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Paca Participations : "Il est possible de construire une entreprise exemplaire, sans renier la profitabilité"
Interview Var # Distribution # RSE

Stéphane Benhamou président de Paca Participations "Il est possible de construire une entreprise exemplaire, sans renier la profitabilité"

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C’est une première pour la grande distribution à prédominance alimentaire, saluée par Dominique Schelcher, le directeur général de Système U. Le groupe varois Paca Participations, avec l’Hyper U des Arcs-sur-Argens pour navire amiral, est devenu société à mission. À travers cette transformation, le dirigeant Stéphane Benhamou entend servir l’intérêt général et nourrir une forme d’exemplarité.

Stéphane Benhamou, président de Paca Participations, Annelise Harouche, responsable qualité et RSE, Dominique Schelcher, directeur général de Système U, Jacques Creyssel, directeur général de la Fédération du commerce et de la distribution — Photo : Hélène Lascols

L'entreprise varoise Paca Participations a souhaité faire de l'adoption du statut de société à mission un événement national, lors d'une soirée d'inauguration en présence de nombreuses personnalités locales et nationales. Pour quelles raisons ?

Stéphane Benhamou : Paca Participations, exploitant du Centre commercial Sud Dracénie Hyper U des Arcs-sur-Argens, du Super U de Saint-Zacharie, de So. Bio à Brignoles et de La Table du Chai au sein du centre commercial Hyper U, est le premier groupe de grande surface à prédominance alimentaire à devenir société à mission. Une première que j'ai souhaité partager avec l'écosystème local, mais aussi avec des représentants nationaux, Patrick Martin, président du Medef, et Dominique Schelcher, directeur général de Système U.

Parce que nous travaillons dans la distribution à prédominance alimentaire, un secteur souvent pris comme bouc émissaire, j'ai voulu démontrer qu'il était possible de construire une entreprise exemplaire, de se transformer, sans renier la profitabilité et en y ajoutant des préoccupations humaines et environnementales.

Avec plus de 440 collaborateurs et un chiffre d'affaires de 170 millions d'euros, Paca Participations, est par ailleurs une ETI, entreprise de taille intermédiaire, qui doit montrer la voie. À la tête de mon groupe, comme dans mon mandat de président du Medef Var, je me bats pour donner l'envie aux PME de grandir, et pour inciter des ETI, qui portent un grand nombre d'investissements en France, à prendre en compte les dimensions sociales et environnementales.

Comment en êtes-vous arrivés à adopter ce statut de société à mission ?

S.B. : Chez Paca Participations, nous avons toujours considéré que le commerce est une activité d'utilité sociale, qui recherche le bien-être de ses collaborateurs, qui sert le territoire et qui s'engage.

Le statut de société à mission vient sacraliser les actions et les valeurs de notre entreprise, construite sur deux piliers.

L'humain d'abord. Nous entretenons un lien privilégié avec nos collaborateurs et ce lien rejaillit positivement sur nos clients que nous sommes là pour satisfaire. Le volet environnemental ensuite : je porte le Var dans mon cœur et dans mon sang avec l'envie d'en faire une terre de promotion et de développement économique dans le respect de l'environnement.

Dominique Schelcher : L'officialisation du changement de statut de Paca Participations est la résultante d'un engagement de longue date. Déjà en 2008, lorsque l'Hyper U des Arcs a ouvert ses portes, cette réalisation était exemplaire en termes de durabilité. L'adoption du statut d'entreprise à mission dans le secteur du commerce est par ailleurs rarissime et il est important de soutenir ces démarches. Dans un groupement d'indépendants comme Système U, nous ne pouvons rien imposer. Encore moins lorsqu'il s'agit d'un changement de statut, qui suppose que le dirigeant soit un missionnaire. En revanche, les bonnes idées se diffusent très vite, surtout lorsqu'elles sont réussies.

Concrètement, comment s'est déroulé ce changement ?

Annelise Harouche : Dès 2008, Paca Participations avait bousculé les codes de la distribution en construisant aux Arcs l'un des premiers bâtiments commerciaux selon le référentiel HQE. En 2016, le groupe décroche les premiers trophées RSE Paca. Puis, en 2021, alors que l'entreprise perd 15 % de son chiffre d'affaires en raison de la crise sanitaire, Stéphane Benhamou est convaincu que son entreprise joue un rôle public et me laisse alors carte blanche pour opérer la transformation statutaire vers la société à mission.

Stéphane Benhamou, président de Paca Participations et Annelise Harouche, responsable qualité et RSE — Photo : Hélène Lascols

Nous avons travaillé avec l'agence MBD Open Marketing (Alpes-Maritimes), qui aide les entreprises à relier RSE et performance. Puis, ce sont les collaborateurs, qui ont porté la démarche. Ensemble, ils ont défini des valeurs, partagées par tous : singularité, excellence, engagement, confiance. Ils ont défini la raison d'être en se demandant en quoi notre entreprise est différente, en quoi elle est utile. Notre dirigeant a donné une vision, mais ce sont les collaborateurs qui ont été les architectes du changement et, aujourd'hui, nous travaillons pour une mission qui nous ressemble et qui est portée par tous.

