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Coronavirus - Aniel : « Le maintien d’une activité, même faible, est un des facteurs clé du succès de demain »
Interview Toulon # Distribution

Vincent Belhandouz dirigeant de l’entreprise Aniel Coronavirus - Aniel : « Le maintien d’une activité, même faible, est un des facteurs clé du succès de demain »

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Alors que nombre de ses clients réparateurs ont fermé leurs portes, l'entreprise toulonnaise Aniel, devenue numéro 1 de la distribution de pièces de carrosserie dans le Sud-Est, reste ouverte. Une décision importante et parfaitement assumée par son dirigeant Vincent Belhandouz, convaincu que la reprise globale de l'économie sera d'autant plus facile que toutes les entreprises n'auront pas fermé.

Vincent Belhandouz dirige l'entreprise Aniel depuis 2010 — Photo : Aniel

Le Journal des entreprises : L’entreprise Aniel, implantée sur la zone de Toulon-Est, distribue des pièces de carrosserie. Dans quelle situation se trouve-t-elle aujourd’hui ?

Vincent Belhandouz : Même lorsque le coronavirus Covid-19 ne sévissait qu’en Chine, nous n’avons jamais rencontré de problème d’approvisionnement parce que nous sommes une plateforme et que nous avons toujours un stock de sécurité important (22 000 références en stock).

En revanche, côté business, la baisse a été brutale depuis les premières mesures de confinement et nous réalisons actuellement 20 % de notre activité normale (CA 2018 : 25 M€). Et c’est assez étonnant parce que le secteur automobile a été considéré comme indispensable au bon fonctionnement de la vie économique et est donc autorisé à rester ouvert. Mais je pense que le message du président de la République, qui a voulu rassurer en ouvrant la possibilité de demander du chômage partiel, a poussé bon nombre d’entreprises à choisir cette option. Ainsi, plus des deux tiers des garages ont préféré fermer leurs portes.

« Nous réalisons actuellement 20 % de notre activité normale. »

Chez Aniel, nous avons décidé de rester ouverts et d’ajuster au mieux nos effectifs (70 personnes) pour que cela nous coûte le moins cher possible.

Quelle organisation avez-vous mise en œuvre ?

Vincent Belhandouz : Ce que je fais, n’importe qui peu le faire. Certes, cela me coûte plus cher que d’avoir fermé purement et simplement, mais en restant ouvert, je limite quand même la casse grâce aux dispositifs mis en œuvre par l’État, grâce aussi au soutien de mes banques, qui sont prêtes à me proposer des lignes de crédit inédites.

Les gestes barrières ont été adoptés : du gel hydroalcoolique dans chaque bureau, les distances respectées. Très rapidement, nous avons mis une première partie de notre personnel en télétravail puis ça s’est accéléré les 16 et 17 mars derniers (début du confinement, NDLR). Aujourd’hui, plus des deux tiers du personnel sont en chômage partiel. Douze personnes (commercial, administratif, centre de relations clients) sont en télétravail et la bascule s’est faite assez facilement puisque tous nos logiciels sont en mode SaaS et même notre centre d’appels peut être géré à domicile. En termes de pilotage, c’est assez facile et c’est presque comme s’ils étaient au bureau.

« Plus des deux tiers du personnel sont en chômage partiel. »

Enfin, 10 personnes restent physiquement présentes dans l’entreprise : le responsable informatique, qui s’assure que tout fonctionne bien, moi-même et huit salariés en logistique. Ces huit salariés sont bien occupés et ont bien compris pourquoi ils sont là : à savoir jouer notre rôle en restant ouvert. Car j’en suis convaincu, le maintien d’une activité, même très amoindrie, est un des facteurs clé du succès de demain. Ces salariés appliquent les gestes barrières de façon drastique et j’ai le sentiment qu’après bientôt deux semaines de confinement, ils commencent à se rendre compte qu’ils ont peut-être plus de chance que leurs collègues confinés à la maison.

Comment conservez-vous le contact avec vos salariés ?

Vincent Belhandouz : Avec ceux qui sont en télétravail, nous nous parlons beaucoup par téléphone. Nous avons aussi des communications quotidiennes que nous envoyons à tous nos collaborateurs, ceux qui télétravaillent comme ceux qui sont en chômage partiel. Nous nous appuyons aussi beaucoup sur les réseaux sociaux pour communiquer à tous et à nos clients les actualités d’Aniel.

Quels dispositifs avez-vous sollicités à ce jour ?

Vincent Belhandouz : Principalement des mesures de chômage partiel et les reports d’échéances pour les charges sociales, la TVA et l’impôt sur les sociétés. J’ai aussi engagé des discussions avec mes banques pour m’assurer qu’ils répondraient présents lorsque nous aurons besoin d’elles. Nous y consacrons beaucoup de temps, mais nous avons la chance d’être adossés à un groupe et d’être accompagnés par un service administratif et financier et un service RH, qui compilent et digèrent pour nous toutes les informations.

Nous sommes aussi en train de nous entretenir avec chaque salarié pour solder les reliquats de congés avant la reprise. Nous faisons de la pédagogie et ils comprennent dans l’ensemble car c’est du bon sens. J’espère qu’au mois de mai, tout le monde sera sur le pont !

Pour le moment, rencontrez-vous des problèmes de trésorerie ?

Vincent Belhandouz : Les potentiels problèmes de trésorerie surviendront en mai. Car en avril, nous pourrons encore nous appuyer sur une moitié de chiffre d’affaires réalisée en mars qui, couplée à un report de charges, devrait nous permettre de passer le mois d’avril.

Début juin, avec une activité tombée à 20 % sur les mois précédents et un redémarrage des charges à payer, c’est à ce moment-là que nous aurons besoin des banques.

Du côté de mes fournisseurs, je les ai contactés un par un : pour certains, lorsque leur survie est en jeu, nous avons anticipé les paiements. C’est lourd comme décision, mais c’était important de le faire.

« Lorsque la survie de nos fournisseurs est en jeu, nous avons anticipé les paiements. »

Pour les autres fournisseurs (en général de grandes entreprises comme Valeo), nous avons sollicité des décalages de paiement lorsque cela était possible et ils nous ont répondu favorablement.

Personnellement, comment vivez-vous le confinement ?

Vincent Belhandouz : Heureusement que je ne suis pas chez moi et que je peux encore me rendre tous les jours à mon travail. C’est là que je me sens efficace. Ma place est au contact de mes troupes.

Plus globalement, je vis ce confinement plutôt bien, notamment parce que dans une autre vie, j’ai travaillé dans de nombreux pays à travers le monde, quelques fois des pays dangereux.

Ce que je vis mal, en revanche, c’est de me rendre compte que certaines personnes pourraient être plus impliquées dans la bonne continuité de la vie économique en France… cela me déçoit. Car plus nous ralentissons l’activité, plus nous mettrons l’économie dans la difficulté pour gérer l’après coronavirus.

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