Alsace
Jean-Luc Heimburger (CCI Alsace Eurométropole) : "Prenons en compte les priorités de l’économie alsacienne"
Interview Alsace # Collectivités territoriales

Jean-Luc Heimburger président de la CCI Alsace Eurométropole "Prenons en compte les priorités de l’économie alsacienne"

S'abonner

Lors de sa venue fin avril à Strasbourg, Emmanuel Macron a évoqué la possibilité de transférer certaines compétences de la Région Grand Est, en matière de commerce notamment, vers la Collectivité européenne d’Alsace. Pour le président de la CCI Alsace Eurométropole Jean-Luc Heimburger, cette "porte ouverte" est de bon augure mais reste encore insuffisante.

Pour Jean-Luc Heimburger, président de la CCI Alsace Eurométropole, "l’économie alsacienne ne prend véritablement tout son sens que quand elle rayonne vers les territoires limitrophes, au-delà des Vosges et de la Forêt-Noire." — Photo : CCI Alsace Eurométropole

Le président de la République a ouvert la porte au transfert de compétences en matière de commerce de la Région Grand Est vers la Collectivité européenne d’Alsace. Quelle est votre réaction ?

Il faut rappeler que la réforme institutionnelle donnant naissance à la Région Grand Est s’est faite sans le monde de l’entreprise. On a subi la réorganisation, et elle a mis du temps. Ce qui est finalement normal avec les réformes en profondeur et institutionnelles, toujours un peu complexes à mettre en œuvre. Les CCI se sont adaptées. Ce qui est dommage, en Alsace, c’est qu’on n’ait pas plus de dynamique dans la relation économique sur le territoire avec la Collectivité européenne d’Alsace.

Le président Macron a évoqué l’artisanat et le commerce (N.D.L.R. : en marge de son déplacement à Strasbourg le 26 avril, Emmanuel Macron a exclu le scenario d’un redécoupage territorial mais a évoqué le transfert de certaines compétences vers la Collectivité européenne d’Alsace). Et le reste, l’industrie, on en fait quoi ? C’est peut-être le moment qu’on rentre un peu dans les discussions et qu’on essaye de faire des propositions. La question n’est pas de se positionner sur une grande région ou une petite région. Je ne dis pas que ça ne marche pas avec la région Grand Est, mais on est plutôt sur du temps long. Quand nous menons un projet un peu expérimental en Alsace, c’est long à mettre en œuvre. La Région Grand Est soutient des dossiers Grand Est. La spécificité n’est pas une priorité. Il y a du sens à ce qu’il y ait des sujets qui soient traités sur le plan de la grande région, très probablement, et il y a d’autres sujets qu’on doit pouvoir traiter à l’échelle du territoire, avec des interlocuteurs de territoire. Il faut nous faire confiance.

Vous plaidez pour la prise en compte des spécificités économiques du territoire alsacien…

Effectivement, ce que j’aimerais, c’est qu’on prenne en compte les priorités de l’économie alsacienne. L’innovation, l’accompagnement des entreprises, le digital, la RSE, l’énergie : tout ça, c’est du travail de proximité. Est-ce qu’on ne peut pas organiser les réponses au niveau du territoire ? Cela éviterait de grandes discussions, de grands circuits de remontée et de redescente, et ça permettrait d’être plus efficace.

"L’Alsace, ce n’est pas un territoire à l’Est du Grand Est"

Un autre sujet crucial, c’est le transfrontalier. C’est historique. En Alsace, on vit de manière connectée avec l’économie du Bade Wurtemberg et une partie du nord de la Suisse, avec les cantons de Bâle en particulier. Aujourd’hui cette spécificité n’est pas réellement prise en compte. L’Alsace, ce n’est pas un territoire à l’Est du Grand Est. C’est ce qu’on disait lors du redécoupage et c’est toujours vrai : l’Alsace est un territoire au centre d’un bassin profondément européen et transfrontalier. La région métropolitaine trinationale du Rhin Supérieur comptabilise 330 milliards d’euros de PIB, près de 300 000 entreprises…

Mes collègues d’autres territoires plus éloignés à l’échelle du Grand Est ne sont pas autant impactés que nous par ces échanges du quotidien, ces rencontres d’entreprises, ces créations de filières, ces développements d’affaires. Et pourquoi pas ces reprises d’entreprises. Il y a un problème démographique important en Allemagne aujourd’hui. Pourquoi ne devrait-on pas avoir en Alsace davantage de moyens pour développer la recherche d’entreprises à reprendre par des entreprises alsaciennes ? L’économie alsacienne ne prend véritablement tout son sens que quand elle rayonne vers les territoires limitrophes, au-delà des Vosges et de la Forêt-Noire.

Quelle sera votre feuille de route ?

Nous réfléchissons à ce que nous pourrons proposer en espérant qu’on nous demande notre avis. Écoutera-t-on le monde économique ? Nous pensons au rayonnement de nos entreprises et à nos emplois, c’est dans cet esprit que nous nous positionnerons.

Alsace # Collectivités territoriales # Organisations professionnelles # Politique économique