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Le fabricant d’homéopathie Boiron entame une diversification à marche forcée
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Le fabricant d’homéopathie Boiron entame une diversification à marche forcée

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Après avoir vu chuter ses ventes et son chiffre d’affaires ces deux dernières années en raison du déremboursement de l’homéopathie, le groupe pharmaceutique Boiron devrait renouer avec la croissance en 2022. Pour cela, le groupe basé à Messimy (Rhône) a entamé une importante diversification de ses activités.

Boiron a fait développer ses machines d’imprégnation par ses propres ingénieurs, en collaboration avec des entreprises partenaires — Photo : Stéphane Rambaud

Une croissance de 60 % au premier trimestre 2022, une explosion des ventes d’autotests Covid (25 millions d’unités vendues en 2021, autant au premier trimestre 2022), le lancement de nouveaux traitements homéopathiques, 22 recrutements en cours... À l’aube de ses 90 ans, qu’il célébrera en juin, le groupe pharmaceutique Boiron (2 769 salariés, 455 M€ de chiffre d'affaires en 2021) savoure un optimisme retrouvé.

L’équipe de la pharmacie rhodanienne — Photo : Boiron

Il faut dire que le laboratoire entrevoit tout juste la fin d’une sombre période, qui a débuté en 2018 lorsqu’Agnès Buzin, alors ministre de la Santé, commence à évoquer le déremboursement de l’homéopathie, prise en charge par l’Assurance maladie depuis 1946. "Elle en a fait une affaire personnelle", regrette Valérie Lorentz-Poinsot, qui a pris la direction générale de Boiron début 2019. En janvier 2020, la part prise en charge passe de 30 % à 15 %. Puis tombe à zéro au 1er janvier 2021. Ce sont ensuite les ventes du spécialiste de l’homéopathie qui dégringolent. -42 % sur l’année 2021. "Elles devraient encore baisser de 15 % en 2022, avant de se stabiliser, estime la directrice générale. Quand un médicament est déremboursé, ses ventes chutent généralement de 40 % à 60 %. Nous avons une telle culture du remboursement en France que les médecins généralistes arrêtent de prescrire un traitement lorsque celui-ci n’est plus pris en charge", explique-t-elle.

Le chiffre d’affaires du groupe, fondé en 1932 à Paris, suit une courbe similaire. De 617 millions d’euros en 2018, il passe à 455 millions d’euros en 2021. L’entreprise ferme douze établissements de préparation et distribution, ainsi qu’un site de production dans le Loir-et-Cher. Et se sépare de 512 de ses collaborateurs. "Si nous avions eu davantage de temps avant le déremboursement, nous n’aurions pas eu à faire de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), déplore la dirigeante. En interne, la période a été très dure. La colère des salariés était forte, raconte-t-elle. Le plan social a entraîné une rupture au sein de l’entreprise."

Développement à l’international

Doucement, le groupe, encore détenu à 68 % par la famille Boiron, renoue désormais avec la croissance. Elle devrait être au rendez-vous sur l’exercice 2022. "Nous continuons à innover en homéopathie", insiste Valérie Lorentz-Poinsot. L’année 2021 a vu le lancement de plusieurs nouveaux produits. Un spray pour les maux des gorges et les aphtes, un médicament contre les coliques du nourrisson… Depuis le printemps 2022, un traitement contre la varicelle est également commercialisé. La pédiatrie, encore grande consommatrice d'homéopathie, fait partie des secteurs cibles pour le développement de futurs produits.

Boiron vend ses granules dans 50 pays — Photo : Stéphane Rambaud

Le déploiement à l’international est également dans le viseur de Boiron, déjà présent dans 50 pays avec 23 filiales, dont une en Chine, ouverte en 2021. Au moment du déremboursement de l'homéopathie, le groupe réalisait 40 % de son activité à l’export. En deux ans, cette part est passée à 48 %. Et devrait croître encore dans les années à venir. Parmi les pays en vue : le Brésil, la Colombie, l’Inde qui compte quelque 250 000 homéopathes, mais aussi les États-Unis, où 33 % des ventes sont réalisées en ligne.

Une nécessaire diversification

Mais c’est surtout le levier de la diversification que veut actionner l’entreprise basée à Messimy (Rhône). Début 2021, les laboratoires Boiron réalisaient 98 % de leur chiffre d’affaires grâce à l’homéopathie. Aujourd’hui, 18 % proviennent d’autres activités. Des probiotiques et des compléments alimentaires sont en cours de développement. En 2021, Boiron s’est également lancé dans la production d’autotests, en partenariat avec l’entreprise d’Ille-et-Vilaine NG Biotech (250 salariés, chiffre d'affaires non communiqué). Des autotests distribués exclusivement en pharmacie en France et commercialisés dans huit pays. Ce partenariat a généré près de 6 % du chiffre d’affaires consolidé en 2021.

"Nous avons compris que les tests Covid n’étaient pas un épiphénomène. La culture du test est devenue pérenne", appuie Valérie Lorentz-Poinsot. Si bien que Boiron a récemment créé un département dédié aux tests, pour en développer d’autres. Des tests qui pourraient permettre d’accélérer la mise à disposition de résultats d’analyses jusqu’alors uniquement réalisables en laboratoire. Ou encore permettre la détection d’un papillomavirus ou de l’endométriose. "Ce sont là des pistes de réflexion", tempère la dirigeante.

Croissance externe

La diversification pourrait également passer par la croissance externe. En février 2022, Boiron est entré au capital de la start-up lyonnaise Abbi, à hauteur de 70 %. Cette société, qui propose des cosmétiques formulés sur-mesure grâce à un examen de la peau et de ses besoins, via la prise d’un selfie et d’une technologie basée sur l’intelligence artificielle, permet à Boiron de se positionner sur le marché de la cosmétique, sur lequel l’entreprise était jusqu’alors très peu présente. Dans trois ans, le groupe pharmaceutique devrait acquérir les 30 % restants de la société. Et cette opération de croissance externe ne devrait être que la première pour le groupe Boiron.

Interrogations autour du cannabis thérapeutique

Enfin, la société entend se positionner sur le marché, encore relativement sensible, du cannabis thérapeutique. Depuis janvier 2020, elle participe avec un partenaire britannique, à une expérimentation française s’achevant fin 2023 et incluant 1 000 patients, visant à déterminer la pertinence et la faisabilité de la mise à disposition du cannabis médical en France. En début d’année, elle a débuté les recherches sur le CBD, désormais autorisé dans l’Hexagone. "Nos recherches portent sur les formes homéopathiques, mais pas seulement. Mon graal, ce serait de trouver un moyen d’administrer le cannabidiol (CBD) sans effet secondaire, plaide la directrice générale de Boiron. Nous espérons un cadre réglementaire rapidement car, aujourd’hui, seuls des acteurs étrangers sont présents sur le marché."

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