En 2010 déjà, Estandon Coopérative en Provence avait choisi de placer l’intelligence collective et l’implication de tous au cœur de son projet entrepreneurial. De 2015 à 2020, elle avait clamé haut et fort son attachement aux valeurs de la coopération. En ce printemps 2022, la première entreprise vitivinicole de Provence, qui a vu son chiffre d’affaires consolidé dépasser les 50 millions d’euros en 2021 (+7 % par rapport à 2020) s’est fixé un nouveau cap, qui la mènera en 2030. "L’horizon temporel est plus large, parce que parmi les quatre axes que nous allons travailler, figure le projet de créer un nouveau site de production… Or, lorsqu’on se projette sur un nouveau site, on travaille pour les 40 prochaines années", souligne Philippe Brel, le directeur général.
Après deux journées de séminaire en 2021 et des réunions en plus petits groupes de travail, les 300 vignerons coopérateurs et 130 salariés des caves et de l’union, ont dévoilé les quatre projets, validés par le conseil d’administration. Ils seront menés d’ici à 2030, mettant en place "une véritable démocratie implicative" au sein de l’entreprise. "Ces dernières années, les vins de Provence sont devenus de plus en plus désirables et nous voulons accompagner désormais tous nos acteurs pour que chacun y retrouve sa part. Nous voulons partager cette prospérité, faire en sorte que notre modèle économique soit pérenne et qu’il prenne en compte les enjeux environnementaux et climatiques de demain, nous voulons partager une certaine qualité de vie et bâtir un lien social fort", résume le directeur.
Au cours des huit prochaines années, cette philosophie d’entreprise s’incarnera donc autour de quatre axes, qualifiés de fondamentaux.
Une production de qualité et résiliente
L’adaptation au changement climatique, enjeu majeur, passera par une production, toujours plus qualitative et résiliente. Estandon, qui repose sur 2 000 hectares de vignes provençales, est ainsi partie prenante du projet EnViProv, qui réunit l’ensemble de la filière des Vins de Provence, piloté par le Conseil Interprofessionnel des Vins de Provence (CIVP). À travers l’analyse du cycle de vie, l’accompagnement à la certification environnementale et la mise en œuvre de pratiques vertueuses, ce projet vise à structurer la transition agroécologique dans le vignoble. La coopérative, dont 30 % de la production est labellisée bio et dont l’ensemble des autres vins sont issus d’une exploitation à haute valeur environnementale (HVE), expérimente par ailleurs la viticulture du XXIe siècle, au Domaine de Tasquier, situé dans une réserve naturelle varoise et a déjà planté 700 arbres dans les parcelles de vignes.
Des ressources humaines internalisées
La problématique RH, commune aux 300 vignerons de la coopérative, mais aussi à toute une filière, est devenue stratégique et aura une réponse mutualisée. "La pénurie de main-d’œuvre nous pousse à internaliser un DRH collectif, pour offrir un accompagnement, une aide au recrutement, une gestion commune des parcours de formation, pour répondre aussi au renouvellement des générations des viticulteurs", détaille Philippe Brel. Sur ce dernier sujet, celui de la transmission, l’Union a soutenu, avec d’autres partenaires, en 2020, la première transmission de propriété viticole, via SCIC Terre Adonis, une coopérative initiée par la Safer Paca et la Coopération Agricole Sud pour financer provisoirement le foncier le temps d’aider un jeune à s’installer.
Un site de production adapté aux enjeux de demain
Présent sur deux sites à la fois, Estandon réfléchit à un projet de relocalisation complète de son activité, permettant de tout réunir sur un même site. "Nous occupons 1,5 hectare à Brignoles, dans le Var, il nous en faut 4 et nous avons démarré la prospection. Pour l’heure, à défaut de savoir où sera ce futur siège, nous avons réfléchi à ce que nous voulions", explique l’entrepreneur. Ce futur lieu devrait correspondre aux valeurs de l’entreprise et à sa manière de manager : "les bureaux seraient au centre d’un processus circulaire, les pôles administratifs au plus près des équipes opérationnelles, l’outil de travail ressemblerait à un "donut" avec au centre la coordination des acteurs." Ce futur site devrait également intégrer le traitement des effluents, peut-être aussi un espace de consigne. Il sera le plus performant possible, peut-être même proche de la neutralité carbone, grâce à une gestion optimale des énergies. "En résumé, nous voulons bâtir un futur lieu de travail, de production et de stockage adapté aux nouveaux paradigmes de demain."
Une nouvelle gouvernance
Enfin, le quatrième sujet de cette feuille de route, sans doute le plus complexe, vise la mise en place d’un nouveau modèle de gouvernance : "nous envisageons la transformation de notre statut juridique, qui permettrait d’intégrer à notre gouvernance les viticulteurs et les salariés d’Estandon et des huit caves coopératives", explique Philippe Brel, pour qui il s’agit d’un projet novateur, dont la validation doit être soumise au vote de l’assemblée générale.
