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Maped, le fabricant de compas devenu un incontournable de l’univers des enfants
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Maped, le fabricant de compas devenu un incontournable de l’univers des enfants

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Fournitures scolaires, loisirs créatifs, jouets… celui qui était il y a près de huit décennies un petit fabricant de compas professionnels s’est progressivement transformé en multinationale familiale centrée sur l’enfant. Prochaine mue, pour le groupe annécien dirigé par un duo fraternel, troisième génération à la tête de l’entreprise : un engagement appuyé en faveur de l’éducation.

Maped a racheté Juratoys en 2022 — Photo : Maped

Ce n’est pas ainsi que les deux frères avaient planifié la chose, en reprenant Juratoys (Janod, Kaloo, Lilliputiens) en 2022. Le récent départ du directeur général du fabricant de jouets jurassien, a néanmoins forcé les deux dirigeants de Maped (1 800 salariés, 300 M€ de CA ) à s’adapter. Après de longues discussions, c’est finalement Romain Lacroix qui a pris la tête du fabricant de jouet en mars 2024, tandis qu’Antoine Lacroix, son aîné, a conservé la direction générale du groupe familial, spécialisé dans la fabrication de fournitures scolaires et loisirs créatifs. Une réorganisation qui s’imposait pour entamer la nouvelle étape de développement de l’entreprise que leur grand-père paternel avait fondée en 1947.

Au coeur de l'usine Maped en 1947. — Photo : Maped

Dans cette période d’après-guerre, Claude Lacroix rentre tout juste de Pologne et s’associe à des cousins installés dans la Vallée de l’Arve pour fonder Maped (Manufacture d’Articles de Précision et de Dessin). Pendant les 40 années qui suivent, le groupe fabrique un produit unique : des compas (en laiton ou en acier) à destination des professionnels (architectes, ingénieurs, maquettiste…).

Internationalisation, diversification, massification

C’est l’arrivée de la seconde génération, Jacques Lacroix, père d’Antoine et Romain, qui amène un vent de renouveau. "Lorsqu’il prend la tête du groupe, notre père revient du Sénégal, il a vécu à Londres. Il a une culture de l’international", raconte Antoine Lacroix. Le règne de Jacques Lacroix est celui de l’internationalisation, de la diversification et de la massification.

Spécialiste des accessoires scolaires, Maped entend s’appuyer sur Juratoys pour développer une offre globale à destination des enfants de 0 à 10 ans — Photo : LIFE MAKER STUDIO

Internationalisation, car dès 1993, il ouvre une filiale et un site de production en Chine, près de Shanghai. Vient ensuite une importante période de filialisation. "On ouvrait une filiale tous les deux ans environ", raconte le directeur général de Maped. Au Mexique (2002), au Brésil (2003), au Canada (2005), en Grèce et en Allemagne (2006)…

La diversification débute quant à elle dès 1985 avec le lancement de la fabrication de ciseaux. Elle se poursuit en 1992, avec le rachat des célèbres gommes rose et bleu Mollat. Progressivement, la gamme s’étend à l’ensemble des besoins de la trousse.

En 2006, Maped pousse la diversification un peu plus loin en se lançant dans l’univers du coloriage. "On nous donnait perdant sur ce marché où étaient déjà positionnées de grandes marques", raconte Romain. Prédiction malencontreuse, puisque le coloriage pèse aujourd’hui 45 millions d’euros dans le chiffre d’affaires et constitue l’un des principaux vecteurs de développement du groupe. Ces diverses évolutions conduisent à une croissance rapide du groupe. De 15 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2000, le groupe annécien passe à 90 millions d’euros en 2009.

Si le compas reste jusqu’en 1985 son unique produit, Maped fabrique très vite en plus ciseaux, gommes, crayons de couleur, feutres… — Photo : Maped

La troisième génération à la manœuvre

C’est alors qu’émerge la troisième génération. D’abord Antoine, qui rejoint le groupe en 2009. Puis Romain, deux ans plus tard. Les deux frères, issus d’une fratrie de trois, n’étaient pas voués à rejoindre le groupe. "Bien sûr, enfants nous avions été infusés de la culture de l’entreprise, raconte Antoine. Plus tard, c’est aussi ici que nous avons eu nos premiers boulots." "Mais nous n’avons jamais eu de pression de la part de notre père pour reprendre le groupe familial", renchérit Romain.

En rejoignant Maped, tous deux créent leur filiale. En Turquie. Puis en Inde. Ce seront d’ailleurs les dernières à être créées. "Nous avons ensuite passé un certain nombre d’années à les consolider, car elles n’étaient pas rentables", avoue aujourd’hui volontiers Antoine Lacroix, puisqu’elles sont désormais surcontributrices du résultat net du groupe.

Un groupe centré sur l’enfant

Quand ils prennent la suite de leur père, en 2018, se pose naturellement la question de l’avenir de Maped. Le groupe est alors en très bonne santé financière. Depuis quelques années déjà, néanmoins, une inflexion se dessine sur les volumes des accessoires de bureaux. "Nous entamons alors une large réflexion, qui aboutit à la nécessité de moins dépendre du papier et à la volonté de nous recentrer sur l’enfant de 0 à 10 ans", détaille Romain Lacroix. Une orientation stratégique qui conduit au lancement d’une gamme de loisirs créatifs (2019), après avoir racheté la marque de jouets Joustra. Et que l’acquisition récente de Juratoys vient fortement consolider. "Nous voulons adresser tous les besoins de l’enfant, explique Romain. Et placer l’éducation au cœur de notre modèle."

Celui qui est en charge de la commission sur la prospective au sein de groupe est formel : "l’éducation est au cœur de tout". S’il se prend à rêver, il imagine pour Maped un modèle d’affaires permettant de réserver une large part du résultat net du groupe au financement de causes autour de l’éducation. Entreprise à mission depuis 2022, le groupe annécien, qui prévoit d’être labellisé B-corp à l’horizon 2026, s’est déjà largement engagé en matière de RSE.

Un groupe engagé

D’un point de vue environnemental, avec notamment la volonté de réduire de 30 % ses émissions à l’horizon 2026. "Entre 2018 et 2023 nous sommes passés de 95 000 et 74 000 tonnes, soit une réduction de 5 % de nos émissions par an environ, explique Antoine Lacroix. Mais les premières économies étaient les plus simples. Aujourd’hui, nous faisons face à des choix cornéliens qui représentent des murs d’investissements sans contrepartie financière."

En matière d’éducation, la société a notamment créé en 2021 le fonds 1 % for éducation, qui finance des initiatives en faveur de l’éducation dans le monde, sélectionnées par les salariés. Pour l’alimenter, Maped entend accroître ses efforts en matière de mécénat, en passant de 350 000 euros versés aujourd’hui à 500 000 euros d’ici 2027. L’objectif étant à terme que cette structure se découple de Maped et soit soutenue par d’autres entreprises. "On lui souhaite le même destin que le fonds 1 % pour la planète", glisse Antoine Lacroix.

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