Le transport urbain, relais de croissance prometteur pour MND et Poma
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Le transport urbain, relais de croissance prometteur pour MND et Poma

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Alors que le transport par câble a largement été adopté depuis de nombreuses années en montagne pour accompagner la pratique du ski et des activités de plein air, il trouve désormais une utilité en milieu urbain comme moyen de transport collectif. Deux entreprises d’Auvergne Rhône-Alpes, Poma en Isère et MND en Savoie, sont en pointe sur ce marché. L’enjeu est stratégique pour ces acteurs industriels qui investissent localement et se développent à l’international.

Selon le cabinet new-yorkais Persistence Market Research, le marché mondial du transport par câble est estimé à 3,6 Md € en 2024 dont un tiers se fera en milieu urbain. Un créneau sur lequel sont déjà positionnées les entreprises régionales Poma et MND — Photo : Poma

Sur le parc d’activité d’Alpespace à Sainte-Hélène-du-Lac (Savoie), au sud de Chambéry, le bruit est moins intense qu’il y a quelques semaines. « Quand les entrepôts se vident, c’est le signe que nos clients ont été livrés ! », relève Martin Francou, directeur Stratégie et Marketing chez MND (40,3 M€ de CA en 2019 ; 300 salariés), industriel savoyard spécialisé dans le transport par câble (téléphérique, téléski, télésiège, télécabine…) et l’aménagement des sites de montagne.

Sur les 20 000 m² de l’usine, quelques soudeurs achèvent de fabriquer des Gazex, ces dispositifs de déclenchement préventifs d’avalanches sans explosif. L’atelier de soudure est encore sur le pont, tout comme celui de la galvanisation et de la peinture. D’autres appareils, déjà emballés, attendent de prendre la route pour l’Italie, l’Autriche ou la Suisse.

Les remontées mécaniques, fabriquées au cours de l’été, ont déjà été acheminées en station pour y être installées. L’impressionnant squelette d’acier d’une gare de télésiège est encore là, en cours de fabrication. En face, des opérateurs finissent d’assembler des enrouleurs de perches. « Bon nombre de nos équipes sont en déplacement en station pour accompagner et superviser l’installation des appareils que nous venons de livrer », précise Martin Francou. Après un été intense consacré à la fabrication, le mois d’octobre est un moment clé pour les livraisons.

Avec 85 % de ses clients issus du secteur de la neige, MND, qui se présente comme le leader mondial du déclenchement d’avalanche sans explosif, est organisé autour de quatre pôles d’activité : l’enneigement (MND Snow), la sécurisation des sites de montagne (MND Safety), les loisirs (MND Leisure) et le transport par câble. Baptisé MND Ropeways (tapis, téléski, télésiège, télécabine…), ce dernier pôle est la vitrine du constructeur, selon Xavier Gallot-Lavallée, PDG de l’entreprise : « le pôle câble est notre plus gros relais de croissance », assure-t-il.

À une heure de route de là, à Veyrins-Thuellin en Isère, chez Sigma Cabins, le rythme est également soutenu. Dans cette usine de 10 000 m², 125 salariés se consacrent exclusivement à la conception et à la fabrication de cabines sur mesures. Sigma Cabins est une filiale du groupe isérois Poma (465 M€ de CA en 2019 ; 1 300 salariés), un des deux leaders mondiaux du transport par câble. L’industriel basé à Voreppe est détenu depuis 2000 par l’italien HTI BV, qui possède également le groupe de transport par câble Leitner (1,05 Md € de CA en 2019 ; 3 000 salariés). Face à eux, le leader autrichien Doppelmayer (935 M€ de CA en 2019 ; 3 081 salariés) mais aussi l’outsider savoyard MND.

« Notre ouverture vers l’urbain ressemble à ce qu’on a pu faire il y a quelques années avec les loisirs et l’outdoor. »

L’urbain comme relais de croissance

Sur un marché mondial du transport par câble estimé à 3,6 Md € en 2024, un tiers se fera en milieu urbain, anticipe le cabinet new-yorkais Persistence Market Research. Pour conquérir ce nouveau marché, MND et Poma ont chacun leur feuille de route et avancent au rythme des chantiers déjà signés.

