C’est une nouvelle ère industrielle qui s’écrit en Alsace. Une usine de raffinerie du lithium prépare son implantation sur un site de 20 hectares dans la zone portuaire de Lauterbourg, dans le Bas-Rhin. L’usine doit être opérationnelle d’ici 2025 et les quatre cofondateurs projettent, à terme, de produire annuellement 100 000 tonnes de produit fini compatible avec une qualité batterie. La société Viridian Lithium a été créée à Strasbourg à l’automne 2021 pour porter cette ambition pharaonique. Concrètement, l’entreprise va s’approvisionner en sels de lithium issus de l’extraction de sites argentins et chiliens. L’usine alsacienne raffinera et convertira la matière en hydroxyde de lithium, composant pour fabriquer des batteries de grande capacité pour véhicules électriques. Les clients finaux de Viridian Lithium seront ainsi les constructeurs de cathodes, comme le belge Umicore ou l’allemand BASF.
Approvisionnement en Amérique du Sud
Viridian Lithium se présente comme la première usine française à opérer cette technologie, en étant capable d’acheter du lithium impur et de le transformer en produit fini de qualité batteries. "Le lithium n’est pas une ressource rare mais il existe peu de sites d’extraction", explique Rémy Welschinger, l’un des cofondateurs et président de Viridian Lithium, pour justifier l’approvisionnement en matière première sud-américaine. "C’est d’ailleurs le point faible en amont en Europe. Le taux de pénétration des véhicules électriques y est élevé mais l’extraction et le raffinage du lithium sont manquants", précise le dirigeant. Avec sa capacité de production de 25 000 tonnes par an d’hydroxyde de lithium, puis de 100 000 tonnes par an d’ici 2030, Viridian Lithium répondra à la demande pour l’équivalent de deux millions de véhicules électriques. La première année d’exploitation, Viridian Lithium estime pouvoir produire 10 000 tonnes de matière et calcule sa marge à 50 millions d’euros.
165 millions d’euros d’investissement
"L’investissement est évalué entre 135 et 165 millions d’euros pour installer une première ligne de production. À terme, l’usine doit compter quatre lignes de production. Même si le risque inflationniste existe en ce moment en raison de la flambée des coûts de construction, nous comptons sur des économies d’échelle pour les investissements futurs", estime Rémy Welschinger.
Viridian Lithium a déjà réalisé une première levée de fonds en fin d’année 2021 auprès d’investisseurs français et étrangers pour un montant confidentiel. Les cofondateurs restent actionnaires majoritaires et misent sur une deuxième levée de fonds fin 2022 pour boucler le projet préindustriel. Rémy Welschinger prévoit un financement bancaire à hauteur de 50 à 75 % du montant de l’investissement, compte sur des aides des collectivités, de l’État et de l’Europe ainsi que des fonds propres, après un premier soutien reçu de la part du bureau strasbourgeois de Bpifrance pour un montant non communiqué. L’équipe sera composée de 12 collaborateurs en fin d’année
Des appuis techniques
L’entrepreneur a conscience que la jeunesse de la société pourrait faire redoubler de prudence les financeurs. Viridian Lithium s’entoure cependant d’experts et prépare un programme de tests avec Veolia Water Technologies pour valider l’ingénierie des procédés. La société travaille également sur la réalisation d’une étude de faisabilité définitive avec Technip Energies, entreprise cotée en Bourse (15 000 collaborateurs dans 34 pays) qui construit des usines pour assurer la maîtrise d’ouvrage et l’exécution de projets industriels. "Avoir un partenaire technique comme Technip Energies rassure nos financeurs et les acteurs qui accompagnent ce projet", souligne Rémy Welschinger. Viridian Lithium veut compter sur cette étude définitive d’ici mi-2023 pour lancer les travaux. La construction de l’usine générera environ 600 emplois indirects puis, lors de la mise en service, l’usine tournera avec une soixantaine de collaborateurs.
Les quatre cofondateurs (Rémy Welschinger, Michel Péretié, Ryan Parkin et Oryx Management Limited) sont tous implantés à l’étranger. Le choix de s’installer en France et particulièrement à Lauterbourg a été facilité par "la réactivité de Business France, le dynamisme de la Région Grand Est, le travail d’accompagnement de l’agence de développement d’Alsace et l’accord des Ports de Strasbourg (dont fait partie Lauterbourg, NDLR) pour réserver le terrain de Lauterbourg exclusivement à ce projet", se souvient Rémy Welschinger. Le site tri modal (fer, route, fleuve) sera raccordé à la voie fluviale, ce qui permettra le transport des 1 000 à 1 200 conteneurs de matière première par an expédiés d’Amérique latine jusqu’au port de Rotterdam pour leur point d’entrée en Europe.
