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Mycophyto : "Nous préparons l’industrialisation de masse de nos champignons mycorhiziens"
Interview Grasse # Agriculture # Levée de fonds

Justine Lupima cofondatrice et présidente de Mycophyto "Nous préparons l’industrialisation de masse de nos champignons mycorhiziens"

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Basée à Grasse, la deeptech Mycophyto (20 collaborateurs, CA 2022 : 400 000 euros) développe des produits basés sur des champignons mycorhiziens microscopiques, biostimulants naturels des plantes, pour accroître la productivité agricole et revitaliser les sols. Elle vient de lever 4,15 millions d’euros pour préparer son passage à l’échelle industrielle.

Justine Lipuma, cofondatrice et présidente de l’agritech Mycophyto — Photo : Mycophyto

Mycophyto a développé un moyen de remplacer les engrais chimiques. En quoi cela consiste-t-il ?

Nous identifions, caractérisons et amplifions les champignons mycorhiziens, qui se trouvent dans le sol, à partir desquels nous créons des produits sous forme de poudre ou de liquide permettant de s’affranchir des engrais minéraux. Nous avons une trentaine de cocktails prêts à l’emploi ainsi qu’une offre à façon déployée dans des contextes particuliers de microclimats ou de terroir de vignes exceptionnels, par exemple. Ces champignons sont capables d’avoir un impact sur plus de 85 % des plantes terrestres.

Quels sont les autres atouts de ces champignons mycorhiziens ?

Ils ont un effet sur l’immunité de la plante, lui permettant de mieux se défendre, et donc de réduire les besoins en pesticide. Les besoins en eau de la plante sont aussi réduits. Nous avons démontré sur des vignes en Provence, en période de sécheresse en plein été, que les plantes qui avaient reçu notre apport avaient une réserve d’eau 40 % supérieure à celles qui n’en n’avaient pas bénéficié. C’est pour cela que je me suis lancé dans cette aventure entrepreneuriale avec ce concept biologique : il ne s’agit pas de remplacer un produit par un autre, mais de repenser le système avec une solution transverse qui permet d’agir sur plusieurs paramètres.

Qui sont vos clients ?

Des viticulteurs, des industriels qui utilisent les plantes comme matière première dans la parfumerie, la cosmétique ou l’alimentaire, des regroupements de producteurs, des collectivités locales pour leurs espaces verts, leurs aménagements paysagers, leur plan alimentaire territorial ou encore leurs espaces sportifs. Nous sommes très sollicités sur la question des terrains sportifs car la loi interdit désormais l’utilisation de produits phytosanitaires dans tous les lieux de vie (la loi Labbé interdisant l’usage de produits phytosanitaires dans les espaces verts publics, propriétés privées, lieux fréquentés par le public et à usage collectif, sera étendue aux terrains de sport de haut niveau d’ici 2025, NDLR)

Vous avez créé Mycophyto en 2017. À quelle étape de votre développement êtes-vous ?

Il y a le marché des engrais, celui des pesticides, celui de la régénération des sols… : nous venons de façon disruptive créer un nouveau marché et un nouveau besoin, c’est un vrai challenge pour nous. Nous pénétrons les différentes filières par le haut avec des clients qui sont pour certains, prescripteurs de la solution que nous aurons demain. Car nous n’avons pas encore de produit sur étagère à un tarif "de grande masse". Au démarrage, nous étions capables de traiter des dizaines de plants, aujourd’hui nous sommes sur des milliers de plants et demain, l’objectif est de parler en hectares. Nous avons donc un vrai changement d’échelle à opérer. Malgré tout, nous sommes déjà capables de générer du chiffre d’affaires que nous avons doublé l’an dernier pour dépasser les 400 000 euros. L’objectif en 2023 est de nous approcher du million d’euros.

Vous venez de lever 4,15 millions d’euros. À quoi ce financement va-t-il servir ?

Nos enjeux de R & D et d’innovation sont supportés par des appels à projets. Nous avons été lauréats des concours nationaux I-Nov et Aide au développement Deeptech. La levée de fonds, elle, est vraiment là pour permettre le changement d’échelle de notre production de champignons, augmenter nos capacités en termes de volumes et réduire les coûts de production avec des investissements en machines et robotique. Nous passerons de 20 à 25 collaborateurs d’ici la fin de l’année, avec le recrutement de profils industriels et d’autres pour structurer le déploiement commercial. Nous préparons l’industrialisation de masse qui arrivera après la prochaine levée de fonds en 2024, pour laquelle nous visons 10 à 15 millions d’euros.

Vous adressez de nombreux enjeux mondiaux dont la prise de conscience s’est accélérée : souveraineté alimentaire, appauvrissement des sols, pénurie d’eau… Est-ce devenu plus facile de se faire entendre ?

Nous passons un peu moins pour des ovnis ! Tout l’écosystème financier cherche maintenant à faire des investissements green… Il n’y avait pas autant de fonds à impact quand nous nous sommes lancés. Mais il y a encore beaucoup à faire. Il faut comprendre les particularités de l’agritech : on ne peut pas avoir des retours sur investissement à trois ans quand on fait une récolte par an. On ne peut pas être sur les mêmes critères d’évaluations que des start-up du numérique par exemple. Nous avons des besoins en investissement très importants au démarrage, un retour sur investissement plus long mais qui, lorsqu’il intervient, est beaucoup plus fort.

Grasse # Agriculture # Agroalimentaire # Chimie # Services # Levée de fonds # Innovation
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