Poma et sa filiale Sigma Cabins travaillent à l’élaboration des premières cabines qui équiperont les futures lignes de transport par câble de Toulouse et Grenoble dont les mises en service sont attendues respectivement en 2021 et 2022. Deux modèles aux formats très différents (30 places pour Toulouse contre 12 pour Grenoble) et à l’esthétique propre – encore tenue secrète – occupent une bonne partie des lignes de production. À Toulouse, des équipes sont déjà à pied d’œuvre pour installer les pylônes et structures du futur téléphérique urbain.

À Veyrins-Thuellin (Isère), au sein des 10 000 m² de l’usine Sigma Cabins, filiale de Poma, les 125 salariés usinent, cintrent puis rivettent les profilés en aluminium qui formeront l’ossature des cabines — Photo : Pierre Lelièvre

Conçues par le bureau d’études de l’entreprise, les cabines naissent dans l’atelier de carrosserie où sont usinés, cintrés puis rivetés les profilés en aluminium avant de rejoindre les chambres de peinture. « Nous concevons chaque cabine en fonction des besoins de nos clients », assure Gilles Gauzargues, directeur des opérations de Sigma Cabins. « C’est le client qui décide du design final, », confirme Olivier Martens, directeur général du site.

Poma, a, depuis une vingtaine d’années, une certaine appétence pour le marché urbain. Medellín (Colombie), Saint-Domingue (République dominicaine), Le Caire (Égypte), Kyaiktiyo (Birmanie) ou encore Paris (France) ont été équipés par le groupe en infrastructures par câble. « Nous avons une riche histoire avec l’Amérique du Sud », explique Jean Souchal, PDG de la société créée en 1936 à Voreppe (Isère).

L’entreprise MND s’est quant à elle récemment associée au constructeur suisse Bartholet pour trouver des synergies industrielles et commerciales. Les deux sociétés sont ainsi à l’œuvre sur l’infrastructure urbaine de Brest (Finistère), qui connaît depuis quelque temps des soucis opérationnels (lire encadré).

MND a également signé cette année l’installation de deux téléphériques, à Huy, en Belgique, en 2021, et à La Réunion d’ici 2023, pour un total de 17 M€. « Le secteur de la montagne est notre cœur de métier historique mais notre ouverture vers l’urbain ressemble à ce qu’on a pu faire il y a quelques années avec les loisirs et l’outdoor. Cela permet d’étendre notre activité industrielle tout au long de l’année et de ne plus dépendre que de l’hiver », développe le PDG Xavier Gallot-Lavallée, qui ambitionne sous quatre ans de porter à un quart du chiffre d’affaires la part d’activité assurée par le câble en milieu urbain. Aujourd’hui, les deux tiers des revenus de l’entreprise, cotée sur Euronext, proviennent encore de l’enneigement et des remontées mécaniques, le dernier tiers de la sécurité et des loisirs.

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Développer de nouveaux métiers

Le segment de marché du transport par câble en milieu urbain a ouvert par ailleurs au groupe Poma la porte sur de nouveaux métiers. L’industriel s’est en effet développé sur ce créneau en ajoutant à sa palette de savoir-faire la maintenance, mais aussi l’exploitation des appareils « maison ». « Nous voulons proposer une offre complète à nos clients à partir de notre mutation historique sur ces métiers », note Jean Souchal. Poma exploite notamment le téléphérique de Manhattan (New York), les mini-métros des aéroports du Caire et de Miami, onze appareils en Algérie, mais aussi les téléphériques de Saint-Domingue et de Guayaquil (Équateur). À Toulouse aussi, Poma exploitera le futur téléphérique en partenariat avec la société locale Altiservice (qui exploite les installations des stations de ski de Saint-Lary, Font-Romeu Pyrénées 2000 et Cambre d’Aze).

Poma a mis à profit son expérience urbaine pour adapter ces appareils aux nouveaux enjeux de la ville : réduction du bruit, faible impact environnemental, durabilité des appareils. « L’urbain est beaucoup plus exigeant que la montagne puisque les infrastructures doivent pouvoir tourner 19 heures par jour toute l’année à l’inverse de la montagne où les contraintes techniques sont bien moins fortes », souligne le PDG.

« La gestion des projets se fait localement mais la conception et la fabrication se font ici en Rhône-Alpes pour viser un haut niveau de qualité »

Un large maillage international

L’industriel isérois réalise aujourd’hui 80 % de son chiffre d’affaires hors marché français avec 22 filiales à l’étranger. « Nous menons depuis toujours une politique d’implantation globale en étant présents aux quatre coins du monde. Avoir des équipes qui continuent à travailler et à développer l’activité sur place est indispensable », précise Jean Souchal. Poma dispose ainsi de 120 collaborateurs à Pékin, autant dans le Colorado (États-Unis), ou encore 90 salariés à Medellín en Colombie.

