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Christophe Demouilliez (FPI Normandie) : "Il faut faciliter l’accès au logement des primo-accédants"
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Christophe Demouilliez président Fédération des promoteurs immobilier de Normandie "Il faut faciliter l’accès au logement des primo-accédants"

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Avec le début d’une nouvelle crise dans le secteur du bâtiment et un marché du locatif en tension, Christophe Demouilliez, président de la Fédération des promoteurs immobiliers de Normandie, craint de graves conséquences sociales. Il avance plusieurs pistes pour aider les investisseurs et les primo-accédants à retrouver le chemin des achats de biens.

"Le marché immobilier est bloqué car les gens n’achètent plus à cause des taux", souligne Christophe Demouilliez, président de la FPI Normandie — Photo : JULIENTRAGIN

Comment percevez-vous cette nouvelle crise dans le bâtiment ?

Ce qui est surprenant, c’est que c’est à la fois une crise de l’offre et de la demande, ce qui est rare. Il y a moins de demandes chez les primo-accédants et les investisseurs, donc on a assez peu construit. Les ventes ont baissé de 4 % en Normandie sur le premier semestre 2023, par rapport à 2022. On remarque qu’il y a toujours une tension énorme sur les logements de bords de mer, avec des prix qui continuent à monter, ainsi que sur le haut de gamme en général. Cependant, la crise a démarré plus tard que dans le reste du pays en Normandie. L’année 2022 a été une bonne année pour la région, mais nous avons du mal à analyser pourquoi. Peut-être parce que le bord de mer a résisté et aussi les grandes villes.

La crise a-t-elle des spécificités en Normandie ?

Le marché normand évolue moins vite à la hausse et à la baisse que dans les autres régions. Nous avons des marchés sains globalement. Nous n’avons pas eu de très forte hausse. C’est pour cela que je ne suis pas trop inquiet pour notre marché normand. De plus, nous constatons un certain exode de la région parisienne vers la Normandie, avec beaucoup de transactions dans l’ancien, notamment en matière de maisons. Nous sommes aussi très attractifs grâce à notre bord de mer.

Quelles sont les conséquences de cette crise ?

La conséquence directe, c’est la tension sur le marché locatif. Aujourd’hui, le marché immobilier est bloqué car les gens n’achètent plus à cause des taux hauts. Les conditions des prêts ne donnent pas envie de quitter la location pour acheter. Les bailleurs sociaux sont ainsi passés d’un taux de rotation de 12 % à 8 % par an. Au total, il va se construire, en France, 100 000 logements en moins par rapport à un rythme normal. C’est une situation dramatique pour le marché locatif qui est en tension et cela risque de devenir une bombe sociale ! Si pour nous les promoteurs, qui représentons peu d’emplois, la situation n’est pas trop grave, elle a par contre de grosses conséquences dans le secteur des entreprises du bâtiment et le marché locatif. Il y a toutefois un point positif à noter, c’est le retour des investisseurs institutionnels depuis le début de l’année. Cela souligne leur confiance pour la suite.

Quelles sont les solutions pour améliorer cette situation de crise ?

Il y a plusieurs pistes. La première consisterait notamment à agir sur la TVA, car nous sommes de grands pourvoyeurs de TVA, nous versons 20 % à l’État chaque fois que nous vendons un logement ! La seconde serait de s’appuyer sur le dispositif Pinel qui ouvre droit à une réduction d’impôt sur le prix d’achat d’un logement mis en location. Mais il est dégradé aujourd’hui et va disparaître en 2024, alors que c’est un dispositif fiscal pourtant attractif pour les investisseurs et donc bon pour le marché. Une autre piste serait d’exonérer l’immobilier neuf des droits de succession. Cela représenterait un nouveau booster d’achat, car ce serait, à la clé, une transmission gratuite pour ceux qui ont acheté. Une telle mesure pourrait être positive pour des investisseurs.

Enfin, il faut revoir les conditions d’attribution au prêt à taux zéro (PTZ) pour les primo-accédants, afin de faciliter l’accès à la propriété. Le problème, c’est que le coût des constructions a augmenté de manière générale, tout comme le prix des terrains, avec des villes qui nous imposent des projets de grande qualité plus coûteux. Mais, il ne faudrait pas que l’appartement neuf devienne systématiquement un bien haut de gamme. On pourrait imaginer une TVA réduite pour les primo-accédants, de par exemple 10 %. Et donc, un PTZ efficace qui nous permettrait de retrouver des gens capables de devenir propriétaires. Après, il ne faut pas être trop pessimiste, il y a des secteurs qui fonctionnent encore bien dans les centres-villes, notamment les programmes premium.

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