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Le groupe Janneau mise sur plusieurs piliers de croissance pour s’ouvrir un large horizon
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Le groupe Janneau mise sur plusieurs piliers de croissance pour s’ouvrir un large horizon

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Après 50 ans d’existence, le groupe Janneau parie sur une croissance organique forte, afin d’atteindre les 200 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici sept ans, contre 111 millions d’euros aujourd’hui. Pour atteindre ces objectifs, le groupe mise notamment sur une ouverture aux États-Unis, et devra trouver la bonne combinaison afin de faire face au manque de main-d’œuvre.

Henri Janneau et Pierre Bordier tablent sur une forte croissance afin d’atteindre les 200 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici sept ans — Photo : Benjamin Robert

"Notre premier client outre-Atlantique était un Indien comanche, vivant en Oklahoma". Henri Janneau, apprenti menuisier qui a fondé l’entreprise en 1973, mesure aujourd’hui le chemin parcouru. En l’espace de cinquante ans, Janneau est devenu un groupe de 650 collaborateurs, dont 440 qui sont répartis sur les différentes unités de production en France. L’entreprise, dont le siège social est basé au Loroux-Bottereau, à quelques kilomètres de Nantes, fabrique des fenêtres, et portes d’entrée haut de gamme en alu, PVC, bois et acier, vendues directement auprès de professionnels. Elle compte aujourd’hui plus de 1 000 installateurs. Avec un chiffre d’affaires 2022 de 111 millions d’euros, et des prévisions de 120 millions d’euros pour 2023, l’entreprise ambitionne d’atteindre les 200 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici sept ans. Pour y parvenir, les fenêtres de Janneau vont bientôt s’ouvrir outre-Atlantique, aux États-Unis. Le groupe avait déjà abordé le marché américain dans les années 1990, notamment dans l’Oklahoma, un État américain qui constitue une ancienne réserve indienne. En 2022, le groupe est reparti avec une filiale commerciale à Austin, au Texas, avec de premières commandes pour la fin d’année 2023, notamment sur des projets haut de gamme. "C’est une région avec de très belles maisons. Nous en avons pour 100 000 dollars sur certaines propriétés", note Henri Janneau.

Un savoir-faire plébiscité

Le groupe Janneau compte séduire ses futurs clients américains avec une offre bien plus large et haut de gamme que ce qu’ils peuvent trouver sur leur territoire. "Le savoir-faire français est plébiscité. Tout sera donc construit ici. Les arbres, notamment au Canada, sont des résineux. Nous ne pourrions pas retrouver l’essence de nos arbres, comme les chênes, sur leur territoire", décrit Henri Janneau. Sur le sol américain, le menuisier vise trois marchés d’ici 2028 : le Texas, la Californie, et la périphérie new-yorkaise. "Nous possédons pour l’instant une équipe commerciale de deux personnes. L’ambition, à terme, est d’avoir une vingtaine de collaborateurs d’ici sept ans", ajoute-t-il. Le groupe met ainsi à profit son panel de 350 références de vitrage, qui peuvent être avec opacifiant, chauffant, ou encore avec des menuiseries pare flammes. Néanmoins, il ne suffit pas de dupliquer le fonctionnement de l’entreprise de l’autre côté de l’Atlantique, car le marché américain n’a pas les mêmes attentes. "Ils n’ont pas les mêmes soucis de préservation énergétique. Néanmoins, la population est prête à payer pour la qualité d’un produit français", estime Pierre Bordier, directeur général du groupe, et seul présent au capital de la société aux côtés de la famille Janneau.

En France, le chiffre d’affaires actuel est issu à 80 % de la rénovation d’habitations de particuliers. "Nous exerçons également auprès de chantiers de réhabilitation, et du tertiaire, comme les hôtels", détaille Henri Janneau. Et si en 2021, l’entreprise avait racheté FMA-F2M, spécialiste de la menuiserie aluminium et acier sur-mesure implantée à La Regrippière (Loire-Atlantique), le fondateur mise pour les années à venir sur une croissance interne, afin de garder plus facilement l’ADN du groupe.

Des motifs d’optimisme

Malgré la hausse du chiffre d’affaires, la situation économique de ces dernières années a été mouvementée. "Les relations avec nos fournisseurs et fabricants de verre, comme Saint-Gobain, ont été fragilisées car il y a eu beaucoup de spéculations sur les prix de l’énergie. Leur prix est basé sur le cours futur du gaz hollandais", souligne Pierre Bordier. "C’est déconnecté de toute réalité pour nous". Heureusement, l’inflation, qui constitue parfois un phénomène d’attente sur les commandes, n’impacte pas directement les finances du groupe. "Il y a dans le phénomène actuel d’inflation aucun espoir de voir revenir les prix de 2019 ou 2020, donc la clientèle investit tout de même dans la réhabilitation. De plus, il y a actuellement beaucoup de changements de main dans les bâtiments anciens, entraînant de nombreuses rénovations", analyse Pierre Bordier. Autre motif d’optimisme à venir pour Janneau, la loi sur les diagnostics de performance énergétique (DPE). D’ici à 2028, le texte de loi prévoit qu’il sera interdit d’augmenter le loyer des logements classés F et G, soit les passoires thermiques, induisant pour les propriétaires la réalisation de travaux pour se conformer aux normes.