MND mise également sur une implantation internationale avec sept filiales et une trentaine de distributeurs à travers le monde pour ses produits. Son alliance avec Bartholet a enrichi sa présence mondiale. « Ce partenariat nous permet d’étoffer notre maillage international pour nous développer commercialement », souligne Martin Francou, le directeur stratégie et marketing

Une industrie "made in France"

Si les deux constructeurs comptent bien profiter des vents ascendants qui soufflent sur le marché du câble urbain, Poma fait également du marché des loisirs un axe fort de son développement dans le monde entier. Le groupe est, par exemple, à l’origine des cabines de la grande roue de Londres (London Eye) et de celle de Las Vegas (Eye Roller). Il travaille actuellement sur la grande roue de Dubaï qui deviendra, une fois achevée, la plus grande roue du monde avec 48 cabines pour 250 mètres de haut. Il a aussi livré il y a quelques mois, une télécabine au Zoo de Beauval permettant de survoler le parc animalier.

Autant de marchés qui sont une vitrine du savoir-faire technique made in France. Poma fabrique en effet la quasi-totalité de ses appareils dans la région Auvergne Rhône-Alpes sur les sites principaux de ses filiales Sacmi et Comag à Gilly-sur-Isère (Savoie) et au sein de ses autres sociétés : Semer (Haute-Savoie) et Sigma Cabins (Isère). En dix ans, Poma, qui détient plus de 225 000 m² d’outils industriels en France, y a investi 40 millions d'euros. « La gestion des projets se fait localement mais la conception et la fabrication se font ici en Rhône-Alpes pour viser un haut niveau de qualité », note Jean Souchal.

Photo : Poma

Un choix également partagé par son voisin savoyard. MND mène actuellement un projet de relocalisation de ses activités de fabrication, dont une partie est encore située en Allemagne et en Suède. Pour cela, l’entreprise va construire un nouveau bâtiment de 10 000 m² en face de son site de Sainte-Hélène-du-Lac. « Ce projet nous permettra d’optimiser nos coûts, d’améliorer notre empreinte écologique et de garantir un haut niveau de qualité », note Xavier Gallot-Lavallée. La société, qui a connu des difficultés financières en 2019, a pu compter cet été sur un financement de 38 millions d'euros : un prêt de l’État de 18 millions d'euros via le Fonds de développement économique et social (FDES) contre-garanti pour moitié par la région Auvergne Rhône-Alpes et un prêt senior de 20 millions d'euros de l’un de ses actionnaires, le fonds d’investissement britannique Cheyne Capital. « Ces nouveaux financements permettront de poursuivre le renforcement de nos capacités financières commencé à l’été 2019 pour accompagner le retour à pleine capacité de nos sites de production, et mener à bien notre plan de croissance », précise Xavier Gallot-Lavallée. Une part servira à redéployer sa production en Savoie et asseoir sa stratégie du made in France. 


Focus : Le téléphérique brestois essuie les plâtres

Inauguré le 19 novembre 2016, le téléphérique brestois connaît des premières années d’exploitations mouvementées. Il est vrai que le prototype de téléphérique urbain est le premier en France. Mais les pannes successives de l’équipement depuis quatre ans irritent de plus en plus Brest Métropole, qui a financé 9,20 M€ sur les 19,10 M€ du projet, estimé à 15 M€ en 2015. Début juin, alors qu’une nième panne mettait le téléphérique à l’arrêt, la collectivité a nommé un expert agréé par le Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés (STRMTG) pour réaliser un diagnostic. Elle posait également un ultimatum au constructeur BMF-Bartholet : « la métropole a fixé aux intervenants l’objectif d’une remise en service du téléphérique dès le 1er août afin de répondre aux attentes des Brestois et des visiteurs ». Une échéance qui n’a pu être tenue. À l’arrêt depuis le 28 juin, le téléphérique brestois était toujours en maintenance début octobre. Du côté de MND, associé depuis le début de l’année au fabricant suisse, on comprend l’agacement de la collectivité tout en assurant que l’ensemble des moyens sont mis en œuvre pour résoudre le problème. « Le groupement gère dorénavant la maintenance de l’appareil », fait savoir Martin Francou, directeur stratégie & marketing de MND. Isabelle Jaffré (à Brest) et P.L.

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