Mélusine (10 M€ de CA) en Vendée, et de Parisis (Paris), en payant nos matières premières et un forfait pour utiliser leurs cuves”, développe Arthur Audouin. Cela leur a permis de convaincre la banque de leur prêter 150 000 € (plus 100 000 € d’apport) afin de se lancer dans l’achat de matériel, et les travaux pour leur propre installation. Brasser chez un potentiel futur concurrent avant de se lancer est une pratique répandue dans le secteur. “En tant que brasseries artisanales, nous ne sommes pas opposées les unes aux autres, mais sommes plutôt en concurrence avec les brasseries industrielles historiques. Entre nous, il existe une certaine entraide”, confie Arthur Audouin. Maintenant qu'ils ont leur matériel, les deux fondateurs d'Aerofab rendent la pareille. La première cuvée de Gypsy Brewers passés par Sautron donne d'ailleurs naissance à de nouvelles brasseries, comme la Jukebox qui vient de s’installer à Cognac… à nouveau entourée de grands crus.
