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Une rentrée dans le brouillard et sur tous les fronts pour les chefs d’entreprise
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Une rentrée dans le brouillard et sur tous les fronts pour les chefs d’entreprise

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Tensions de trésorerie, imprévisibilité de l’activité, crise de l’énergie : en cette rentrée, la conjoncture présente plus de menaces que d’opportunités pour nombre de dirigeants.
Pour la majorité des dirigeants de PME, la rentrée s’effectue dans le brouillard avec un sentiment d’impuissance sur leur environnement. C’est le constat dressé le 12 septembre par François Asselin (CPME), Mélanie Berger Tisserand (CJD) et Pierre Guillet (EDC) devant l’association de journalistes PME (Ajpme).

À l’origine d’une grande partie des tensions de trésorerie, l’inflation et notamment la flambée des prix de l’énergie — Photo : Adrien Daste

"Tous nos membres connaissent de grosses tensions de trésorerie", note Pierre Guillet, président d’Entrepreneurs et dirigeants chrétiens (EDC). Facture énergique qui s’envole, hausse des prix non répercutable, ralentissement de l’activité… La trésorerie redevient la préoccupation du moment. S’y ajoute le souci de devoir rembourser le prêt garanti par l’État (PGE) souscrit lors de la crise. "La durée d’amortissement du PGE est normalement de six ans : deux ans de franchise plus quatre ans ou un an de franchise plus cinq ans. C’est une durée relativement courte et facile à franchir si l’activité reste soutenue", analyse François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). "Mais quand l’activité commence à s’effriter, nos PME se retrouvent confrontées à un effet de ciseau et rembourser son PGE devient un vrai problème alors que le modèle économique de l’entreprise est viable". L’organisation patronale réclame à l’État de pouvoir étaler sur une durée plus longue d’amortissement le remboursement du PGE. François Asselin prévient : "Et cette restructuration du PGE ne doit pas accroître les difficultés des entreprises par un classement en défaut à la Banque de France ".

Pouvoir maîtriser enfin les coûts de l’énergie

À l’origine d’une grande partie de ces tensions de trésorerie, l’inflation et notamment la flambée des prix de l’énergie. "Nous sommes aujourd’hui impactés par l’augmentation des prix des produits et de l’énergie que nous ne pouvons pas répercuter à nos clients et donneurs d’ordres", s’alarme Mélanie Berger-Tisserand, présidente du Centre des jeunes dirigeants (CJD). "Juste avant le paiement des salaires un de nos membres a dû faire au mois d’août à un prélèvement de Total énergies de 84 200 euros soit dix fois la facture habituelle". Face à l’envolée des coûts de l’énergie, les chefs d’entreprise sont partagés entre l’impuissance et la colère. Se défendant d’être "complotiste", Mélanie Berger-Tisserand incrimine la loi Nome (nouvelle organisation du marché de l’électricité) de 2010 et le dispositif ARENH qui permet aux fournisseurs alternatifs de s’approvisionner en électricité nucléaire auprès d’EDF : "On a volontairement ponctionné le bien commun - EDF - au profit d’intérêts privés. C’est scandaleux et cela nous met sur la paille !".*

François Asselin, président de la CPME — Photo : Etienne Gless

François Asselin s’inquiète quant à lui de la fin du bouclier tarifaire au 1er janvier : "Je comprends que l’État ne puisse pas payer la facture d’énergie de tous les Français et de toutes les entreprises. Néanmoins, l’exécutif avait promis il y a 18 mois d’agir pour modifier le mode de calcul de l’énergie au niveau européen. J’ose espérer que le problème sera réglé dans six mois !", prévient le président de la CPME.

Retrouver de la stabilité fiscale après le report de la suppression de la CVAE

L’énergie n’est pas la seule source d’inquiétude des dirigeants d’entreprise. Ces dernières semaines, les choix fiscaux du gouvernement inquiètent. La colère des chefs d’entreprise n’est pas retombée suite à l’annonce par Bruno Lemaire le 24 août du report à 2027 de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). "Retarder la suppression de la dernière tranche est un très mauvais signal", estime Pierre Guillet. "Un de nos membres, un fabricant textile dans le Nord, se voit imposer cette taxe quatre ans de plus alors qu’il avait établi dans ses budgets qu’elle ne serait plus due. C’est le coup de grâce alors qu’il contribue à la décarbonation de l’activité !", poursuit-il.

Mélanie Berger-Tisserand plaide de son côté pour qu’aides et exonérations de l’État soient conditionnées à une réelle volonté des entreprises de repenser leur modèle économique : "On ne distingue pas les entreprises qui investissent massivement pour décarboner leur modèle de celles qui font du business as usual ou du simple greenwashing". La présidente du CJD compte porter un amendement au projet de budget 2024 pour corriger les choses.

À travers le symbole de la CVAE, c’est bien la productivité des entreprises françaises qui se joue. "L’étalement sur quatre ans nous fait craindre de retrouver de l’instabilité fiscale et c’est délétère", avertit le président de la CPME qui a ri jaune quand le ministre de l’Économie a annoncé le 12 septembre que dès 2024 300 000 entreprises ne paieraient plus la CVAE : "En fait ce sont 300 000 entreprises qui acquittaient un prélèvement forfaitaire de… 64 euros !", relève François Asselin. "C’est un premier pas sympathique mais il reste 95 % d’effort à faire".

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