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Congés payés et arrêt maladie : le groupe BS craint une mise en péril des entreprises
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Congés payés et arrêt maladie : le groupe BS craint une mise en péril des entreprises

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Le sujet des congés payés est sur toutes les lèvres parmi les chefs d’entreprise. Anne-Sophie Robin, directrice générale du groupe BS, à Rennes, qui emploie 2 000 salariés, exprime son incompréhension face aux trois arrêts de la Cour de cassation qui pourraient "mettre en péril beaucoup d’entreprises". Elle a fait ses calculs et la note pourrait être bien salée.

Anne-Sophie Robin, directrice générale du groupe BS. La nouvelle obligation pour les entreprises en matière de congés payés inquiète la cheffe d'entreprise — Photo : Virginie Monvoisin

Les congés payés sont actuellement l’un des sujets qui taraudent le plus les chefs d’entreprise. La raison : trois arrêts de la Cour de cassation rendus le 13 septembre 2023, qui remettent en cause plusieurs règles appliquées jusqu’à présent en France. Ils font suite à une directive européenne (en date du 4 novembre 2003) qui instaure notamment l’acquisition de congés payés, sans limite, pour les salariés en arrêt de travail pour maladie non professionnelle, ainsi qu’une prescription du droit à l’indemnité de congés payés. "Cela me révolte, tout simplement !", réagit Anne-Sophie Robin, directrice générale du groupe BS (Bouchers Services), prestataire de services dans la découpe de la viande, basé à Rennes, qui emploie 2 000 collaborateurs dans 70 sites clients en France. Dans son entreprise, 3,5 % des salariés sont en arrêt de travail pour de plus ou moins longues périodes. Ces nouvelles mesures suscitent de l’incompréhension.

Un coût de 500 000 euros sur trois ans

"Il y a une mise en péril de nos entreprises. Ce n’est pas tant le sujet qui m’inquiète mais la façon dont se font les choses, explique la dirigeante. Cela fait treize ans que j’applique la loi qu’on me dit d’appliquer, j’ai géré les recettes, les dépenses, et d’un coup on me dit : "changement de programme !" La rétroactivité de cette décision aurait un coût énorme. Si les salariés qui ont été en arrêt de travail pour maladie non professionnelle sur les trois dernières années réclament leurs congés payés, cela va coûter 500 000 euros à mon entreprise. Cet argent, je ne l’ai pas budgété et les comptes ont déjà été arrêtés." Résultat, cela ferait un gros trou dans la caisse, et autant d’argent non redistribué aux salariés ou non réinvesti. "Cela représente deux ans de participation en moins pour les salariés, car nous aurons forcément moins de bénéfices", poursuit Anne-Sophie Robin. Avec l’inflation, j’essaie de donner plus à mes salariés, ce que je prévois dans mes prix de vente. Je vais devoir les revoir non pas parce que j’ai mal géré, mais parce qu’on me l’impose."

"La valeur travail est remise en question"

Ensuite, le sujet inquiète pour l’avenir. "Nous allons devoir payer ces charges supplémentaires, les budgéter, ce qui diminuera d’autant, voire supprimera, les avantages sociaux." Le groupe BS, qui investit également beaucoup dans la formation de ses collaborateurs, son seul capital (il intervient dans ses usines de ses clients), se retrouverait pénalisé dans sa stratégie même. Pour Anne-Sophie Robin, cette jurisprudence remet également en question la valeur travail. Avec son cabinet d’avocat, elle a fait un autre calcul, comparant les droits à congés payés pour un salarié présent pendant deux ans dans l’entreprise, et un autre en arrêt de travail sur la même période, "ce qui peut arriver, évidemment, il n’est pas question, là, de juger", rappelle la dirigeante. "En travaillant, sur une année le salarié est payé 10 mois et demi et en congés payés 1 mois et demi. En arrêt, un salarié va être indemnisé 365 jours par la sécurité sociale plus un mois et demi de congés payés. C’est juste incroyable que celui qui travaille touche moins que celui qui est en arrêt !"

"C’est du ressort de la solidarité nationale"

Anne-Sophie Robin espère qu’un débat va s’ouvrir à l’Assemblée nationale. D’ailleurs, des organisations patronales comme le Medef 35 ont interpellé l’État pour tenter de limiter ces impacts sur les entreprises. "On a un système de protection sociale lié à la maladie et à la santé qui est l’un des meilleurs, il faut garder cette identité et ce système qui repose sur la solidarité nationale. Or, là, la jurisprudence veut imposer aux entreprises seules de payer. Ce n’est pas juste, et ce n’est pas de notre ressort mais de celui de la solidarité nationale", estime Anne-Sophie Robin.

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