Bretagne
Rémi Cristoforetti (ABEA) : "L’industrie agroalimentaire commence à avoir des pieds d’argile"
Interview Bretagne # Agroalimentaire # Juridique

Rémi Cristoforetti président de l’ABEA "L’industrie agroalimentaire commence à avoir des pieds d’argile"

S'abonner

À l’occasion du CFIA, le salon des fournisseurs des industries agroalimentaires, qui se tient à Rennes cette semaine, l’ABEA fait le point sur la filière. Parmi les préoccupations des industriels, le président du réseau de l’agroalimentaire breton Rémi Cristoforetti pointe notamment la question des volumes et des approvisionnements, et la mise en application de la REUSE.

Rémi Cristoforetti et Marie Kieffer, respectivement président et directrice générale de l’ABEA, Association Bretonne des Entreprises Agroalimentaires, lors du CFIA 2024 à Rennes — Photo : Virginie Monvoisin

Alors que la crise agricole est encore prégnante en France, quel regard l’Association Bretonne des Entreprises Agroalimentaires (ABEA) porte-t-elle sur la situation ?

Nous pensons que les prix plancher ne sont pas une bonne idée car cela a déjà été expérimenté et ça n’a jamais été concluant. Soit ils sont fixés trop hauts et cela provoque des excédents, soit ils sont fixés trop bas et les agriculteurs ne seront pas satisfaits. Nous sommes convaincus que la loi Egalim est une bonne idée, mais il y a tout un travail à faire : il faut des retours d’expérience par filière et par segment, car ce n’est pas pareil de produire du vin, du lait ou encore des pommes de terre. Mais jeter l’opprobre sur certains acteurs qui ne respectent pas la loi Egalim ce n’est pas une solution. On peut construire des choses intéressantes pour les agriculteurs en analysant marché par marché. La vraie question, en revanche, c’est celle des conditions dans lesquelles se font les négociations commerciales.

C’est-à-dire, qu’est-ce qui pose problème ?

Pour 2024, nous avons terminé les négociations au 15 janvier, alors que nous n’avions pas connaissance des augmentations fiscales et des prix du gaz et de l’électricité, qui n’ont été dévoilés qu’après le 31 janvier. Nous voyons chez nos adhérents de vraies tensions sur la trésorerie, certains devant fermer des sites.

Comment voyez-vous l’année 2024 ?

En 2023, la filière s’est plutôt bien portée. Mais on commence à avoir des pieds d’argile dans un contexte en mauvaise forme. En 2024, il va y avoir des tensions sur les prix et en même temps des tensions sur les approvisionnements. Pas de catastrophisme, mais pour remplir nos usines il faut du volume. Or, aujourd’hui, le consommateur "déconsomme" et descend en gamme, pour aller davantage vers de la MDD (marques de distributeur). Résultat, nous devons prendre ces volumes pour faire tourner nos outils, en perdant notre valeur ajoutée réalisée par nos propres produits. C’est par le volume que l’on sauvera les meubles.

La ressource en eau est un sujet dans tous les esprits des dirigeants de l’agroalimentaire. Où en est-on de la REUSE (Réutilisation des eaux usées traitées) ?

Après la publication du décret, nous attendons l’arrêté d’application avec impatience. Nous participons à son écriture. Il doit permettre aux industriels d’appuyer sur le bouton. Mais entre sa publication et sa mise en œuvre, les entreprises ont besoin de 6 mois à un an pour investir dans des solutions, qui existent, afin de récupérer l’eau, de la recycler et de pouvoir la réutiliser. Or, nous sommes interrogatifs sur le temps infini que cela prend ! Pendant ce temps, dans d’autres pays européens comme la Belgique, la REUSE est déjà obligatoire. C’est tout le territoire qui perd du temps. Si on a une sécheresse, cela va nous défavoriser par rapport à la concurrence européenne : eux pourront continuer de produire, et nous, nous serons obligés d’économiser l’eau et donc de fermer des lignes de production…

À quoi ce délai de mise en œuvre est-il dû ?

C’est notamment pour des raisons sanitaires et l’interprétation de la définition de "l’eau potable" qui doit être utilisée dans la production agroalimentaire pour le nettoyage. En France, il y a un côté ceinture et bretelles ! Dès que l’on utilise de l’eau, il faut actuellement qu’elle repasse dans son réseau naturel. Nous disons au ministère de la Santé : nous avons l’habitude des contrôles alimentaires, on en fait tout le temps ! Nous sommes prêts.

Bretagne # Agroalimentaire # Industrie # Agriculture # Juridique # Stratégie # Réseaux d'accompagnement # Conjoncture