Auvergne Rhône-Alpes
Fidal Rhône-Alpes : "Nos clients décident de construire des usines plutôt en France et moins à l'étranger"
Interview Auvergne Rhône-Alpes # Industrie # Conjoncture

Marc Roirand directeur du département droit fiscal chez Fidal Rhône-Alpes "Nos clients décident de construire des usines plutôt en France et moins à l'étranger"

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La direction régionale Rhône-Alpes du cabinet d'avocats d'affaires Fidal a connu un volume d'activité multiplié par deux ces douze derniers mois. Alors que le déconfinement se poursuit, Marc Roirand, directeur du département droit fiscal de Fidal Rhône-Alpes, décrit comment les entreprises accélèrent leurs mutations pour rester dans la course et coller aux impératifs du monde "d’après".

Marc Roirand, directeur du département droit fiscal chez Fidal Rhône-Alpes — Photo : Vanessa Strub

Les premiers indicateurs post-déconfinement parlent d’un rebond assez fort de l’économie dans son ensemble. L’observez-vous au sein de votre cabinet et de quelle manière se manifeste-t-il concrètement ?

Marc Roirand : Au sein de Fidal, la reprise se traduit concrètement par une croissance à deux chiffres au 31 mai 2021 dans l'antenne régionale Rhône-Alpes par rapport à mai 2020. Une croissance à effectif constant, autour d’une centaine d’avocats et juristes dans nos cinq bureaux (Lyon, Annecy, Chambéry, Grenoble et Valence, NDLR). Nous constatons un surcroît de demandes de la part de nos clients historiques mais aussi d’entreprises qui n’étaient pas jusqu’à présent clientes. En termes d’intervention, nos clients prennent la décision de construire des usines, sièges ou pôles logistiques plutôt en France et moins à l’étranger. De même qu’ils maintiennent ou recrutent des équipes en France avec un retour en arrière sur certaines logiques de mobilité internationale.

"Le recours massif au PGE induit des stratégies d’investissement calées sur le remboursement des dettes"

Les affaires se conduisent-elles également différemment ?

M. R. : Nous observons un travail de restauration des marges touchant aux politiques d’achats, à la réorganisation des fonctions en interne, à la rationalisation des structures juridiques par fusion absorption, etc. Nous connaissons aussi une activité soutenue en restructuring (renégociation des dettes, procédures collectives, rachat d’entreprises ou de fonds à la barre du Tribunal, etc.) avec intensification des rapports concurrentiels se traduisant par plus de contentieux. Parfois aussi, nous gérons des conflits entre associés, en médiation ou en contentieux.

En quoi les demandes de vos clients vous paraissent-elles parfois inédites, nouvelles par rapport à leurs besoins en temps "normal" ?

M. R. : Des projets qui étaient plutôt mis de côté sont réactivés ou accélérés. Les entreprises de certains secteurs "sous perfusion" des aides publiques doivent repenser complètement leur business model. De même, le recours massif au prêt garanti par l’État induit des stratégies d’investissement calées sur le remboursement des dettes.

Est-ce une période favorable pour des opérations de croissance externe ?

M. R. : Elle l’est indéniablement pour nos clients industriels qui veulent saisir des opportunités de croissance externe. En parallèle, les fonds d’investissement et family offices s’inscrivent eux aussi dans une logique très forte d’investissement, du fait de leur surcroît de cash à investir.

Quels sont les risques et les limites de cette forme d’accélération et de recomposition ?

M. R. : Nous sommes fortement sollicités sur la problématique conjoncturelle de pénurie des matières premières qui touche beaucoup de secteurs : cela suscite beaucoup de questions juridiques autour de l’inexécution des obligations contractuelles (force majeure, etc.), mais aussi de la gestion de la supply chain, qui se trouve fortement perturbée.

"L’attentisme n’est pas la règle. Ceux qui ne changent pas vont disparaître"

Ces risques s’étendent à la gestion managériale des équipes également ?

M. R. : Les employeurs doivent être attentifs à la distorsion des liens du travail : le management à distance, les relations avec les représentants du personnel, le télétravail, et jusqu’où ? Nous les incitons à mettre en place des dispositifs de mesure des retours d’expérience, pour conserver les bonnes idées et diminuer les irritants nuisibles à la productivité.

La période est-elle forcément propice aux changements ? Conseillez-vous à vos clients un temps d’observation ou au contraire les incitez-vous à mener à bien leurs projets ?

M. R. : Oui, cette période est particulièrement propice aux changements. L’attentisme n’est pas la règle. Ceux qui ne changent pas vont disparaître. Nous-mêmes, au sein de Fidal Rhône-Alpes, avons initié au cours des derniers mois plusieurs chantiers structurants : gestion de notre immobilier, réflexion sur de nouveaux modes de communication vis-à-vis de nos clients, mise en œuvre de nouveaux modes de travail centrés sur plus de collectif, etc.

D’un point de vue social, cette crise entraine-t-elle des changements en matière de droit social, et si oui de quels types ?

M. R. : Deux types d’activités peuvent être distingués : celles qui rencontrent une pénurie de main d‘œuvre et celles qui recourent à l’activité partielle de courte ou de longue durée. Dans les deux cas, une adaptation de l’organisation du travail est nécessaire. Même si les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) n’ont pas disparu, la vague des licenciements économiques n’est pas encore arrivée. Le dialogue social avec les salariés et leurs représentants est primordial pour partager un diagnostic propre à une branche, un secteur, ou encore l’entreprise pour faire adhérer les parties prenantes à un nouveau projet commun.

"La crise a mis en lumière les limites des réglementations obligatoires qui pèsent sur les entreprises"

Cette crise entraînera-t-elle, demain, un changement de pratiques entre les services de l’État et les entreprises ?

M. R. : Elle a en tout cas mis en lumière les limites des réglementations obligatoires qui pèsent sur les entreprises en matières fiscale et sociale pour la lutte contre la fraude, en matière de lutte anti-blanchiment ou anti-corruption, en matière de lutte anti-concurrentielle… Ces obligations ne permettent pas d’appréhender certains risques majeurs jusqu’à présent occultés comme la pandémie bien sûr mais aussi les fermetures des frontières. Cela soulève une question plus politique : celle pour les autorités de revoir leurs priorités réglementaires et sans doute pour les entreprises de réinventer un nouveau modèle et un nouveau mode de gouvernance plus éthique.

Pour les employeurs, la crise et sa sortie progressive ont nécessité une adaptation presque quotidienne à l’évolution des règles juridiques au gré des lois, ordonnances mais également des annonces gouvernementales sous forme de communiqués de presse, voire de tweets. Les services administratifs ont également dû s’organiser en urgence, ce qui a donné lieu à des pratiques et positions divergentes, notamment sur la mise en œuvre de l’activité partielle ou des protocoles sanitaires, le télétravail…

Attention, car si des contacts directs et informels avec les services de l’État ont été possibles pendant la période de crise sanitaire, la sortie de crise est une période de contrôles. Espérons que l’administration et les juridictions sauront se souvenir de la difficulté pour les employeurs d’appliquer correctement toutes les règles en vigueur au plus fort de la crise.

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