Coronavirus : pour les dirigeants de PME, le pire reste à venir
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Coronavirus : pour les dirigeants de PME, le pire reste à venir

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Et si le déconfinement n’était que le début des ennuis pour les TPE et PME ? C’est ce que semblent penser les dirigeants d’entreprise interrogés par Bpifrance Le Lab et Rexecode. Relativement sereins pour leur trésorerie actuelle, ils affichent leur pessimisme pour la suite de l’année, aussi bien en termes de croissance que d’investissement et d’emploi. Au centre de leurs craintes : une demande en berne.

Les chefs d'entreprise interrogés par Bpifrance Le Lab et Rexecode redoutent une année 2020 toujours aussi compliquée, même après le confinement. Ils redoutent notamment une absence de débouchés et une demande globalement atone — Photo : David Clarke - Unsplash

Une relativement bonne, et beaucoup de mauvaises nouvelles. La dernière livraison du baromètre trimestriel sur les TPE-PME de Bpifrance Le Lab et Rexecode jette une lumière crue, quoique nuancée, sur la situation des entreprises, désormais en proie à la crise du Covid-19.

Côté positif, la crise de liquidités tant redoutée semble avoir, dans l’immédiat du moins, plutôt épargné les 615 dirigeants interrogés du 20 au 27 avril. Mais plus dure s’annonce le reste de l’année 2020, tant le coronavirus compromet toutes leurs perspectives de développement. Un pessimisme ambiant qui trouve l’essentiel de son origine dans l’incertitude entourant l’évolution de la demande dans le monde de l’après-confinement.

Une trésorerie tendue, mais suffisante

Certes, 82 % des PME prévoient une dégradation de leur trésorerie au cours des trois prochains mois. Une inquiétude aussi brutale que soudaine : le solde d’opinion, mesuré par le baromètre, s’écroule de 77 points en un trimestre. Pourtant, la majorité des entreprises abordent plutôt sereinement le présent : un tiers juge leur trésorerie suffisante pour faire face, quand une autre moitié estime leurs difficultés surmontables. 7 % redoutent, en revanche, de ne pas pouvoir en sortir.

Comment expliquer cette relative tranquillité ? L’étude apporte quelques pistes. Bpifrance Le Lab et Rexecode insistent notamment sur le recours assez large des entreprises aux dispositifs d’urgence du gouvernement. La plupart ont précisément cherché, dès le début de la crise, à préserver leur trésorerie, à l’image du chômage partiel indemnisé par l’État jusqu’à 4,5 Smic (79 % des PME l’ont demandé) ou du report des charges (plébiscité par 58 % d’entre elles).

• L’accès au crédit reste ouvert

Autre élément-clé, le robinet du crédit ne s’est quasiment pas tari. Le pourcentage de répondants déclarant des difficultés à obtenir de leurs banques un financement de trésorerie reste, à 19 %, remarquablement stable par rapport aux deuxièmes trimestres 2018 et 2019. De même, parmi les PME ayant spécifiquement cherché à emprunter pour faire face à la crise, 7 sur 10 disent avoir obtenu au moins les trois quarts de la somme demandée (mais 11 % ont essuyé un refus).

Le prêt garanti par l’État (PGE) n’est sans doute pas étranger à ces facilités, alors même qu’il n’a pas encore réalisé tout son potentiel : 44 % des dirigeants l’ont déjà demandé, 27 % envisagent encore de le faire.

• La tentation des retards de paiement

Moins avouable, en revanche, les PME semblent avoir cédé à la tentation de jouer sur leurs factures pour s’accorder un peu de répit. Les délais de paiement clients « ont fortement reculé », note ainsi le baromètre… quand ceux aux fournisseurs ont eu tendance à s’allonger.

Sombres perspectives pour le reste de l’année

Si les questions de trésorerie n’inquiètent pas outre mesure les PME aujourd’hui, il en va tout autrement de leurs prévisions de croissance, d’investissement et d’emploi pour la suite.

• Ambitions revues à la baisse

Pas de miracle pour le chiffre d’affaires 2020 : il sera en baisse pour 91 % des entreprises. De combien ? Elles sont aussi nombreuses (41 %) à anticiper un affaissement de 10 à 30 % qu’une chute supérieure à 30 %. Et le déconfinement, lancé depuis le 11 mai, n’y changera rien : 6 PME sur 10 s’attendent à un retour à la normale difficile, 1 % pense déjà à la liquidation.

Résultat, l’investissement devrait en pâtir : il est envisagé par 37 % des dirigeants (-18 points en trois mois) et 60 % vont baisser l’enveloppe qui lui était consacrée. Et encore : ceux qui avaient des projets dans les cartons en 2020 ne sont plus qu’un tiers (32 %) à songer à les maintenir. L’emploi résiste à peine mieux (confirmation des embauches prévues dans 36 % des cas).

• Doutes sur le niveau de la demande

Si la crise du coronavirus est généralement présentée comme le résultat d’un double choc, celui de l’offre et de la demande, ce sont pourtant les incertitudes sur cette dernière qui minent le plus les PME à l’heure actuelle.

Le manque de débouchés est la première explication donnée à la baisse attendue du chiffre d’affaires annuel (citée dans 45 % des cas, contre 26 % pour les difficultés d’approvisionnement). Cette même cause est propulsée dans le top 3 des « freins à la croissance » (+19 points en un trimestre), à égalité avec les difficultés de recrutement (29 % chacun). Traditionnellement en tête des préoccupations, l’enjeu des embauches se retrouve balayé par les « perspectives de demande dégradées », mentionnées par les deux tiers des dirigeants (+37 points !).

Preuve que l’hypothèse d’une reprise post-confinement très progressive est partagée par les dirigeants d’entreprise. Ce qui ne devrait pas manquer, si elle se confirmait, de (re)poser, avec davantage d’acuité encore, la question du maintien de leur trésorerie dans la durée.

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