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À Toulon, le secteur de la maintenance se mobilise pour attirer des talents
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À Toulon, le secteur de la maintenance se mobilise pour attirer des talents

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Grands donneurs d’ordres, PME ou plus petites entreprises du secteur de la maintenance recrutent. Ils l’ont fait savoir lors de la deuxième édition d’un salon qui leur est dédié et qui s’est déroulé le 2 mars 2023, à Toulon, un territoire qui a profité de l’événement pour revendiquer son attachement à la défense et la maintenance navale.

Les mécaniciens du secteur auxiliaire de la frégate multi-missions Auvergne effectuent une maintenance trimestrielle sur la frigo-air. Le vendredi 04 Décembre 2020, au large de Toulon — Photo : ©Loïc.Bernardin/Marine Nationale/Défense

Une centaine d’emplois sont à pourvoir dans les rangs de la Marine Nationale, 150 sont proposés pour rejoindre l’atelier industriel de l’aéronautique à Cuers (Var), des dizaines de postes en CDI, en alternance ou en stage sont ouverts chez Ennovia à Toulon, Ipsen à Signes, Engie Thermique France, chez Thalès ou encore Veolia pour le Territoire Var Provence Méditerranée. Toutes ces offres ont un point commun : elles sont du ressort de la maintenance, un pan de l’industrie qui recrute et l’a fait savoir lors de la deuxième édition du salon 2MF. "La première édition, en 2022, a donné l’impulsion d’une dynamique de territoire pour que la maintenance soit mieux reconnue. Cette deuxième édition s’est déroulée à l’Université de Toulon. Un choix qui ne doit rien au hasard, la formation étant un pilier majeur d’un écosystème en bonne santé, qui plus est lorsqu’il doit embaucher", confie Eric Joffre, directeur adjoint de l’IUT de Toulon, qui forme 200 jeunes cette année au génie mécanique, au génie électronique et à l’informatique industrielle, au génie industriel et à la maintenance.

Aujourd'hui, les profils de techniciens et ingénieurs dans la maintenance sont rares : s'il est difficile de chiffrer les besoins localement, "nous savons que 70 000 offres de cadres dans l'industrie française ne trouvent pas de candidats. Il y a 20 000 postes à pourvoir dans la maintenance chaque année, mais seulement 10 000 diplômés par an", rappelle Jean-Yves Kbaier, président de de l'Afim Sud Paca, association française des ingénieurs et responsables en maintenance.

Une dizaine de recruteurs étaient présents au Village d'entreprises du Forum Maintenance et proposaient des centaines de postes à pourvoir — Photo : Université de Toulon

Toulon, territoire de Défense, territoire de maintenance

Patrick Valverde, président de TVT Innovation, agence de développement économique de la métropole Toulon Provence Méditerranée, confirme : "Le maintien en condition opérationnelle (MCO) est un métier qui séduit insuffisamment d’ingénieurs et de femmes et il nous faut donc œuvrer pour placer cette discipline sous les projecteurs, et ainsi attirer davantage d’étudiants, voire la création de nouvelles formations sur notre territoire."

Et si l’agence de développement économique s’intéresse au MCO, c’est parce qu’elle constitue le cœur de l'activité d'un poids lourd industriel du territoire, Naval Group, qui emploie plus de 2 000 salariés sur son site toulonnais. Elle est aussi au centre des préoccupations des activités de Défense menées au sein du plus grand port militaire d'Europe. "La maintenance redonne du potentiel aux unités de la Marine, dont la durée de vie varie entre 30 et 40 ans, leur permettant de repartir de plus belle en mission. Le Service de soutien de la flotte (SSF), en qualité de maître d’ouvrage planifie en moyenne 1 milliard d’euros de commandes de maintenance", souligne le contre-amiral Laurent Bechler, directeur du SSF, un service qui emploie 500 personnes, civiles et militaires, dont 140 ingénieurs et 100 techniciens.

"Le service de soutien de la flotte planifie en moyenne 1 milliard d'euros de commandes de maintenance."

