"Une liquidation d’entreprise, c’est très rapide. Quand vous sortez de l’audience au Tribunal de Commerce, dans la pièce d’à côté, le liquidateur vous dit : Votre entreprise n’est plus à vous. Un sentiment de honte vous envahit. Quand on rentre chez soi, on n’a plus rien, on n’est plus rien." La mayennaise Geneviève Hardy veut témoigner de cette période difficile.
À la naissance de son "bébé", l’avenir est prometteur. Sa start-up, spécialisée dans l’imagerie dentaire et l’impression électronique, reçoit même un prix en 2008. Puis les choses se compliquent. "Je suis petite-fille d’entrepreneur et fille de commerçant, donc mon histoire faisait que je connaissais les aléas qu’une défaillance d’entreprise peuvent causer, jusque dans la sphère privée…"
Un réseau pour éviter l’isolement
S’il existe beaucoup de mécanismes et de structures pour aider à créer et développer son entreprise, un patron se retrouve subitement seul s’il vient à perdre son entreprise. C’est ce qu’a connu Philippe Rambaud. Il décide alors en 2012 d’accompagner des chefs d’entreprise confrontés à la même situation. L’association 60 000 Rebonds est née. Une antenne de cette structure présidée au niveau national par Philippe Fourquet vient tout juste d’être créée en Mayenne.
Pour être accompagnée, à partir de 2021, la cheffe d’entreprise mayennaise Geneviève Hardy a frappé à la porte de l’association en Maine-et-Loire. "Cela m’a servi de parachute. J’ai exploité toute la batterie d’outils à ma disposition." Un parrain ou une marraine suit de près la personne accompagnée, "lors de moment privés", raconte Jacky Munoz, référent des parrains et marraine dans l’Ouest. "La fréquence et les lieux de rencontres varient selon les personnes. Et tous les mois, il y a une réunion avec le comité de pilotage." Des coachs sont notamment là pour que les personnes retrouvent "l’estime de soi". Des experts permettent "de façon illimitée" de parler aspects financiers, juridiques, communication, etc. Le rôle des ambassadeurs, des personnes ayant connu une situation similaire, est aussi essentiel.
"Comme on est passé par là, c’est important qu’on soit là pour en témoigner. La parole est plus libérée", souligne Philippe Delaunay, ambassadeur depuis 2015. "Entre nous, on parle le même langage, poursuit Geneviève Hardy. Et par la suite, quand on commence à voir de nouvelles personnes arriver dans le réseau, on voit où ils en sont, et on s’aperçoit qu’on a progressé dans notre démarche. C’est positif pour continuer, c’est aussi encourageant pour eux, parce qu’ils peuvent constater que l’on peut vraiment rebondir."
Les échecs font partie de la vie
"J’ai vécu aux États-Unis, et de là-bas, j’ai vu qu’il fallait changer nos mentalités ici, clame Eric Gruau, responsable de la nouvelle antenne mayennaise. Là-bas, les échecs font partie de la vie, ils permettent d’avancer !" "Il faut faire changer le regard de la société sur les chefs d’entreprise", insiste Alain Marion, coprésident de 60 000 Rebonds dans le Grand Ouest. Lui croit dans "la réputation de la Mayenne, comme de la Vendée, d’avoir des compétences pour développer des entreprises et surtout, un réseau !" Une première tentative avait échoué en 2017 en Mayenne. Difficile d’organiser des suivis collectifs dans un département où les liquidations ne dépassent guère la centaine par an. "Mais les procédures collectives sont en augmentation", pointe Eric Gruau.
Son réseau cherche des coachs. Et des financeurs. "Le coût par personne est de 2 600 euros par an, pour un accompagnement qui dure la plupart du temps deux ans." Certaines entreprises soutiennent la démarche. 60 000 Rebonds étant reconnue d’utilité publique, une réduction d’impôt pour mécénat est possible.
Plus de 700 rebonds en 2022
Dans un premier temps, 70 % des personnes accompagnées passent par le salariat, une étape plus confortable pour se reconstruire et reprendre confiance. "Mais certains d’entre eux disent que ce n’est pas pour eux, qu’ils sont entrepreneurs dans l’âme", rapporte Alain Marion. 96 % des entrepreneurs accompagnés rebondissent, 42 % imaginent un nouveau projet au bout de 16-18 mois, et 30 % recréent une entreprise.
En 2022, 750 entrepreneurs ont été accompagnés en France, 118 dans le Grand Ouest. Après les Côtes-d’Armor et la Mayenne cette année, une nouvelle antenne devrait ouvrir en 2024 dans le Finistère. Ne restera alors que la Sarthe… "c’est prévu en 2025".
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