En Pays de la Loire, la relance passera par des projets verts
# Conjoncture

En Pays de la Loire, la relance passera par des projets verts

S'abonner

Situation inédite pour les Pays de la Loire. La région, qui connaissait une conjoncture favorable en termes de croissance et d’emplois avant la crise sanitaire, est aujourd’hui confrontée à de nombreux défis : hausse du chômage, filières économiques très impactées, etc. Grands groupes et PME comptent rebondir en se positionnant sur des projets écologiques.

— Photo : Chantiers Atlantique

Habituée à un taux de chômage parmi les plus bas de France et à une croissance soutenue depuis plusieurs années, la région se trouve aujourd’hui confrontée à une situation inédite. La faute à la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 qui rebat les cartes. Des indicateurs longtemps au vert virent ainsi au rouge. Airbus vient d'annoncer la suppression de 15 000 postes dont 1 000 en Loire-Atlantique, les sous-traitants de l'aéronautique réduisent aussi leurs effectifs... En mars 2020, les Pays de la Loire ont enregistré la plus forte hausse régionale du chômage (+9,6 %), juste derrière la Bretagne, selon l’Insee. En avril, le nombre de chômeurs de catégorie A, sans aucune activité, a augmenté de 32,6 % dans la région.

Épargnée jusqu’à présent par les difficultés sectorielles affectant certains territoires, la région voit certaines de ses filières majeures, comme l’aéronautique, la sous-traitance automobile ou encore la construction navale, impactées par une crise qui pourrait être durable. « Cela fait un bon moment que l’économie des Pays de la Loire se portait bien. Le contexte né de la crise sanitaire pose la question de la résilience du territoire et de sa capacité à apporter des réponses adaptées à une situation nouvelle pour lui », estime Philippe Jan, directeur général adjoint CCI Pays de la Loire.

Avion vert et paquebots à voile

Dès 2022, le Neoliner devrait effectuer deux rotations par mois en partant de Saint-Nazaire, direction Baltimore sur la côte est des Etats-Unis, en passant par Halifax et Saint-Pierre-et-Miquelon. — Photo : Bureau Mauric

Plusieurs secteurs phares de la région sont en effet fortement touchés par la crise, sans que l’on puisse estimer précisément quand se produira la reprise. Celle-ci dépend du comportement des consommateurs qu’il est difficile d’anticiper. Ainsi, les touristes seront-ils prêts dans un avenir proche à embarquer sur des paquebots que l’on a vu errer de port en port et mis en quarantaine en raison de passagers touchés par le coronavirus ? « On reste prudemment optimiste », confie un membre de la direction du chantier naval. Les carnets de commandes des Chantiers de l’Atlantique sont certes bien remplis avec 16 navires à construire d’ici 2027 et l’entreprise n’a enregistré pour l’heure aucune annulation.

On est cependant en droit de s’interroger sur le redémarrage de la construction navale, alors que le secteur de la croisière est à l’arrêt, à l’image du Celebrity Apex livré en mars à l’armateur américain RCCL et immobilisé depuis à Saint-Nazaire après que le coronavirus a été diagnostiqué à bord. « Nous allons militer pour accélérer de nouveaux projets comme les paquebots à voile qui permettraient de repositionner des entreprises de l’aéronautique sur des savoir-faire utilisant les matériaux composites », indique Philippe Jan.

Rebondir en se repositionnant sur des projets plus écologiques, à énergie propre, semble être la nouvelle ligne de conduite adoptée par les secteurs clés de la région, du naval à l’aéronautique en passant par l’automobile. Ainsi, les Chantiers de l’Atlantique font partie de la trentaine d’industriels avec Airbus, Manitou, Naval Group ou Daher à s’engager dans un manifeste pour des projets plus écologiques et responsables. Parmi les pistes envisagées pour le secteur aéronautique : travailler sur le thème de l’avion vert et connecté. L’innovation comme issue de secours. « Pour la plupart des entreprises du secteur aéronautique, le plan de charge est revu à la baisse de 30 % », rappelle François Paynot, directeur du site Airbus Nantes. Quelques jours avant l'annonce par le Conseil régional d'un plan de relance économique, la CCI Pays de la Loire plaide elle aussi pour une relance à travers un "green deal" local. La chambre de commerce et d'industrie a liste 5 axes prioritaires : le déploiement des énergies renouvelables, la performance énergétique des bâtiments, les nouvelles mobilités, les aménagements territoriaux et l’économie circulaire.