Mais la maintenance est partout, permettant aux industries de tourner. Au sein du laboratoire pharmaceutique Ipsen, à Signes (300 personnes, 60 % des 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires du groupe en 2022), un service est ainsi dédié à la maintenance des machines de production en salles blanches, des lignes de conditionnement secondaires, des systèmes informatiques et de tout le reste du site et "grâce à la maintenance prévisionnelle, nous avons constaté 25 % d’arrêt en moins et réalisons une économie de 30 % sur les coûts de maintenance", explique Philippe Jacquetin, directeur de la maintenance globale pour le site varois d’Ipsen.

Des atouts pour attirer des jeunes

Dès lors, "quand on parle transition écologique, quand on parle réparation ou souveraineté, la maintenance est primordiale", rappelle Hervé Stassinos, vice-président de la métropole Toulon Provence Méditerranée.

Éric Joffre, directeur adjoint de l'IUT de Touon et Philippe Jacquetin, directeur Global Maintenance du laboratoire Ipsen — Photo : DR

C’est dire si la maintenance a du sens au sein de n’importe quelle industrie et devrait avoir tous les atouts pour attirer des jeunes. Et pourtant, dès l’entrée dans les études, les formations s’échinent à recruter, comme en témoigne Eric Joffre : "Notre IUT peine aujourd’hui à remplir les bancs de ses formations, alors que les métiers de la maintenance sont partout, qu’ils demandent un engagement fort. Ici à l’IUT, et avec tous les acteurs de l’écosystème, nous devons redorer le blason de l’industrie, faire en sorte que des métiers peu visibles soient mieux compris et mieux perçus, en particulier par les jeunes et leurs parents."

"La maintenance peut séduire ceux qui aiment la graisse et le cambouis, la technologie et l'intelligence artificielle, ou la physique."

Pour tous les acteurs présents, la maintenance adresse en plus un panel très varié : "Cette activité peut séduire ceux qui aiment la graisse et le cambouis, la technologie et l’intelligence artificielle, ou la physique. Elle doit aussi pouvoir attirer des innovateurs car nous intégrons dans nos process de l’impression 3D, la robotisation des tâches, nous innovons dans nos systèmes d’information", confie le contre-amiral Laurent Bechler.

Tous les industriels s’accordent d’ailleurs pour le dire : demain, les techniciens de l’industrie du futur devront avoir une appétence pour les technologies numériques, en plus d’un socle de savoirs de bases. Ils devront être capables de travailler en équipe, mais surtout d’innover et de se réinventer parce que "60 % des métiers des enfants aujourd’hui en maternelle n’existent pas encore", selon Eric Joffre.

Des formations proches du terrain

Alors, les difficultés de recrutement ne sont pas nouvelles dans l’industrie. Mais "désormais, tous les acteurs industriels les subissent et c’est d’autant plus compliqué que l’industrie demande des compétences, qu’il faut du temps pour les acquérir", remarque Thomas Zussa, responsable du développement industriel au sein de l’UIMM Alpes Méditerranée.

Parce qu’il est devenu indispensable de former des personnes, qui sont employables et correspondant aux besoins du territoire, certaines sociétés leur ouvrent leurs portes dès leurs études et n’hésitent plus à intervenir au sein même des formations, à l’image de l’entreprise toulonnaise Ennovia, spécialiste de la maintenance industrielle qui emploie 15 salariés. "Conscients de l’enjeu majeur d’une formation adaptée aux besoins de notre secteur, nous intégrons chaque année des étudiants en stage. Depuis cette année, j’interviens aussi auprès des étudiants de deuxième année du BUT Génie industriel et maintenance", explique Remi Besombes, responsable de projet chez Ennovia. Avec les étudiants, il partage son quotidien professionnel. Il leur a même ouvert les portes d’un site industriel, en l’occurrence la centrale biomasse de Brignoles, et leur a permis de participer à des actions de maintenance dans le cadre d’un travail pratique "grandeur nature". Une démarche forcément gagnante pour l’ensemble de l’écosystème, mais aussi toute l'industrie française.

Les étudiants de l'IUT de Toulon ont pu découvrir le site de la centrale biomasse de Brignoles dans le cadre d'un TP grandeur nature — Photo : DR

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