Chimie verte : les ambitions industrielles de Metex prennent corps en Lorraine
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Chimie verte : les ambitions industrielles de Metex prennent corps en Lorraine

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L’entreprise auvergnate Metabolic Explorer (Metex) a inauguré sa première unité de production de chimie biotechnologique fin septembre sur la plateforme Chémésis de Carling-Saint-Avold, en Moselle. L’usine fait basculer la start-up dans une nouvelle dimension et lui permet de donner corps à son ambition de devenir le leader européen de la chimie verte pour la cosmétique et la nutrition animale.

Deux ans après sa mise en chantier, l’usine Metex Noovista de Carling-Saint-Avold, en Moselle, a démarré sa production en juin 2021 — Photo : Lucas Valdenaire

La technologie est née dans le Puy-de-Dôme mais son industrialisation se concrétise 600 kilomètres plus au nord, non loin de la frontière franco-allemande. L’entreprise auvergnate de biochimie Metabolic Explorer, ou Metex, avait plusieurs sites en vue pour installer sa première unité de chimie verte mais a finalement choisi de poser ses valises sur la plateforme pétrochimique Chémésis de Carling-Saint-Avold, en Moselle. Les raisons de cette implantation en Lorraine sont multiples : "Nous avons senti une mobilisation hors-norme de la part des acteurs locaux, avance le fondateur et président de Metex Benjamin Gonzalez. Nous adressons aussi des marchés comme la cosmétique et la nutrition animale pour lesquels la France et l’Allemagne sont très bien placées. Enfin, nous utilisons des matières premières végétales issues de l’exploitation du colza et nous avons, autour de l’usine, beaucoup d’industriels qui peuvent nous fournir."

Spin-off de l'Université d'Auvergne, l'entreprise Metabolic Explorer (Metex) a été fondée en 1999 par son président actuel Benjamin Gonzalez — Photo : Lucas Valdenaire

Une logique de circuit court appuyée par le directeur financier de Metex Antoine Darbois : "Nous avons besoin de glycérine brute qui est un sous-produit du biodiesel. Et il y en a beaucoup dans le Grand Est et en Allemagne. En installant notre unité à Carling, nous optimisons notre logistique d’approvisionnement." D’ailleurs, l’un des principaux fournisseurs de cette glycérine brute se trouve à Verdun (Meuse). Le site mosellan de Metex étant aujourd’hui classé Seveso seuil haut, il "fallait du foncier industriel susceptible d’obtenir toutes les validations administratives et nous l’avons trouvé ici."

Un bassin d'emploi favorable

C’est à partir de ses travaux de doctorat en biotechnologies que Benjamin Gonzalez fonde Metex en 1999. Spin-off de l’Université d’Auvergne, la société développe de nouvelles voies métaboliques de bactéries pour la production d’intermédiaires chimiques par fermentation. "Tout le monde connaît la fermentation du vin avec de la levure qui transforme le raisin en alcool, explique-t-il. Nous faisons exactement la même chose. Un micro-organisme fait fermenter de la glycérine brute pour la transformer en de nouveaux produits." Suivent alors plusieurs dépôts de brevets (400 au total), des tours de financements, des accords de développement avec de grands industriels et une entrée en Bourse en 2007. Deux ans plus tard, Metex se dote d’un pilote industriel. "L'usine en Auvergne tourne en trois-huit, détaille Antoine Darbois. C’est avec elle que nous avons validé la faisabilité industrielle du projet."

"Le passage du statut de start-up à celui d'entreprise industrielle n'a pas été simple."

Pour lancer sa première unité de production, Metex se rapproche du fonds SPI de Bpifrance, qui devient actionnaire de référence. Le duo met 37 millions d’euros sur la table pour créer la coentreprise Metex Noovista et lancer les travaux. Les autres partenaires (groupe Total, État, Région Grand Est) complètent à hauteur de 11 millions d’euros. De son côté, la communauté d’agglomération Saint-Avold Synergie investit 4 millions d’euros dans des bâtiments tertiaires et techniques.

Antoine Darbois (président de Metex Noovista) et Benjamin Gonzalez (président de Metex) ont inauguré leur première usine de production le 23 septembre 2021 sur la plateforme Chémésis de Carling-Saint-Avold — Photo : Lucas Valdenaire

La première pierre est posée en juillet 2019 et la production démarre moins de deux ans plus tard. "En temps de crise sanitaire, c'est très rapide, déclare la directrice du fonds SPI Bpifrance Magali Joëssel. Cette grande réussite locale a beaucoup de sens au niveau national car la filière émergente de la chimie verte et de la bioproduction attendait son champion et ce champion, c'est Metex Noovista. Preuve qu'il est désormais possible d'aller au-delà de la recherche et de la science pour industrialiser ces technologies sur un territoire tout en créant des emplois." À ce jour, l’usine compte une cinquantaine de personnes, toutes recrutées dans la région. "Avec la proximité de l’IUT de Saint-Avold et de l’Université de Lorraine, nous savions que nous trouverions ici la main-d’œuvre qualifiée en chimie pour exploiter l’usine, précise Antoine Darbois devenu président de Metex Noovista. Le bassin d’emploi, lui aussi, était un critère."

