Huit ans après la création de leur entreprise, les trois fondateurs d’Elixir Aircraft voient leur affaire décoller. En 2015, ils sont partis d’un constat : la flotte aérienne dite "de loisir" des aérodromes et des écoles de pilotes est dépassée, à presque cinquante ans d’âge. Elixir Aircraft fait alors le pari de contribuer à remplacer une partie des 160 000 avions de loisirs français par des modèles plus en adéquation avec notre temps : avec sa structure aérodynamique simplifiée en carbone et son moteur spécial rotaxe, leur avion réduit de 66 % la consommation de carburant, et presque autant la maintenance.
Les innovations séduisent les écoles de pilotes et des aérodromes, et désormais les commandes pleuvent. Premiers investisseurs dès la création de l’entreprise, les petits clubs d’aéronautiques français représentent aujourd’hui 50 % des commandes. Mais les plus importantes se sont faites ces derniers mois. Elles devraient faire passer Elixir Aircraft du statut de start-up pesant 828 000 € de chiffre d’affaires en 2022 à une entreprise d’envergure internationale.
Commandes en cascades
La Mermoz Academy et l’Airbus Flight Academy ont commandé respectivement six et quatre avions. L’école d’aviation Sierra Charlie Aviation, basée à Scottsdale (Arizona, États-Unis) leur a emboîté le pas au salon du Bourget en commandant plus de 100 unités, dont 50 en option. Une commande qui tombe à pic, l’Elixir étant en cours de certification aux USA par la Federal Aviation Agency, après avoir obtenu la certification européenne l’an dernier. "L’Europe représente 10 % du marché mondial, les USA 70 %. Là-bas, commander 100 avions d’un coup ne leur fait pas peur, alors qu’on va être à une dizaine d’unités par commandes en Europe", précise Cyril Champenois, l’un des cofondateurs.
Coups de pouce et de projecteur hors du commun, l’entreprise va aussi bénéficier d’une enveloppe de 13 millions d’euros, annoncée par le président Emmanuel Macron au salon du Bourget, au titre du French Tech 2030. La start-up fait partie des 125 entreprises innovantes lauréates du dispositif du ministère de l’Économie, dont sept en Nouvelle-Aquitaine. Ce soutien financier est fait pour "permettre d’augmenter la prise de risque et la part des acteurs émergents".
Pour continuer à se développer à l’international et assurer ses 75 livraisons d’ici 2024, l’entreprise va augmenter sa productivité pour passer progressivement de la construction de deux avions par mois à une trentaine mensuels d’ici dix ans. Un challenge qu’Elixir Aircraft aspire à relever tout en conservant "l’esprit familial de l’entreprise et le bien-être au travail". L’objectif est également de peser face aux sept autres fabricants européens d’avions légers en termes de prix de vente, la plupart des concurrents étant basés dans des pays où la main-d’œuvre est moins chère. "Augmenter la production sans le coût est un vrai challenge, car de nombreuses étapes de confection sont manuelles", précise Cyril Champenois.
De 110 collaborateurs à un millier
La mécanisation n’étant pas une solution, l’entreprise a développé en interne des outils de précision facilitant le travail des techniciens, comme des machines de découpe numérique ou des appareils lasers de placement de fibres "qui permettent plus de rapidité et de précision dans le geste, et donc plus de pièces réalisées à l’heure". L’entreprise va également s’agrandir et recruter – elle recrute déjà une quarantaine de salariés, d’ouvriers qualifiés aux ingénieurs – et prévoit ainsi de passer de 110 collaborateurs à un millier d’ici 2033. La plupart travailleront dans la future usine.
Sa construction doit s’achever d’ici 2025 sur un terrain appartenant à l’État, une ancienne piste en herbe créée par les Allemands durant la guerre, le long de l’aéroport de La Rochelle, à quelques mètres des actuels locaux de la société. Pour éviter de mobiliser des capitaux dans la construction de ses 14 000 m² de bâtiment, la société a confié la maîtrise d’œuvre à la société de BTP Aire Nouvelle, qui a fait elle-même appel à des investisseurs, qui resteront propriétaires des murs. Locataire des lieux, Elixir Aircraft concentrera ses moyens dans les machines. La société a lancé ces derniers mois une levée de fonds qui doit contribuer à un tiers des plus de 40 millions d’euros nécessaires au développement de l’entreprise. Le reste est financé dans le cadre du plan France Relance et par un prêt bancaire.
Compatible avec les biocarburants
Son atout sur le marché de l’aviation civile ? Réduire sans cesse la consommation et le coût à l’usage de ses appareils. Cette spécificité l’impose face à sa concurrence européenne, qui reste dans un modèle de fabrication traditionnelle en métal, avec des motorisations très consommatrices de carburant.
À l’occasion du Salon International de l’Air et de l’Espace au Bourget de juin 2023, la société a révélé son nouveau modèle à propulsion innovante. Développé en collaboration avec Air Liquide, Safran, Daher et Turbotech, le nouveau moteur à turbine de l’Elixir est compatible avec les biocarburants. "Ce carburant à haute densité d’énergie ne change ni la place et le poids des moteurs, ni la formation de pilotes, ni la maintenance, ni les moyens de distribution… et il est déjà distribué sur les aéroports du monde entier", explique Cyril Champenois. L’entreprise continue de plancher sur l’intégration de moteurs à hydrogène, "la technologie n’étant pas assez mature pour l’instant, et trop contraignante en termes de poids et de sécurité". Dans ce cadre, elle est notamment soutenue par la Région Nouvelle-Aquitaine (233 697 euros).
