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Coronavirus : « La grande distribution doit mettre davantage en avant les produits locaux »
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Gérard Bazin président de la chambre d'agriculture du Rhône Coronavirus : « La grande distribution doit mettre davantage en avant les produits locaux »

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Pour pallier le manque de main-d’oeuvre étrangère dans les champs, le département du Rhône pourrait faire appel aux migrants. C’est en tout cas une solution envisagée par la préfecture et la chambre d’agriculture, selon son président, Gérard Bazin. Pour l’heure, la priorité reste l’accompagnement des producteurs en difficulté, qui s’organisent après la fermeture des marchés.

"Dans la grande distribution, les discours sont prometteurs, mais nos interlocuteurs se montrent très exigeants sur les prix", déplore Gérard Bazin, le président de la Chambre d'agriculture du Rhône — Photo : DR

Un appel national a été lancé pour soutenir les agriculteurs en manque de main-d’œuvre. Quelle est la situation dans le Rhône ?

Gérard Bazin : Actuellement, nous avons plus d’offres que de demandes. Mais nous aurons des besoins en main-d’œuvre d’ici un ou deux mois et devons anticiper. Nous réfléchissons notamment, avec des associations locales, à la possibilité de faire travailler une main-d’œuvre issue des migrants, en remplacement des travailleurs étrangers. Nous sommes en discussion avec la préfecture. Le Rhône serait alors un département pilote, mais ce n’est pas simple : les textes actuels ne le permettent pas, la question de la régularisation se pose, etc.

Comment s’organisent les 20 000 producteurs en vente directe du Rhône depuis le début du confinement ?

G. B. : Les producteurs ont été très touchés par la fermeture des marchés. 115 ont rouvert sur dérogation dans le département, mais de nombreux agriculteurs restent sans débouchés traditionnels pour leurs produits, en particulier ceux qui avaient l’habitude de faire les marchés à Lyon et dans la Métropole. Gérard Collomb (maire de Lyon, NDLR) et David Kimelfeld (président de la Métropole de Lyon, NDLR) ont tous les deux dit qu’ils n’étaient pas favorables à la réouverture, mais leurs équipes ont contribué à identifier des lieux où organiser des drives. Progressivement, les producteurs se sont adaptés. La semaine dernière, nous manquions même de fruits et légumes sur certains points de collecte. Certains producteurs ont vu leur volume de ventes doubler.

Serait-il intéressant de conserver cette organisation après le confinement ?

G.B. : Les adaptations actuelles pourraient en effet devenir un nouveau mode de distribution à plus long terme. Nous réfléchissons à amplifier les ventes sur ces nouveaux réseaux de distribution après le confinement. Le seul bémol est la charge de travail supplémentaire que représentent la prise de commande, la préparation des paniers, l’organisation de la distribution et la livraison, pour les producteurs. À plus long terme, il faudra se poser la question de la main-d’œuvre nécessaire pour ces nouvelles tâches et de la rémunération de cette main-d’œuvre.

Tous les secteurs profitent-ils de cette réorganisation de la distribution ?

G. B. : Certaines filières sont plus durement impactées. C’est le cas de l’horticulture, ou des vins du Beaujolais. Nous avons mis en place, avec la sécurité sociale agricole (MSA) et l’association Graine d’Emplois, un numéro spécial (04 78 19 61 50) pour répondre aux questions sur le chômage, le fonds de solidarité mais aussi pour lutter contre l’isolement. En temps normal, le milieu agricole souffre déjà d’un problème structurel de mal-être, accentué par le confinement.

La grande distribution a-t-elle un rôle à jouer auprès de ces acteurs en difficulté ?

G. B. : Nous sommes en négociation avec la grande distribution dans le Rhône, mais aussi dans l’Ain et l’Isère. Nous aimerions qu’ils mettent davantage en avant les produits de proximité, y compris les vins du Beaujolais et des Coteaux du Lyonnais. Les discours sont prometteurs, tous ont l’air de vouloir jouer le jeu. Dans le même temps, ils se montrent très exigeants sur les prix et on trouve par exemple dans les rayons des agneaux néo-zélandais alors même que les éleveurs d’ovins locaux, pour qui la période de Pâques est très importante en termes de chiffre d’affaires, sont en grande difficulté.


Dans le Beaujolais, les petits vignerons à la peine

La fermeture des restaurants et l’annulation des salons de printemps, au cours desquels de nombreux vignerons réalisent une grosse partie de leurs ventes et recrutent de nouveaux clients mettent en grande difficulté la filière vinicole dans le Beaujolais, comptant 2 000 domaines environ. Le secteur est en souffrance depuis de nombreuses années. « Les entreprises de taille moyenne ont encore un peu d’activité à l’export, mais pour les plus petits, c’est compliqué », précise Dominique Piron, président d’Interbeaujolais. La plupart des cavistes, qui ont l’autorisation de rester ouvert, ont préféré fermer. Certains vignerons lancent des initiatives, comme Jérôme Lacondemine, qui produit du Beaujolais-villages à Beaujeu, et qui vient de rouvrir son caveau et organise des livraisons chez les particuliers, ou comme le domaine Passot-Colonge, qui a mis en place un drive. « Mais ces actions restent marginales. Elles ne permettront pas de compenser la perte d’activité », estime le président de l’interprofession.

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