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TakeAway : retour sur une faillite de start-up tout juste "digérée"
Lyon # Agroalimentaire

TakeAway : retour sur une faillite de start-up tout juste "digérée"

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Près d'un an après la liquidation de la start-up TakeAway, Nicolas Duval revient sur les trois ans et trois mois à la tête de l'entreprise qu'il avait cofondée et qui commercialisait des emballages alimentaires innovants pour le marché de la restauration.

Si Nicolas Duval n'a pas encore totalement digéré la liquidation de sa société TakeAway, il a rejoint le groupe lyonnais Visiativ pour développer l'activité "Entreprise du Futur" — Photo : Audrey Henrion / JDE

« Trop tôt pour en parler. Il faut que je digère ». Mi-juin 2017, c’est par un SMS lapidaire que Nicolas Duval répondait à une demande d'interview. Le cofondateur et dirigeant de TakeAway, 27 ans, venait de placer sa société en redressement judiciaire après trois ans et trois mois (mars 2014/ juin 2017) aux commandes de cette entreprise créée avec Ludivine Vajou et Victor Marostegan, deux camarades de l’Ifag. Le parcours entrepreneurial des dirigeants aura été semé d’embûches.

Emballage alimentaire « parfait »

Avril 2018, la page est tournée. Au point que Nicolas Duval en parle publiquement lors du Printemps des Entrepreneurs. Mais la cicatrice n’est pas encore refermée, même si le jeune homme a rejoint un projet « passionnant », l'activité "Entreprise du Futur" du groupe lyonnais Visiativ. Il a retrouvé le goût d'entreprendre, après 40 mois chaotiques durant lesquels son entreprise est tombée de Charybde en Scylla, essentiellement pour un problème d’inadéquation entre la vision d’un emballage alimentaire « parfait » et son industrialisation, qui s’est finalement avérée très complexe.

Tout commence en mars 2014, quand il confie à un prestataire de bonne réputation la création d'une boîte alimentaire. Elle doit passer au four traditionnel et micro-ondes, être étanche, dotée de poignées et sans pliage extérieur apparent. En octobre, après sept mois de R&D, le projet proposé s’avère « non industrialisable ». Problème : le prototype est déjà en recommande par des restaurateurs. Pour autant, les démarches commerciales font mouche, le projet surfe sur la vague du « zéro gaspi », Nicolas Duval enchaîne interviews et plateaux télé pour vanter le produit.

15 000 box collées à la main

À tel point qu’en janvier 2015, un industriel profite du Salon de l'hôtellerie et de la restauration de Lyon pour approcher les trois associés, et leur propose de fabriquer la boîte. Avril 2015 : TakeAway signe avec l’un des plus puissants syndicats professionnels de la restauration, l’UMIH. La certification pour le contact alimentaire intervient en mai, les dirigeants sont invités à l’exposition universelle de Milan, sur le pavillon français. À l’autre bout de la chaîne, l’usine rencontrée en janvier fait savoir que le pliage et le collage du doggy bag sont trop élaborés pour être effectués mécaniquement.

Les associés, soutenus par leur comité stratégique, commandent alors 25 000 produits à plat. Décision est prise, en attendant de trouver une solution industrielle, de coller « 15 000 pièces à la main, avec 8 pinces à linge par boîte pour faire tenir la colle, chacune exigeant une quinzaine de plis », se souvient Nicolas Duval.

Trois semaines non-stop, nuits comprises, aidés par des copains, la famille, à sortir des boîtes depuis leurs bureaux de la rue de la République (piétonne…) à Lyon, pour les acheminer aux clients, impatients. Dans la foulée, les associés filent à la maison d'arrêt d’Aiton (Savoie), pour former à tour de rôle les détenus au pliage des boîtes. Mais faute de box à vendre, les rentrées commerciales ont du retard. Pour assurer la continuité de l’entreprise, les trois associés contractent un emprunt étudiant, 40 000 euros chacun.

Problème de production

En juin 2016, un an avant le crash, la TPE qui compte désormais 7 salariés vient de lever 500 000 euros auprès d’un business angel et du fonds de dotation Raise pour structurer la force de vente, mettre en place un contrôle de gestion solide, acquérir un CRM. « Mais on se rend compte, là encore, que notre CRM n’est pas adapté, nous orientant vers un mauvais plan d’action », glisse Nicolas Duval. Et le problème d’industrialisation n'est toujours pas réglé. En octobre, le carnet de commandes affiche 100 000 boîtes, 1 500 clients, un contrat chez des géants tels que le groupe Accor, Courtepaille ou Sodexo…

Fin 2016, coup de fil de l’usine. Le directeur annonce un "avis de non-conformité " : la colle appliquée sur 70 000 produits ne tient pas. « Les commandes sont là, mais la production ne suit pas », regrette Nicolas Duval. Avec les congés de fin d’année et le temps de vérification des produits, TakeAway voit s'écouler cinq mois sans facturation. Conséquence : la levée de fonds de 2,5 millions d'euros prévue en mai est annulée. « Et comme si cela ne suffisait pas, les grands comptes nous appellent les uns après les autres, voulant renégocier les prix... Ont-ils appris que nous étions en difficulté ? Peut-être », pense avec le recul l'ex-dirigeant. Il se résout à placer son entreprise en redressement, espérant trouver une solution pour la sauver. En vain.

Même sa mise en vente, au cœur de l'été 2017, a été en partie compromise par une malencontreuse erreur de l’administrateur judiciaire. « Tous les acheteurs potentiels étaient en copie du même mail ! Le coup de grâce… », souffle Nicolas Duval. Liquidée début septembre 2017, TakeAway aura tout de même vendu 900 000 boîtes. « On n’a pas pivoté assez vite dans l’industrialisation. On aurait dû passer de 100 000 à 200 000 boîtes par mois », analyse-t-il aujourd'hui, près d'un an après la fin de cette aventure.

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