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Le groupe Le Graët avance en toute discrétion
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Le groupe Le Graët avance en toute discrétion

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En dépit de la notoriété de son créateur, Noël Le Graët, le discret groupe Le Graët, continue de grandir avec un chiffre d’affaires en hausse de 18 % en 2022. Spécialisé dans les marques de distributeur, dont le succès est porté par l’inflation, le groupe familial joue de la proximité géographique et des liens commerciaux entre ses dix entreprises réunies en trois pôles : mareyage, épicerie et surgelé.

Le Groupe Le Graët emploie 800 salariés, principalement dans les Côtes-d’Armor mais également dans le Finistère et le Morbihan — Photo : francisguillard

Il n’y a pas son nom sur le bâtiment qu’il occupe à deux pas du centre-ville de Guingamp, ni même sur l’interphone qui en garde l’entrée. Et pourtant, nombreux sont les habitants de la cité costarmoricaine qui le savent : c’est dans ce bâtiment que se trouve le siège du Groupe Le Graët (265 M€ de CA en 2022, 800 collaborateurs). Un paradoxe, quand on sait que celui qui a créé l’ensemble en 1986, Noël Le Graët, possède une notoriété nationale, lui qui a notamment été président de la Ligue de Football Professionnel puis de la Fédération Française de Football.

De même, les consommateurs des produits du groupe alimentaire ne connaissent pas non plus leur provenance, les différentes entités du groupe produisant la plupart de leurs terrines, soupes et produits surgelés sous des marques de distributeur (MDD). Ils se retrouvent ainsi dans les principales chaînes de GMS (Carrefour, Leclerc, Intermarché, Lidl, Aldi…) sans que le nom de Le Graët apparaisse, ni même sur les étiquettes au verso puisque toutes les entreprises en faisant partie ont gardé leur identité ou ont été créées sans prendre le nom de celui qui est toujours président.

Dimension familiale

Un président qui continue à être bien présent. "Il passe la moitié de la semaine à Guingamp. Et en général, on voit sa voiture garée sur le parking du siège le samedi et le dimanche matin. Il est imbattable !", s’amuse sa fille, Valérie, devenue DG du groupe il y a dix ans après avoir fait ses classes à la conserverie Stéphan, l’une des dix entités du groupe. "Il sera là jusqu’au bout. On débat parfois mais on ne s’est jamais fâché. J’aime son regard sur nos entreprises, les valeurs qu’il a données au groupe et notamment l’engagement pour le territoire. Mon père faisait de la RSE comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, sans le savoir." Au sein du groupe, les mareyeurs vendent aux conserveries, distantes entre elles de quelques dizaines de kilomètres seulement.

Valérie Le Graët (à gauche) et Carole Le Graët (DGA) entourent leur père et créateur du groupe éponyme : Noël Le Graët — Photo : DR

À cette proximité géographique, on peut ajouter la valeur de la famille puisqu’au côté de Valérie Le Graët, figurent à l’organigramme sa sœur, Carole, DG adjointe chargée du marketing, de la R & D, de la RSE et de la communication, et Hugo, le fils de cette dernière, qui est l’un des adjoints dans l’atelier de production de la conserverie Stéphan. Une dimension familiale qui se retrouve également dans la structure de l’actionnariat du groupe. "Mes parents ont distribué leurs actions à leurs enfants et petits-enfants. Ils n’ont conservé qu’1 ou 2 %." Pour réaliser cette transmission, le Crédit Mutuel Arkea est devenu actionnaire minoritaire il y a une dizaine d’années. Valérie Le Graët apprécie la "vision aiguisée et la connaissance de l’agroalimentaire" de ce "partenaire de long terme actif et discret".

Quelques marques propres

Cette discrétion a été entamée par le lancement de marques propres aux entreprises du groupe. Notamment celle il y a trois ans de son vaisseau amiral, le fabricant de produits surgelés Celtigel, qui valide l’origine certifiée 100 % française de ses coquilles Saint-Jacques mais aussi son soutien à la pêche artisanale bretonne avec sa propre filière marée intégrée. Les Délices de la Mer ont également lancé L’île Bleue, tandis que la conserverie Stéphan commercialise une partie de sa production sous son nom et que La Mère Lalie est la marque de Binic Gastronomie.

