Comment la Normandie s'est mobilisée pour braver la tempête Covid
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Comment la Normandie s'est mobilisée pour braver la tempête Covid

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Si la Normandie a, elle aussi, connu une première phase de sidération à l’annonce du confinement, les acteurs économiques locaux se sont rapidement organisés pour faire face à la crise sanitaire et limiter les dégâts. De nombreuses initiatives ont ainsi vu le jour dans les entreprises pour aider l’effort national de lutte contre le Covid-19. À leurs côtés, filières, réseaux, et institutionnels se sont mobilisés pour apporter des réponses et les soutenir.

Le redémarrage de l’activité en Normandie bénéficie d’autres bonnes nouvelles avec des secteurs qui donnent le ton comme celui de l’éolien marin off shore — Photo : Siemens

En Normandie, nombreuses sont les entreprises de tous secteurs à s’être rapidement organisées pour faire face à la crise liée à l'épidémie de coronavirus. C’est le cas de Dedienne Multiplasturgy Group. Très vite, en avril, le spécialiste de la plasturgie haute technicité pour l'aéronautique, l'automobile et la santé (66 M€ de CA, 620 salariés), basé à Saint-Aubin-sur-Gaillon (Eure), a lancé une gamme de produits de protection individuelle et d’intérieur. Et a ajouté une nouvelle gamme à sa production et un site e-commerce. « Comme de nombreuses entreprises, nous avons eu une perte significative d’activité depuis le début de la crise du coronavirus », décrit le PDG Pierre-Jean Leduc. L'ETI a également investi plus de 200 000 euros pour mettre au point un masque lavable et réutilisable à l'infini avec des matériaux durables. « Lorsqu’une entreprise comme la nôtre, qui dépend à 75 % des activités de transport, voit ses marchés (aéronautique, automobile, bagagerie, NDLR) très impactés par la crise, elle doit bouger et innover sinon la problématique risque d’être très négative », estime Pierre-Jean Leduc, pour qui cet investissement était « nécessaire ».

Des activités temporaires désormais pérennisées

De son côté, après avoir réorienté une partie de sa production pour fabriquer des masques de protection en tissu réutilisables pour lutter contre le coronavirus, Saint James, spécialiste de la confection de vêtements marins, a décidé de pérenniser sa nouvelle activité. L’entreprise basée dans la Manche, a investi 270 000 euros pour la construction d’un atelier de fabrication entièrement dédié à la production de masques en tissu réutilisables, et qui doit permettre à terme l’embauche d’une trentaine de personnes.

Autre exemple d’aide à l’effort national de lutte contre le coronavirus, Maison Berger, basé à Bourgtheroulde (Eure), spécialiste des lampes à catalyse, a lancé la fabrication de près d’un million de flacons de gel hydroalcoolique, après avoir réorganisé ses chaînes de production. Convaincu que la demande en gel hydroalcoolique restera soutenue, bien après la fin du confinement, le directeur de Maison Berger réfléchit à la pérennisation de sa nouvelle production, via une ligne de production dédiée.

Maison Berger envisage de pérenniser sa production de gel hydroalcoolique, après la crise sanitaire — Photo : DR

Redémarrage de l’économie normande

Alors que près de 90 % des chantiers s’étaient arrêtés avec la crise sanitaire, le secteur normand du BTP comptabilise, quelques semaines après le déconfinement, un redémarrage de 71 % des chantiers, un chiffre équivalent à la tendance nationale. Pour soutenir cette reprise, en complément du guide de l’OPPBTP (l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics) sur les consignes sanitaires et les mesures de prévention à respecter dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, une charte de bonnes pratiques a été signée entre les professionnels du BTP et les principaux maîtres d’ouvrage publics. La nouvelle charte doit permettre de faciliter les relations entre les maîtres d’ouvrage publics et les professionnels du BTP.

