Comment est né le projet de semaine à 4 jours ? Est-ce une demande des salariés ?
Il s’agit pour moi d’une suite logique au télétravail. En 1992, je dirigeais une petite mutuelle de 12 salariés et déjà, pour les non-cadres, j’avais instauré la semaine de 4 jours. Aujourd’hui, c’est une demande de la société au sens large. C’est la première question qu’on nous pose en entretien de recrutement : faites-vous du télétravail ? Et puis, très simplement, après un week-end de pont ou de pause, quand les gens reviennent moins fatigués, plus dynamiques, ils travaillent mieux. C’est cet équilibre qu’on essaye de trouver. Les entreprises doivent commencer à se poser la question.
Ce nouveau rythme est officiellement intégré depuis le 1er janvier. Quel a été le processus de mise en place ?
Le télétravail était facultatif. Concernant la semaine des 4 jours, je préférais mener une démarche plus collaborative, plus participative. J’ai annoncé le projet à tout le monde en juin, volontairement avant la période des congés pour que cela fasse son chemin. Certains n’y étaient pas favorables, craignant de se voir imposer des journées plus longues. Pendant trois mois, nous avons fait remonter toutes les objections et les questions via une boîte à idées par notre intranet. En octobre, nous avons fait un sondage. Tout le monde a voté : 80 % se sont prononcés pour.
Combien d’heures travaillent les salariés de Mutuelles du Soleil désormais ?
Il y a une diminution du temps de travail, sans réduction de salaire. Le personnel administratif, le plus nombreux, est passé de 37 heures sur 5 jours et avec 10 jours de RTT, à 35 heures sur 4 jours. L’objectif est d’arriver à terme à 32 heures. Les commerciaux eux, sont passés directement de 37 à 32 heures. Nous débutons ainsi et nous allons voir ce que cela va donner. Nous avons déterminé trois jours non travaillés, au choix : lundi, mercredi ou vendredi. Chaque service s’entend avec son responsable, comme pour les congés. Néanmoins, ceux qui le souhaitent pourront rester à 5 jours. Chaque année, le salarié pourra décider. Tout est fait bien sûr en concertation avec le CSE et encadré avec le service des ressources humaines.
Ne craignez-vous pas que cela impacte la productivité ?
Je suis persuadé que la productivité ne sera pas touchée. Même si nous "dégradons" certaines choses, nous resterons dans la qualité. Aujourd’hui par exemple, tout ce qui est traité manuellement est réglé à cinq jours. Dans notre activité, les mutuelles payent leurs assurés en moyenne à vingt jours, donc si demain, nous devions payer à six jours, nous serons toujours plus performants. L’idée est vraiment d’avoir une action de qualité de vie au travail. La deuxième idée est d’avoir une force de recrutement supplémentaire. Recruter est devenu un parcours du combattant. C’est compliqué de trouver des commerciaux mais aujourd’hui tous les métiers sont touchés : RH, comptabilité… C’est donc un vrai facteur d’attractivité et de fidélisation de nos talents. Tout comme les travaux que nous avons effectués au sein du siège à Nice. Nous avons par exemple aménagé le réfectoire au milieu des mandariniers, ce n'est pas courant ! Et ça aussi ça rentre en compte. C’est toujours la même histoire, si les gens ne viennent pas travailler avec la boule au ventre et évoluent dans un climat serein, ils travaillent mieux.
Si le télétravail n’avait pas fait ses preuves depuis 2018 au sein de Mutuelles du Soleil, auriez-vous lancé ce nouveau chantier ?
Si je n’avais pas assez confiance dans les salariés quand ils sont chez eux, loin du regard de leur n + 1, non, je ne proposerai pas la semaine à 4 jours. Nous avons mis en place le télétravail normé et le télétravail exceptionnel. Si une personne est enrhumée, plutôt que de venir contaminer tout son service, elle peut rester chez elle, on ne lui demande pas de certificat. Pareil si son enfant ne se sent pas bien. On n’a quasi plus d’arrêts maladie pour enfant malade ! Tout cela est aussi une question de confiance. On enlève des contraintes et donc du stress. Notre productivité est ainsi en progression de 20 %. Sur les métiers support, nous constatons moins d’erreurs. C’est simple : mieux les salariés se portent, mieux l’entreprise se porte.
