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Livrenpoche se diversifie pour changer d’échelle
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Livrenpoche se diversifie pour changer d’échelle

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500 000 livres sont aujourd’hui disponibles sur la plateforme e-commerce de Livrenpoche. Pionnier de la vente en ligne de livres d’occasion, il y a 20 ans, la coopérative poursuit son développement. En ouvrant un second site dans le Finistère, Livrenpoche change d’échelle tout en restant un acteur de l’insertion.

Benjamin Duquenne a fondé Livrenpoche il y a 20 ans. Depuis, l’entreprise compte 33 collaborateurs dont une partie est en contrat d’insertion — Photo : Ségolène Mahias

Et si Livrenpoche avait inspiré Amazon ? À tout juste 20 ans, l’entreprise morbihannaise peut attester avoir été le premier site e-commerce à vendre des livres d’occasion quand le géant américain n’avait pas encore exploré ce créneau. Benjamin Duquenne, le fondateur de Livrenpoche, jette un regard amusé sur les deux décennies d’évolution de son entreprise. Solidaire et engagée, Livrenpoche a fusionné avec Book Hémisphères, l’association axée sur l’insertion par l’activité économique de la revente de livres. La structure avait également été créée par Benjamin Duquenne dans le but d’approvisionner Livrenpoche mais aussi d’autres professionnels et surtout de permettre un retour à l’emploi à des personnes qui en étaient éloignées. Les deux entités avaient donc des collaborations étroites de longue date. "Nous avons souhaité nous structurer en Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) pour faire converger nos activités complémentaires et conserver ce modèle social solidaire qui nous animait", précise Benjamin Duquenne, le directeur.

De par ses statuts, la coopérative réinjecte, en interne, ses bénéfices : 15 % sont consacrés à ce qui est défini comme la réserve légale et 85 % sont réinvestis. "Si nous sommes tournés vers l’insertion, nous fonctionnons à 90 % en auto-financement. Ce sont nos valeurs et notre modèle économique." À date, une cinquantaine de personnes sont passées par la structure qui affiche un taux de sortie (formation, CDD de longue durée ou CDI) de 70 %. "L’insertion est parfois mal comprise. Ces personnes doivent être accompagnées, formées, suivies, ce n’est pas toujours simple. Ce travail-là justifie les subventions reçues. Avec l’expérience, nous avons mis en place des outils internes pour mieux accompagner ces personnes."

"Rien ne se perd, tout se transforme"

Aujourd’hui, Livrenpoche n’est plus qu’une seule et même structure établie à Kervignac sur plus de 1 600 m2, après une extension en 2017. Le site héberge aussi la boutique physique de livres qui est ouverte à tous. "Nous sommes désormais 33 dont une douzaine de salariés en insertion." Depuis 2021, la décision a été prise de collecter des livres plus largement que dans le Morbihan. D’une collecte locale basée sur les dons, l’entreprise est passée à une collecte bien plus large et bretonne. Elle s’appuie sur un réseau de 200 partenaires : recycleries, mairies, médiathèques, magasins Biocoop, … auquel s’ajoutent aussi des dons de particuliers. L’initiative fonctionne : l’entreprise est parvenue à passer d’un fonds de 300 000 à 500 000 livres, d’occasion et neufs désormais. "À 60 %, notre sourcing provient de privés." Quelque 100 000 livres rejoignent ainsi les locaux de l’entreprise chaque mois. Ceux qui ne peuvent être remis dans le circuit classique, partent au recyclage dans la Sarthe et en Loire-Atlantique. "Ils servent à fabriquer de la pâte à papier et des boîtes à œufs. Ce recyclage est aussi un engagement car la collecte et le tri manuel ont un coût qui n’est pas couvert dans cette situation. Dans l’entreprise, on aime dire que rien ne se perd, tout se transforme."

Un panier moyen de 20 euros

Historiquement spécialisée dans le livre d’occasion, la plateforme de vente en ligne s’est diversifiée en élargissant la typologie de livres vendus comme avec les mangas mais aussi des CD, DVD et vinyles. "Nous vendons aussi des jeux de sociétés neufs et d’occasion. C’est une façon de toucher un public plus large et de nous faire connaître. Une personne qui achète un jeu, découvrira peut-être un livre et inversement." Ces diversifications sont aussi un moyen d’augmenter le panier moyen. "Il est en moyenne de 20 euros par commande. La vente sur internet, c’est 70 % de notre chiffre d’affaires qui s’est établi à 1,4 million d’euros l’an passé."

Nécessité de développer de nouvelles activités

Misant sur un chiffre d’affaires qui pourrait atteindre 1,6 ou 1,7 million d’euros pour son exercice actuel, Benjamin Duquenne reste mesuré quant à l’avenir. "La période Covid nous a sauvés car elle a été porteuse avec une croissance des commandes et des gains de notoriété. Depuis, la concurrence est rude, des plateformes ont disparu ou disparaissent car il y a une vraie guerre des prix. Certains, qui ne sont pas des pure-player (entreprise exerçant son activité exclusivement sur internet, NDLR) peuvent pratiquer des prix très bas en jouant sur les volumes ou en se rattrapant sur d’autres produits." Là aussi, le dirigent de Livrenpoche tient à rappeler que son entreprise "n’est peut-être pas la mieux disante mais elle pratique un prix juste qui représente le travail réalisé, de la collecte au tri manuel, en passant par la logistique, le stockage ou bien encore l’envoi". La coopérative mise sur la prise de conscience collective de l’intérêt du réemploi et de la seconde main. "Nous augmentons aujourd’hui notre volume de livres pour pallier la baisse des marges. Elles ont été grignotées depuis 20 ans pour être très très faibles aujourd’hui." S’ajoutent à cela des coûts qui augmentent comme ceux du carton, incontournable pour expédier les ouvrages. "La hausse des prix des cartons est de 60 %. Nous en recyclions déjà, nous allons poursuivre en en collectant. C’est déjà lancé dans notre environnement proche."

Le marché de la décoration

La structure dans son ensemble entend être combative et actionner des leviers. La vente aux professionnels, en lots, se poursuit, de même qu’une présence sur un plus grand nombre de marketplace. Elle explore aussi des marchés de niche comme celui de la décoration. "Nous avons des demandes d’hôtels qui veulent un fond important de livres sur le thème de la Bretagne par exemple ou 3 mètres de livres de couleur bleue." Parmi ses références, Livrenpoche compte la marque Sonia Rykiel qui lui a passé commande de milliers de livres pour décorer plusieurs de ses boutiques.

Grandir pour accélérer, l’idée fait du chemin. S’appuyant sur 50 sociétaires, représentant 4 collèges (fondateurs, salariés, bénéficiaires et partenaires), la coopérative n’exclut pas d’élargir ses rangs pour asseoir ses bases et rayonner plus largement.

Enfin, son expertise de l’insertion et du réemploi devrait lui permettre prochainement de se lancer sur d’autres marchés. "C’est en cours, nous devrions pouvoir prochainement en parler."

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