Pour assurer la maintenance du parc éolien de Dieppe-Le -Tréport, 125 emplois directs seront créés — Photo : © Siemens Gamesa

Le redémarrage de l’activité en Normandie bénéficie d’autres bonnes nouvelles avec des secteurs qui donnent le ton comme celui de l’éolien marin offshore. Ainsi, le groupement mené par GTM Normandie-Centre, filiale de Vinci Construction France, a été sélectionné pour construire l’usine qui sera installée dans le Port du Havre. L’usine de 20 hectares sera la première au monde à fabriquer sous un même toit tous les principaux composants d’une éolienne offshore. Cette usine d’éoliennes offshore est le plus grand projet industriel de l’histoire des énergies renouvelables en France à ce jour et sera utilisée pour alimenter les projets éoliens offshore de Siemens Gamesa en France et potentiellement à l’étranger. La mise en service de l’usine est prévue entre la fin de l’année 2021 et le début de l’année 2022. Par ailleurs, Siemens Gamesa a reçu de son client EDF Renouvelable, Enbridge et wpd, la commande ferme pour la fourniture de turbines éoliennes et un contrat de maintenance de 15 ans pour le parc éolien offshore de Fécamp, dont les turbines seront fabriquées dans la future usine d’éoliennes du Havre. De son côté, la société Ailes Marines, porteuse du projet de parc éolien en mer en baie de Saint-Brieuc, vient d’annoncer avoir signé son contrat avec Siemens pour la fourniture des 62 éoliennes géantes. Selon la presse espagnole, le montant, non confirmé, s’élève à 950 millions d’euros. Le projet industriel prévoit la construction des pales, des nacelles et des génératrices dans la future usine Siemens au Havre (Seine-Maritime). Cet investissement majeur marque la décision finale d’Iberdrola, maison mère d’Ailes Marines, de débourser 2,4 milliards d’euros dans le parc offshore des Côtes-d’Armor. Ailes Marines confirme aussi son calendrier : démarrage de la construction en 2021 pour une entrée en service en 2023.

À noter, selon une étude régionale réalisée du 30 mars au 30 avril 2020 auprès des entreprises exportatrices normandes, près de 55 % des entreprises exportatrices du territoire ont maintenu leurs activités à l’export (65 % pour celles dont la part export est supérieure à 30 % de leur chiffre d’affaires) malgré la crise. Si dans les entreprises de la parfumerie et des cosmétiques, l’activité export s’est maintenue à 100 % (86 % pour la santé et les biotech ; 78 % pour la tech), ce sont les activités alimentaires (38 %) et vin, spiritueux, bières et cidres (38 %), qui ont le plus souffert durant cette même période.

Mesures d’urgence et d’accompagnement

Sur le front pour limiter la casse économique, la Région Normandie a mis en place des dispositifs et aides aux entreprises sur la période. Face à l’impact de la crise Covid-19, le collectif normand rassemblant la Région et les intercommunalités à lancer un dispositif complémentaire au Fonds national de solidarité État-Régions (FNS). Baptisé « Impulsion Relance Normandie », il doit permettre aux acteurs économiques locaux qui ne peuvent prétendre à une aide du FNS (TPE, commerçants, artisans et autres indépendants de 0 à 2 salariés) de bénéficier d’une subvention d’un montant de 1 000 euros ou de 1 500 euros, financée à hauteur de 40 % par la Région et de 60 % par les intercommunalités. Les élus de la Région Normandie ont également voté le déblocage d’une enveloppe d’un montant de 10 millions d’euros pour le dispositif Prêt Covid-19 -Trésorerie, qui fusionne sous une même dénomination les dispositifs régionaux Impulsion et Arme. Enfin, la Région Normandie et la Banque des Territoires ont lancé le fonds d’urgence normand « Impulsion Relance + » destiné en priorité aux artisans-commerçants, TPE industrielles, acteurs de l’économie sociale et solidaire, ainsi qu’aux porteurs de projets des filières affectées par la crise (tourisme, filière équine, horticulture, pêche…). Doté de 13 millions d’euros, le nouveau fonds doit permettre de soutenir les TPE de 3 à 10 salariés et les associations de moins de 20 salariés, sous la forme de prêt à taux zéro remboursable par apport direct en trésorerie.

Le président de la Région Normandie, Hervé Morin, a confié à Bernard Leroy, président de l’agglomération Seine Eure, une mission de pilotage et de réflexion sur la dynamisation de l’industrie normande.