Nous ne décrétons pas que nous sommes devenus société à mission, nous le vivons dans nos tripes.

Quels sont la raison d'être et les engagements pris par Paca Participations ?

A.H. : Notre raison d'être est d'incarner un commerce singulier et engagé au service du mieux vivre ensemble et de notre territoire.

Elle repose aussi sur des engagements écrits, contrôlés par un organisme tiers indépendant, le cabinet KPMG, et un comité de mission que nous avons choisi d'ouvrir vers l'extérieur. Nathalie Gonzales, maire des Arcs-sur-Argens, Aurélie Bertin, du Château Sainte Roseline, Patrick Mendes, aquaculteur à la tête des Poissons de Tamaris, Séverine Cachod, présidente de la coopérative ImmaTerra et le Crédit Agricole Provence Côte d'Azur vont apporter leur regard, nous challenger.

Quels sont les objectifs opérationnels ?

A.H. : Nous en avons 12. L'entreprise s'engage à privilégier les fournisseurs locaux, à être un acteur social et solidaire et à accompagner le développement local. Nous nous engageons aussi à réduire et valoriser nos déchets ou à agir contre le gaspillage alimentaire, à prendre part aux efforts globaux de développement durable. Pour ses salariés, Paca Participations entend développer leurs compétences ou encourager la mobilité interne.

S'il ne fallait retenir que deux objectifs, quels seraient-ils ?

S.B. : Partant du postulat que l'entreprise est un espace où les collaborateurs peuvent aller mieux lorsque leur vie privée est compliquée, nous avons choisi de mettre en place une procédure visant à lutter contre les violences et déviances intrafamiliales et conjugales. Notre directrice des ressources humaines, Mireille Bourges, va mener un travail avec les assistantes sociales et psychologiques de l'Union patronale du Var et la déléguée du Var aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Un autre objectif est de développer le nombre de contrats avec des fournisseurs locaux et d'accompagner ces derniers lorsque c'est nécessaire. Au sein de nos rayons fruits et légumes, nous retrouvons les produits de l'ensemble des producteurs (25 à 30) installés entre Solliès-Toucas et Fréjus. Notre Hyper U réalise 10 % de son chiffre d'affaires "fruits et légumes" avec des produits locaux. Chez So. Bio, ce chiffre dépasse les 50 % en pleine saison.

Au sein de l'Hyper U des Arcs, navire amiral du groupe Paca Participations, une cuisine centrale permet de réaliser tous les produits traiteur sur place. produits préparés sur place — Photo : Hélène Lascols

Nous voulons aussi augmenter de 15 % par an le nombre de produits préparés sur place. Nous avons notre propre cuisine centrale depuis deux ans, nous avons aussi une microbrasserie pour notre bière, nous torréfions notre café, nous réalisons des crêpes sur place, etc.

Cette transformation a-t-elle eu un impact financier sur les comptes de l'entreprise ?

S.B. : La performance de l'entreprise n'a pas été impactée. Au contraire. Cette étape a permis de renforcer la mobilisation, l'engagement de tous.

D.S. : Une telle démarche va dans le sens de l'Histoire. La directive européenne CSRD imposera dès 2025 aux plus grandes entreprises de structurer un rapport de durabilité. Nos plus grands magasins, à commencer par celui des Arcs, qui figure dans le Top 10 de la soixantaine d'Hyper U en France, seront concernés. Nous avons ici un train d'avance.

S.B. : Pour respecter l'objectif fixé par les accords de Paris de 2 tonnes de CO2 émises par personne et par an en 2050, chaque contribution compte. Nous voulons apporter la nôtre car je considère qu'une réglementation n'est pas là pour être subie, mais plutôt pour être anticipée, pour en tirer une opportunité.

Quelle est la prochaine étape ?

S.B. : Nous voulons revendiquer le rôle exemplaire et sociétal de l'entreprise.

Face aux difficultés de recrutement, de fidélisation du personnel, l'entreprise à mission donne du sens, mais ce n'est pas suffisant.

Nous devons aller plus loin et combattre les préjugés. Le commerce, plus vieille activité, est peu valorisé alors même qu'il est le premier employeur de France. Je souhaite que mes collaborateurs soient fiers de travailler à nos côtés, nous devons trouver des modes d'organisation qui répondent à leurs attentes, nous devrons peut-être aller plus loin que la semaine de 5 jours.

Chez Paca Participations, nous avons mis en place l'horizontalité. Je veux aller vers la transversalité pour que nos managers soient accompagnés par nos services support et puissent donner du sens au travail de leurs collaborateurs. Je veux montrer que l'entreprise est un espace au sein duquel la démocratie s'exprime. Ça va bousculer.

Nous réfléchissons aussi à la création d'un centre de formation interne pour pouvoir former nos alternants chez nous et ainsi leur permettre d'adhérer rapidement à la culture d'entreprise.

Var # Distribution # RSE # ETI