L'explosion des prix de l'essence met les entreprises et l'État sous intense pression
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L'explosion des prix de l'essence met les entreprises et l'État sous intense pression

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Les entreprises n’y arrivent plus. La flambée des prix du carburant depuis le début de l’année est en train de bouleverser l’équilibre économique de nombreux acteurs. Face aux appels à l’aide qui se multiplient, le gouvernement promet "une aide appropriée". Mais elle sera limitée, prévient Bercy, hostile aux baisses de taxes.

Les prix à la pompe battent record sur record depuis le début de l’année, mais leur hausse s’est encore accélérée, début mars, sous l’effet de la guerre en Ukraine — Photo : CC BY-SA 2.0

Les prix de l’essence mettent l’économie française en alerte rouge. Étranglées par l’explosion de leurs factures, les entreprises appellent de plus en plus à l’aide. Et ne cachent plus leur angoisse. Celle de devoir travailler à perte… ou mourir.

Déjà élevés, les prix s’emballent avec la guerre en Ukraine

La flambée n’est, certes, pas nouvelle - la hausse généralisée des prix à la pompe dure depuis maintenant 10 semaines sans interruption. Mais, déjà dopés par la vigueur de la reprise économique mondiale à l’automne, les cours du pétrole s’emballent désormais sous l’effet de la guerre en Ukraine (plus de 120 $ le baril de brut). Ils pourraient prendre encore de l’ampleur, avec l’embargo sur les produits russes, tout juste prononcé par les Américains et les Britanniques, ainsi que les velléités européennes d’aller s’approvisionner ailleurs. Sans attendre, dans la première semaine de mars, le litre de gazole non-routier (GNR) a ainsi bondi, en moyenne, de 32 centimes en seulement sept jours (!), le diesel de 14 centimes.

Les transporteurs renouvellent leur appel à l’aide

Premiers à payer la note, les transporteurs ont lancé un nouveau SOS au gouvernement, le 8 mars, sous forme de lettre ouverte au Premier ministre Jean Castex. Aux prises avec les "hausses sans précédent" des prix de l’énergie, "les entreprises sont exsangues, les trésoreries vides et les perspectives très sombres. […] Leur capacité à continuer d’assurer leur activité se compte en jours", écrivent quatre organisations du transport routier de marchandises et de voyageurs (FNTR, OTRE, TLF et FNTV). Certaines avaient déjà sonné l’alarme il y a quelques jours, en même temps que les pêcheurs, eux aussi pris à la gorge.

La CPME a ajouté sa voix à la grogne, le 9 mars. Dans un communiqué, le syndicat patronal s’inquiète de voir "le modèle économique d’un grand nombre d’entreprises remis en question", tandis que certaines "se retrouvent également [prises] au piège des prix révisables annuellement".

L’éventail des solutions s’avère très limité

Problème : pour répondre à cette crise, les solutions sont minces. L’Union française des industries pétrolières (Ufip) en distingue trois. Faire baisser les cours mondiaux ? Impossible : l’Hexagone "représente 1 % des achats pétroliers du monde" et, à ce titre, n’a aucun pouvoir de négociation, rappelle le président de l’organisation Olivier Gantois.

Rogner sur les marges des distributeurs alors ? Elles ne s’élèvent déjà plus qu’à 1 centime, assure-t-il. Les compresser encore aurait donc un effet au mieux éphémère, au pire invisible. Reste une option : baisser les taxes. C’est, entre autres, ce que demande la CPME… et ce que veut à tout prix éviter Bercy.

Bercy veut éviter la baisse des taxes quoi qu’il en coûte

Le gouvernement a bien prévu de répondre à cette crise de l’essence, dans le cadre de son futur "plan de résilience", toujours en gestation. Bruno Le Maire promet ainsi "une aide appropriée", mais sans donner plus de précision. Ceux qui espèrent une réduction des taxes sur les carburants risquent d’en être pour leurs frais. Le ministre de l’Économie, "droit dans ses bottes", s’y est opposé "assez violemment", a assuré le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez, sur BFMTV, au lendemain de ses échanges avec le gouvernement sur ce plan de résilience. Tout sauf une surprise : déjà à l’automne, Bruno Le Maire avait mis en avant le rapport coût-bénéfice incertain de cette mesure, puisqu’une baisse d’un centime par litre, à peine perceptible par l’usager, se traduit par une perte de 500 millions d’euros, très lourde, pour les finances publiques.

« L’État ne pourra pas compenser à lui seul tout le choc énergétique que nous vivons. »

De fait, le patron de Bercy prépare déjà les esprits à une action limitée. "L’État ne pourra pas compenser à lui seul tout le choc énergétique que nous vivons", a-t-il encore prévenu, le 9 mars. Un tel choix serait "irresponsable", car contre-productif (risque de "stagflation", inflation sans croissance) et trop coûteux. Or, selon ses calculs, au moins 20 milliards d’euros, et sans doute plus encore, vont déjà partir, en 2022, dans les mesures annoncées à l’automne, comme le "bouclier tarifaire" ou l’indemnité inflation. Sans compter que la crise du Covid-19 est passée par là et a déjà sérieusement épuisé les ressources financières de l’État.

Dans ces conditions, un seul geste fiscal est envisagé : déroger à la règle d’or de Bercy sur "la non-affectation des recettes". Autrement dit, il s’agirait de "donner la garantie absolue" aux Français que l’État orientera chaque euro de taxes perçues sur les carburants "vers le développement des énergies renouvelables et décarbonées, vers la transition écologique". Car, l’exécutif en est convaincu, la réponse à la crise actuelle consistera à bâtir "l’indépendance énergétique totale de la France et de l’Union européenne dans les dix années qui viennent". Pas sûr que cet objectif au long cours, ni le jeu d’écritures comptables de Bercy, ne suffisent à calmer les prix à la pompe et les craintes à court terme des entreprises qui, elles, payent la note tous les jours, et demain un peu plus qu’aujourd’hui.

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