La production sous MDD, qui reste largement majoritaire dans le groupe (elle représente par exemple 80 % de l’activité de Celtigel), a contribué à la création de ces marques. "Nous avons beaucoup appris, par exemple dans le domaine de la sécurité alimentaire, qui est ultra-contrôlée, car le distributeur y appose son nom et est engagé. Nos cahiers des charges sont de la taille de bottins mondains et nous avons des contrôles inopinés", témoigne Valérie Le Graët, qui se dit grande amatrice de MDD. "Je les consomme les yeux fermés."

La dirigeante revendique également de la créativité et de la prospection dans ce domaine où on ne les attend pas forcément. "Bien sûr, nous répondons à des demandes des distributeurs mais nous proposons et suggérons en permanence des produits, sinon ce serait d’un ennui mortel et nos équipes ne seraient pas aussi motivées", souligne la Costarmoricaine. Pour exemple, le groupe a proposé à Picard deux recettes de produits sans gluten, à base de pâtes de riz, qui sont vendues depuis le mois de mars.

Entreprises vivantes

Le groupe, qui produit également pour de grandes marques comme McCain ou le fromager Bel, compte trois pôles, qui pèsent tous les trois à peu près un tiers du chiffre d’affaires et des effectifs. "Chaque entreprise est vivante par elle-même, elle achète chez les autres membres du groupe mais ne dépend pas d’eux et peut toujours acheter ailleurs", exprime Valérie Le Graët. Une interconnexion dans la liberté et une relative diversité d’activité qui lui a fait passer les crises récentes en souplesse. Le chiffre d’affaires 2022 est ainsi en hausse sur un an de près de 18 %, dont 12 % attribués à l’inflation. "Si les ventes de poissons ont tendance à diminuer à cause du prix, les produits MDD fonctionnent très bien."

Le premier pôle est le mareyage (achat, travail et revente de poissons à des grossistes, des GMS et des autres entités du groupe). Il comprend cinq entreprises, dont l’une d’elles, Celtarmor, est remarquable puisqu’elle appartient pour moitié (49 %) à une coopérative de pêcheurs, Cobrénord. "Celtarmor a été créée en 1993, à une période difficile pour les pêcheurs. Cette association atypique est une réussite : on s’entend merveilleusement bien depuis 30 ans", se félicite la cheffe d’entreprise.

Poisson et viande

Ce "joyau de la RSE", achète les coquilles Saint-Jacques aux pêcheurs, les ouvre, nettoie puis revend en frais ou en surgelé à la GMS (qui les commercialise sous leurs marques Terroir) et à Celtigel, à quinze kilomètres de là, pour la production de sauces. "La surgélation d’une partie de la production permet d’apporter de la visibilité aux pêcheurs et agit comme un amortisseur de risques, permettant de gérer l’activité pendant les six mois de l’année où la pêche est interdite." Les autres entités du pôle mareyage sont Les Pêcheries d’Armorique (Erquy), le spécialiste de la sardine Halios (Le Guilvinec, Finistère), Gallen (Concarneau, Finistère) et Jaffray (Lorient, Morbihan).

Le deuxième pôle est l’épicerie. Il compte la conserverie de viande Stéphan (Ploumagoar), créée en 1969 et acquise en 1997, qui fabrique des pâtés, plats cuisinés et saucisses cocktail. En font également partie les Délices de la Mer, conserverie de poissons et de sauces qui achète aux Pêcheries d’Armorique sa matière première, et Binic Gastronomie (Binic), producteur de pâtés en bocaux. Cette entreprise était la première qu’avait voulu acheter Noël Le Graët, sans succès, avant qu’elle ne rejoigne le groupe en 2011. Tout comme Fidèle, producteur de petfood basé à Guingamp, racheté il y a vingt ans à Nestlé, alors que la multinationale cherchait à s’en séparer. "Nous l’avions dit à l’époque, les chiens et les chats, on ne s’y intéressait pas. Ce que l’on voulait, c’était sauver les 80 emplois", raconte Valérie Le Graët. Un investissement cependant bien pesé. "Nous connaissions la stérilisation, que l’on faisait déjà chez Stéphan, et nous avions interrogé nos clients en GMS pour savoir s’ils étaient intéressés par ces produits."

Enfin, le dernier pôle est tout entier formé par Celtigel, fabricant de surgelés salés élaborés (entrées, notamment à base de coquilles Saint-Jacques achetées à Celtarmor, et plats cuisinés).

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