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Fairmat industrialise le recyclage de la fibre de carbone dans son usine pilote de Nantes
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Fairmat industrialise le recyclage de la fibre de carbone dans son usine pilote de Nantes

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La deeptech parisienne Fairmat compte investir 20 à 30 millions d'euros d'ici 2025, dans son usine pilote de Bouguenais, près de Nantes. Objectif : industrialiser son procédé de recyclage des matériaux composites en fibre de carbone et devenir un acteur majeur de l'économie circulaire.

Fairmat recycle les composites en fibre de carbone dans son usine automatisée de Bouguenais, près de Nantes — Photo : Karine Le Ouay

Fairmat (80 salariés) exécute à grande vitesse son business plan. Créée en octobre 2020 par Benjamin Saada, la jeune pousse parisienne a inauguré fin octobre 2022, à Bouguenais, près de Nantes, son usine et vient de boucler une levée de fonds de 34 millions d’euros, menée par le fonds d’investissement souverain de Singapour, le groupe belge CNP (groupe Frère), avec la participation d'un groupe d'investisseurs, dont le fonds Singular, déjà présent au tour d'amorçage, la société suisse Pictet Group et la branche londonienne d'investissement du consortium américain The Friedkin Group International. Benjamin Saada s'est, pour sa part, fait connaître en inventant un siège d'avion ultraléger, commercialisé par la société Expliseat, qu'il a fondée avec Jean-Charles Samuelian, le dirigeant d'Alan.

Avec ce nouveau financement, Fairmat a pour ambition de s’imposer comme un acteur majeur de l’économie circulaire, en Europe et au-delà, en apportant une solution innovante au recyclage des composites en fibre de carbone. "Le recyclage de matériaux avancés comme les matériaux en fibre de carbone est l’une des actions les plus fortes que nous puissions entreprendre pour accélérer la décarbonation du secteur manufacturier. Il n’existe pas, en effet, de solution de fin de vie satisfaisante pour ces matériaux qui représentent 50 % d’un Airbus A350, 25 % d’une pale d’éolienne et qui entreront dans la fabrication des voitures à hydrogène", déclare le président et fondateur de Fairmat, Benjamin Saada.

Benjamin Saada a fondé en 2020 la société Saasa — Photo : © Philippe Stroppa

Usine 4.0 à Bouguenais

Le site nantais de la start-up joue un rôle central dans ce dispositif. Pour gagner du temps et ne pas contribuer à l’artificialisation des sols, Fairmat a emménagé en 2021 dans l’usine de 4 000 m², précédemment occupée par le fabricant de composites Hexcel, dont il a repris une douzaine de salariés. Entrée en production à l’été 2022, l’usine emploie une vingtaine de collaborateurs, mais doit monter en puissance rapidement. En 2025, elle devrait faire travailler 400 personnes et traiter 3 500 tonnes de déchets par an. Pour parvenir à cet objectif, Benjamin Saada, qui reste discret sur ses prévisions de chiffer d'affaires, prévoit d’injecter, chaque année, 7 à 10 millions d’euros dans le site de 2023 à 2025. Dès 2023, l’usine va se muscler en recrutant 50 à 60 collaborateurs. La construction d’une extension est également prévue. Elle devrait permettre de traiter 500 tonnes de déchets sur l’année 2023.

L’objectif est de faire du site une usine entièrement automatisée, en déployant une centaine de robots et en recourant massivement à l’intelligence artificielle. Celle-ci, outre l’autonomie des robots et la traçabilité des matières, permet de créer des schémas de dépose du matériau pour en optimiser les performances. "Nous ne sommes pas une société de collecte, ni un démanteleur. Notre valeur ajoutée réside dans l'utilisation de technologies différentes pour traiter des fibres de carbone différentes. Nous employons des technologies de robotisation, de commandes, de machine learning... qui sont capables d'apprendre et de progresser en autonomie, pour reconnaître les pièces et leur complexité au fur et à mesure", insiste le dirigeant.