Le retour en force du bois

Si Janneau a su progresser durant 50 ans, c’est notamment parce que la société s’adapte aux tendances. Dans les années 1990, l’entreprise a bien répondu à la vague du PVC, entraînant une chute du marché des fenêtres en bois. Mais depuis cinq ans, les dynamiques s’inversent, et le bois revient en force.

Janneau investit massivement dans les menuiseries en bois afin de répondre à une demande en forte hausse — Photo : Janneau

"Nous concentrons désormais nos investissements dans cette filière. L’entreprise vient d’investir 6 millions d’euros sur quatre ans pour moderniser son unité de production de menuiseries bois", précise Pierre Bordier. Si dans le chiffre d’affaires actuel, le bois pèse moins lourd (environ 20 % du CA actuel) que l’aluminium ou que le PVC (environ 40 % chacun), la tendance pourrait bien s’inverser. "L’aspect écologique du bois lui redonne les faveurs des clients. De plus, il y a aujourd’hui beaucoup d’appartements haussmanniens en rénovation, ce qui requiert une structure en bois", appuie Henri Janneau. Et afin de ne pas se laisser déborder par la tendance, une grande partie des 15 millions d’euros que le groupe investira ces trois prochaines années sera dédiée à la filière bois.

Le recrutement, principal frein à l’horizon

L’engouement actuel pour les menuiseries en bois est tel que le groupe Janneau a envisagé un temps de lancer une seconde unité de production pour le bois… mais le manque de main-d’œuvre l’a fait renoncer. "Nous avons déjà du mal à trouver suffisamment de monde pour notre première unité", commente Pierre Bordier, qui planifie une quarantaine de recrutements sur l’année 2024. Afin d’attirer durablement de futurs salariés, Janneau a investi dans un bâtiment aux Loroux-Bottereau, qui comprend huit logements dédiés aux nouveaux venus. Ces habitats vont servir de tampon, afin d’éviter qu’un salarié soit tracassé par le sujet dès ses premiers jours en entreprises. "De plus, nous avons négocié avec plusieurs banques des octrois de prêt pour nos salariés, afin qu’ils puissent investir", ajoute Henri Janneau.

Le manque de main-d’œuvre est un problème majeur pour le groupe Janneau — Photo : Janneau

Le groupe met également en place des formations en interne, certifiées Qualiopi, qui participent à son opération séduction sur le long terme. "Il ne s’agit pas de pure rhétorique pédagogique. Le but est de mener un projet commun avec les personnes formées, et de créer un produit nouveau qui peut être commercialisé. Cela contribue ainsi à l’innovation au sein du groupe", témoigne Pierre Bordier. En 2023, plus de 70 personnes suivent des formations au sein du groupe. Pour les faire vivre, Janneau s’appuie actuellement sur deux formateurs, un pour la partie distribution, l’autre pour la production. "L’idéal serait aussi de se reconnecter avec des retraités volontaires, qui sont parfois partis avec un savoir-faire extraordinaire", regrette Henri Janneau.

Si les deux années précédentes ont été complexes sur le marché de l’emploi, le directeur général voit des améliorations depuis début 2023. "L’arrivée du télétravail a facilité certains recrutements, même si de nombreux métiers comme la pose, ou le transport de nos produits ne sont pas compatibles avec ces pratiques", souligne Pierre Bordier. Dernier argument pour attirer les talents : l’arrivée de l’usine 4.0, plus connectée. "Des écrans guident les nouveaux salariés dans leurs tâches afin de les rendre opérationnels plus rapidement", témoigne Henri Janneau. D’ailleurs, outre le bois, le numérique est une des cibles d’investissement futur de l’entreprise. Mais si la digitalisation lui semble un passage obligé, le fondateur n’en oublie pas pour autant les fondamentaux de la menuiserie. "Il faut trouver le bon équilibre avec le numérique, afin de garder l’ADN du bâtiment, constitué d’humain et de proximité. La main de l’homme est irremplaçable, et l’intelligence artificielle ne pourra pas s’y substituer".

ENCADRE : 1 000 tonnes de produits de déconstruction recyclés dès l’année prochaine

Chaque année, huit fenêtres sur dix déposées par les artisans chez les particuliers partent à l’enfouissement. Face à ce constat, Janneau a développé son propre dispositif de collecte, via son réseau de distributeurs, pour les menuiseries en fin de vie. "Nous recyclons actuellement 600 tonnes de menuiserie par an. Nous récupérons ainsi les produits de déconstruction : verre, aluminium, bois, formica, etc. Ces produits, qui étaient auparavant enfouis, sont démantelés dans un centre de réinsertion", détaille le directeur général. L’entreprise, qui se targue d’être le premier recycleur de produit de déconstruction en France, démantèle ces menuiseries en collaboration avec Valdelia, un éco-organisme agréé par le ministère de la Transition écologique. Janneau envisage d’ailleurs de passer à 1 000 tonnes de produits recyclés dès l’année prochaine en déployant son service sur toute la France. "90 % des produits sont revalorisés, et il reste seulement les vis et quelques matériaux souillés". Le recyclage s’avère aujourd’hui la meilleure option pour Janneau, car le réemploi fait face aux changements de normes. "Les fenêtres récupérées sont en grande partie vieilles, et ne répondent plus aux normes énergétiques ou environnementales actuelles". Mais certaines pièces, rares et à la marge, font néanmoins de la résistance. C’est le cas des espagnolettes, sur certaines menuiseries de châteaux, qui sont récupérées, sablés, puis remises sur de nouveaux produits.

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