L’automobile veut réaliser des investissements collaboratifs

Confrontées à une baisse de charge tout aussi importante, les PME du secteur automobile veulent, elles aussi, accélérer la mutation vers la mobilité verte. « Nous y sommes déjà, mais alors qu’il faudrait se positionner plus rapidement que prévu sur ce sujet, les industriels ont moins de ressources à y consacrer vu que leurs moyens financiers ont fondu durant la crise sanitaire », indique Sergio Capitao, directeur général d’ID4Car. Au sein du pôle de compétitivité, on songe ainsi à se regrouper pour réaliser des investissements collaboratifs en R & D et moyens de production afin de répondre à ces nouveaux défis. C’est en effet toute une base industrielle qu’il faut renforcer en Pays de la Loire afin de s’inscrire pleinement dans les nouveaux enjeux de la mobilité verte. « Nous sommes dans un virage où nous devons investir pour démontrer notre compétitivité et capter les compétences. La région compte des fabricants de composants ou encore de batteries, mais pour combler les trous dans la raquette, il faut aller chercher les acteurs étrangers à même d’installer leurs usines sur notre territoire. Ça se joue entre les grands donneurs d’ordre, les PME et les acteurs publics », poursuit Sergio Capitao.

Ceux-ci pourraient profiter des nouveaux financements issus du Pacte vert européen qui vise à faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre à l’horizon 2050 et prévoit, pour ce faire, un plan d’investissement de 1 000 milliards d’euros au minimum sur dix ans. Dès ce mois de mai 2020, la Commission européenne a dédié l’appel à projets « EIC Accelerator », un dispositif réservé aux PME portant seules un projet d’innovation de rupture, aux projets qui s’inscrivent dans les priorités du Green Deal.

Le challenge des relocalisations

Alain Leroy, président du réseau d'entreprises industrielles des Pays de la Loire Neopolia. — Photo : Neopolia

Le souci d’un développement plus durable, conjugué à la mise en évidence, durant la crise sanitaire, de la dépendance de la France envers l’international pour certains approvisionnements, pourrait également contribuer à rééquilibrer les chaînes de sourcing en privilégiant la proximité. Le « Challenge relocalisation » du réseau Neopolia va dans ce sens. Il incite les 240 industriels membres à rechercher au sein du réseau des prestations équivalentes à celles auparavant externalisées, aidés en cela par un animateur du cluster. Une démarche suivie par les industriels du pôle EMC2 qui se sont engagés via un manifeste à relocaliser des technologies européennes clé. Un engagement suivi également par la CCI Pays de la Loire. « Pendant la crise, nous avons mené une grosse réflexion sur le sourcing. Grâce à nos réseaux, nous avons été en mesure de proposer très rapidement des solutions aux chefs d’entreprise du territoire pour trouver des équipements de protection… Nous allons continuer à optimiser la mise en relation et l’intermédiation entre entreprises pour que chacune connaisse les offres des autres et requestionne des chaînes de valeur parfois aberrantes », pointe Philippe Jan.

Reste également pour les entreprises à retrouver des gains de productivité, mis à mal par les mesures de protection sanitaire. Dans cette perspective, le dispositif Dinamic Entreprises proposé par la CCI va être réorienté vers la performance et l’accompagnement des entreprises dans la recherche de nouveaux marchés. Plus que jamais, il faudra pour les dirigeants faire preuve d’agilité.

# Conjoncture