Dupliquer le site de Nantes à l'international

L'étape ultérieure dans le développement du site portera sur son autonomie énergétique. "Nous allons créer un système de data pour comprendre le fonctionnement de l'usine qui tournera en trois-huit. Leur analyse nous permettra ensuite de déployer des énergies vertes", annonce Benjamin Saada, qui s'est installé à Nantes avec sa famille.

L’usine de Nantes a vocation à être le site de production principal de Fairmat pour fournir le marché européen. "C’est un également un modèle que nous allons reproduire sous une forme simplifiée en Europe et sous une forme plus complète aux États-Unis pour gagner en efficience et nous rapprocher des gisements de matières à recycler, dans une logique d’économie circulaire en circuit court", ajoute le dirigeant.

Un traitement mécanique

Alors que le marché des fibres composites connaît une croissance annuelle de 10 à 12 %, Fairmat veut apporter aux industriels une solution qui évite l’incinération ou l’enfouissement de leurs déchets. C'est, en effet, ainsi que sont traités en fin de vie 95 % des 62 000 tonnes de déchets de composites de fibres de carbone produits dans le monde chaque année. "À la différence de la boucle traditionnelle du recyclage qui essaie de revenir à la matière d’origine par des traitements chimiques ou par la pyrolyse qui utilise beaucoup d’énergie et a un coût environnemental supérieur à la matière neuve, notre solution est vertueuse. Nous produisons un nouveau composite par un traitement mécanique, à faible empreinte carbone", décrypte Benjamin Saada. Pour ce faire, Fairmat récupère les chutes de production et les déchets des composites en fibre de carbone utilisés dans les pales d’éoliennes, les ailes d’avion ou encore les câbles de bateau…

Un nouveau matériau performant

Après avoir été identifiés, ces déchets de composites aux provenances et aux caractéristiques très différentes sont, non pas broyés, ce qui ferait perdre son utilité au matériau, mais découpés en petites briques de quelques centaines de micromètres d'épaisseur. Elles sont ensuite redisposées et associées à une résine pour produire un nouveau matériau, différent du matériau initial, présenté comme très performant. "Notre matériau Fairmat est moins cher que le composite neuf, tout en offrant 70 % de sa performance. Il est deux fois plus léger que l’aluminium, beaucoup plus résistant et moins polluant qu’un aluminium recyclé. Fairmat Quest, notre matériau de base est, avec 3,8 kg de CO2 par kilo de matériau produit, l’un des plus durables à la disposition de l’économie circulaire. Il peut intéresser les industriels dans une approche d’écoconception. Par ailleurs, produit localement, il permet d’être indépendant de la Chine", argumente Alexandra Pelissero, directrice du développement chez Fairmat.

Deux typologies de clients

Le business model de Fairmat est fondé sur deux sources de revenus. La deeptech vend aux industriels une solution de recyclage pour leurs déchets composites en fibre de carbone. Depuis sa création, Fairmat a ainsi sécurisé près de 40 % des déchets en fibre de carbone, issus de la production industrielle européenne, de la Scandinavie à l’Espagne, avec des références comme Dassault Aviation, Haxel, Siemens Gamesa, Tarmac Aerosave, le groupe Duqueine… L’essentiel de sa marge provient toutefois de la commercialisation de son matériau recyclé pour produire de nouvelles pièces. Quatre secteurs sont ciblés en priorité : la mobilité automobile, les sports et loisirs, l’électronique grand public et le "life style" (valises…). Les premiers produits intégrant le matériau Fairmat sortiront d’usine en 2023. Fairmat indique avoir signé plus d’une trentaine de contrats avec des acteurs de premier plan, dont l’identité n’est toutefois pas communiquée. Benjamin Saada laisse toutefois entendre que son matériau servira à améliorer des machines fabriquant des vaccins à ADN ou encore des objets connectés. À terme, Fairmat pourrait également proposer aux industriels une offre logicielle globale leur permettant de customiser les matériaux eux-mêmes.

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