Né en Afrique du Sud, André Shearer est fondateur et président de Cape Classics, pionnier du vin éthique aux États-Unis, qui importe environ 700 000 bouteilles françaises, dont 20 000 de Bordeaux.
Confronté à la récente hausse des taxes douanières à l’entrée des États-Unis, il a choisi de faire le dos rond : « C’est vrai que pour la fin de l’année, on s’y est pris à l’avance et beaucoup de vin a été acheminé en septembre. Mais on a encore des besoins. Nous importerons avec des marges très réduites… et arrêterons de respirer pendant six semaines. »
« Nous aurons de vraies difficultés à partir de mars-avril. »
Pour lui, pas question de répercuter la surtaxe sur le client américain. « Si pendant six mois, il faut accepter moins de marges, on va discuter avec les producteurs pour voir comment répartir ce différentiel. Augmenter de 25 % le Bordeaux, ce serait perdre 60 % du marché de la vente au verre, au profit du vin de Californie, d’Australie ou d’Afrique du Sud. La clientèle américaine va apprécier un entre-deux-mers, mais elle va boire comme de l’eau un Sauvignon de Nouvelle-Zélande plus aromatique, même s’il a un nez quasiment excessif ! »
Embouteiller sur le sol américain
La France et la Nouvelle-Zélande sont les pays producteurs les plus appréciés de cette société américaine qui s’éduque au vin. Mais cette position reste fragile. Pour l’instant, la résolution est claire : « Préserver le marché avec moins de marges pour ne pas perdre tout le marché. » Et si la mesure persiste ou s’amplifie ? « Nous aurons de vraies difficultés à partir de mars-avril. On saura être créatif pour s’adapter avec prudence. Les prix des prochains millésimes devront être revus à la hausse dès le début 2020. »
André Shearer imagine déjà d’autres solutions pour éviter cette pénalité sur les petits contenants. « Pourquoi ne pas importer séparément le vin, les bouteilles et les cartons et embouteiller sur le sol américain ? Certes il faudra investir, mais l’essentiel est de garder un prix fixe auprès du client. » L’enjeu de cette taxation n’est pas mince. « Pour le président des États-Unis Donald Trump, c’est un détail. Pour nous, ça change la vie. »