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Argeville : "Nous sommes à la semaine de quatre jours depuis 25 ans et ça fonctionne bien"
Interview Alpes-Maritimes # Industrie # Management

Jean-Baptiste Poumarede DRH d’Argeville "Nous sommes à la semaine de quatre jours depuis 25 ans et ça fonctionne bien"

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L’azuréen Argeville, qui compose et commercialise ingrédients, parfums et arômes, pratique la semaine de quatre jours depuis 1998, sur 32 heures. Jean-Baptiste Poumarede, son DRH, n’y voit que des avantages. Tant et si bien que l’entreprise familiale étend désormais cette organisation à ses collaborateurs évoluant dans ses centres internationaux.

Jean-Baptiste Poumarède est le directeur des ressources humaines d’Argeville, spécialiste des parfums, arômes et ingrédients — Photo : Olivia Oreggia

Quel est le rythme de travail des salariés d’Argeville (315 collaborateurs, CA 2022 : 72 M€) ?

L’ensemble des 315 collaborateurs d’Argeville, cadres compris, effectuent leurs 32 heures de travail hebdomadaires sur quatre jours. C’est ainsi depuis 1998. L’entreprise était alors plus petite. Son dirigeant, Jean-Jacques Ardizio, le père de Xavier Ardizio, actuel président, avait fait ce choix, affirmé, novateur, pour aller au-delà de la mise en place des 35 heures.

Quel impact cette organisation a-t-elle sur la productivité de l’entreprise ?

Aucun. Nous avons suffisamment de recul pour savoir que cela n’a pas du tout empêché Argeville de se développer, de recruter ou de se déployer à l’international. Même sur quatre jours, les collaborateurs sont quotidiennement très impliqués dans leur fonction et dans leur mission, de manière tout à fait différente. Ce sont des journées de huit heures qui sont, c’est vrai, très intenses. Mais il y a un engagement de chacun dans l’organisation et dans le souhait de faire perdurer ce système-là. En contrepartie, il y a un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle et, pour les salariés, une journée de plus pour leurs loisirs, leur famille. Chacun y trouve son compte et son bonheur. Et après trois jours de pause, vous revenez l’esprit vidé.

Fin 2022, vous avez étendu ces 4 jours à vos huit centres internationaux. Quelle a été la réaction des équipes ?

Il y a eu de la surprise et parfois des interrogations. Mais ils savent que le modèle fonctionne. Les centres de Dubaï et Bangkok comptent une trentaine de collaborateurs, les autres (à Moscou, Ho Chi Minh-Ville, Bogota, Guangzhou et bientôt à Mumbai, NDLR) comptent entre 3 et 5 personnes, mais cela ne change pas la problématique. C’est une question d’organisation, pour savoir par exemple comment répondre à ses clients en ayant un jour de moins. C’est aussi une question de communication et d’approche. Avec les partenaires, les fournisseurs, mais aussi les collaborateurs. Quand on explique et que l’on anticipe les choses de façon à être proactifs, tout se passe bien et cela, in fine, ne change pas grand-chose. Nous avons étendu à tous nos centres car il y avait ce souhait d’harmonisation afin que la culture de l’entreprise soit diffusée, que l’on soit en France ou à l’international. Et cela nous permet aussi d’envisager de la mobilité. Ce qui fait partie de la gestion des talents, afin de les fidéliser. Cela permet aussi d’exporter les compétences et les connaissances du siège ici, dans des centres plus petits, qui ont besoin de cet ADN. C’est gagnant-gagnant.

Est-il plus facile de recruter avec la semaine de quatre jours ?

Cela a un impact certain. Cela nous permet d’attirer. On voit qu’il y a une forte attente, notamment chez les plus jeunes. Cela donne plus de sens à ces générations en recherche d’équilibre et pour qui le travail n’est pas tout.

Cette organisation n’aurait donc selon vous que des avantages ?

Sincèrement, oui. Je ne vois pas de point négatif. C’est à la fois un modèle économique qui fonctionne et un modèle social qui fonctionne. Les gens sont bien, on le sent.

Au-delà du temps de travail, comment Argeville travaille-t-il son modèle social ?

C’est une politique RH, globale, impulsée par Xavier Ardizio. Il y a une vraie bienveillance vis-à-vis des collaborateurs. Cela commence dès l’accueil et l’intégration. Chaque personne qui entre dans l’entreprise suit un parcours d’intégration sur-mesure, en fonction du profil et du poste. L’objectif est de rapprocher les équipes. Les constats d’étonnement que l’on fait au bout de quelques semaines sont très positifs.

Dans l’entreprise, tout le monde est très engagé, impliqué. Nous n’avons pas un patron qui décide de tout d’un côté et tout le monde de l’autre qui applique ce qui est dit. Évidemment, il y a des arbitrages et des décisions, mais il y a une place laissée aux équipes pour proposer, s’exprimer, oser. Ce sont les opérationnels qui savent comment ça se passe ! On peut suggérer une idée de process par exemple, qui sera étudiée, testée et appliquée si elle est bonne. Cette autonomie aussi permet d’attirer des talents.

Êtes-vous toujours en recrutement ?

Oui, car nous sommes en développement, surtout à l’international. Nous parvenons toujours à pourvoir les postes relativement rapidement car nous développons des outils pour répondre à nos besoins. Par exemple, lorsque nous avons agrandi ici, nous avons eu de forts besoins sur la partie production. Nous avons alors fait, avec Pôle Emploi, des mises en situation, sans CV, et des immersions.

Pour des profils supports, en comptabilité ou en ressources humaines, nous activons la marque employeur, les 4 jours, le mode de fonctionnement… En fait, chaque recrutement va avoir une problématique un peu différente.

Mais il est vrai que le recrutement, globalement, se complexifie. Il faut être créatif. Je suis, par exemple, en train d’étudier, avec un cabinet extérieur, comment utiliser l’intelligence artificielle pour sourcer des candidatures et trouver des profils plus spécifiques, comme une comptable qui parlerait anglais, par exemple.

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