De leur côté, les CCI de Normandie se sont rapidement mises au service des entreprises pour les aider à comprendre et mettre en place les mesures de l’État et proposer des outils dédiés. La cellule a aussi permis d’assurer un suivi de dossier spécifique. CCI Normandie a également lancé un baromètre hebdomadaire (devenu mensuel) pour analyser la situation des entreprises et le moral des dirigeants. Et pour préparer le déconfinement et la reprise d’activité, les CCI de Normandie, en partenariat avec le Medef Normandie, la CPME Normandie, NAE (Normandie AeroEspace) et l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) Normandie, ont donné la parole aux chefs d’entreprise, notamment via la plateforme de contribution « CCI Relance », afin de recenser leurs idées, initiatives et préconisations pertinentes pour redynamiser au plus vite l’économie locale.

Filières et pôles à la manœuvre

Si l’avenir semble plus sombre du côté du secteur automobile, notamment chez Renault avec un important plan de suppression d’emplois, la filière ne baisse pas les bras avec des initiatives menées par le pôle de compétitivité Move’o. « À présent, les usines redémarrent, mais avec beaucoup d’incertitudes en matière d’achat des véhicules. D’où la demande de la filière automobile d’un plan de soutien en matière d’aides à l’achat de véhicules. Nous comptons beaucoup sur ce plan pour favoriser une relance rapide, afin d’éviter les défaillances d’entreprises. Et même si les mesures de l’État ont permis à la filière de tenir, avec le chômage partiel ou encore le Prêt garanti par l’État (PGE), nous avons besoin que les carnets de commandes se remplissent rapidement », explique Marc Charlet, directeur général de Mov’eo. Et pour soutenir au mieux ses adhérents, le pôle a mis en place un programme d’accélération avec Bpifrance, qui doit débuter en octobre, pour les accompagner dans leurs démarches stratégiques, sur des domaines comme la diversification, la trésorerie, ou encore l’aspect social. Un programme qui va être adapté pour faire suite à la crise. L’État a répondu à l’attente du monde automobile avec un plan de soutien à hauteur de 8 milliards d’euros pour « préserver, mais aussi transformer » l’industrie automobile. Mais le chiffre est trompeur : il intègre les 5 milliards de prêt garanti par l’État, octroyé à Renault. La marque au losange en grande difficulté face à la crise prévoit une cure d’amaigrissement dans le cadre d’un plan d’économies de 2,15 milliards d’euros. Le constructeur automobile va se défaire de près d’un dixième de ses effectifs en France, soit 4 600 postes supprimés d’ici trois ans. Le site de Dieppe étant en « réflexion » sur son éventuelle reconversion, la production de l’Alpine A110 pourrait être arrêtée.

Atelier de tôlerie/assemblage du site Alpine à Dieppe — Photo : Yannick Brossard

« Nous comptons beaucoup sur ce plan pour favoriser une relance rapide, afin d’éviter les défaillances d’entreprises »

Sévèrement touchée par les effets de la crise sanitaire, la filière aéronautique et spatiale tremble mais ne se résigne pas avec un accompagnement renforcé de ses membres et l’attente d’un plan de relance annoncé par l’État. Normandie AéroEspace (NAE) développe un éco-système pour propulser ses programmes au niveau européen. NAE déploie également un dispositif baptisé « Joyaux » qui regroupe des PME ou laboratoires membres de NAE désireux de renforcer leur recherche et technologie/développement via une stratégie sur le long terme, et de se positionner au niveau européen. Le dispositif comporte déjà une première grappe de 8 entreprises et laboratoires

Enfin, de son côté, la Cosmetic Valley lance les états généraux de la parfumerie-cosmétique, afin de préparer la filière à l’après Covid-19. Une reprise d’activité « qui risque d’être ultra concurrentielle, en particulier avec les acteurs asiatiques », selon Christophe Masson, directeur général de Cosmetic Valley. Alors que le secteur est confronté à une crise « sans précédent », l’objectif de ces états généraux est notamment d’interroger ses modèles et pratiques dans les domaines de l’impact environnemental, la sécurité sanitaire des produits, la RSE, ou encore les circuits courts et la consolidation du Made in France. Après une phase de consultation et d’ateliers thématiques du 1er juin au 30 septembre, la restitution de l’ensemble des travaux se déroulera les 14 et 15 octobre 2020 à Paris au Carrousel du Louvre, avec présentation d’un plan de relance.

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