Deux accords commerciaux

Trois mois après sa mise en activité, le site a officiellement été inauguré le 23 septembre 2021. L’aboutissement de vingt années de recherches et de prises de risque pour Benjamin Gonzalez : "Le passage du statut de start-up à celui d’entreprise industrielle n’a pas été simple, reconnait-il. Mais avec cette usine, nous changeons d'envergure. Hier, nous nous définissions comme une start-up spécialisée dans la conception, le développement et l’industrialisation de bioprocédés écoresponsables et alternatifs aux prédécédés pétrochimiques. Aujourd’hui, nous devenons un groupe industriel contributeur à la transition écologique en fabriquant autrement des ingrédients fonctionnels d’origine naturelle."

Deux produits sortent ainsi des lignes de Carling-Saint-Avold : du PDO (1,3 Propanediol) pour les marchés de la cosmétique, et de l’acide butyrique pour la nutrition animale. L’objectif est d’en fabriquer respectivement 5 000 et 1 000 tonnes par an d’ici mi-2022. Des accords commerciaux ont été signés en amont du démarrage de l’unité mosellane avec le géant néerlandais de la chimie DSM et le breton Alinova, filiale de la coopérative céréalière Axéréal. "Il y a une telle demande de produits naturels, notamment pour les cosmétiques et la nutrition, que notre problème n’est pas commercial mais principalement industriel," glisse Antoine Darbois.

"Metex vient de faire un grand pas dans sa stratégie pour devenir une ETI française leader en Europe"

"Les planètes sont enfin alignées, abonde Benjamin Gonzalez. Car notre usine permet de répondre à ces nouvelles attentes : nos matières premières sont renouvelables, la production et les marchés sont européens, et nos produits ont une empreinte carbone réduite contrairement aux mêmes produits d’origine pétrochimique." Cosmétique, nutrition animale et biopolymères : au total, Metex vise 16 milliards d’euros de marchés dès 2023.

Un nouvel ingrédient chaque année

Le groupe auvergnat veut tout simplement devenir le leader européen de la chimie verte. Pour y arriver, Metex compte sur une deuxième unité rachetée en mai 2021 à l’industriel japonais Ajinomoto, à Amiens dans la Somme. "C’est la plus grande usine européenne de fermentation industrielle, présente Antoine Darbois. Elle produit d'autres types d'ingrédients fonctionnels, des acides aminés, qui sont essentiels pour la nutrition animale. Et cette acquisition a été rendue possible par la concrétisation de notre projet en Moselle. Comme les deux sites utilisent la même technologie, des liens se feront naturellement entre eux."

Baptisée Metex Noovistago, cette unité supplémentaire propulse le groupe dans une nouvelle dimension avec 450 collaborateurs et 170 millions d’euros de chiffre d’affaires consolidé. "Metex vient de faire un grand pas dans sa stratégie pour devenir une ETI française leader en Europe, se félicite Benjamin Gonzalez. Mais notre ambition ne s’arrête pas là car nous avons l’intention d’introduire sur le marché un nouvel ingrédient chaque année. Maintenant, nous voulons contribuer avec vigueur à la transition écologique, à la réindustrialisation de nos territoires et à la préservation de notre souveraineté dans les filières stratégiques."

Metex Noovista emploie une cinquantaine de personnes, toutes recrutées dans le bassin d’emploi mosellan — Photo : Lucas Valdenaire

Avec son terrain de six hectares, Metex Noovista ne se pose pas la question de la surface disponible pour ses futurs rêves de grandeur. De quoi donner envie à d’autres industriels de s'implanter ? Dans le sillage de Metex, ils sont plusieurs à vouloir s’installer sur la plateforme mosellane. "Je sais que notre usine va attirer sur place d’autres investissements pour faire, peut-être, une nouvelle révolution industrielle, celle de la chimie verte", souffle Benjamin Gonzalez. "Nous nous inscrivons complètement dans la redynamisation de cette plateforme emblématique, centre de la carbochimie et de la pétrochimie en France, conclut Antoine Darbois. Aujourd’hui, l’heure est arrivée pour la biochimie : celle du futur, du végétal et du renouvelable."

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