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Tricotage des Vosges : "Pour produire en France, il faut investir en permanence dans l’outil de production"
Interview Vosges # Industrie # Investissement

Vincent Marie dirigeant de Tricotage des Vosges "Pour produire en France, il faut investir en permanence dans l’outil de production"

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Installée au cœur des Vosges, l’entreprise Tricotage des Vosges (24 M€ de CA, 240 salariés), dirigée par Vincent Marie, tricote 6 millions de paires de chaussettes par an pour ses marques Bleuforêt et Olympia. L’entreprise finalise le renouvellement de son outil de production et continue le développement de son propre réseau de boutiques.

Vincent Marie, dirigeant de la société Tricotage des Vosges — Photo : JF HAMARD

Comment Tricotage des Vosges maintient-il un avantage à produire en France dans un marché où 95 % des chaussettes achetées sur le territoire sont importées ?

La maîtrise du savoir-faire du tricotage, de la production et des timings qui en découlent, permet de maintenir une production en France plutôt qu’à l’étranger. Pour cela, il faut maintenir un outil industriel performant. Nous avons investi 600 000 euros par an en moyenne sur les 8 dernières années pour renouveler 205 des 220 métiers à tricoter du site de production de Vagney (Vosges). C’est un investissement continu pour intégrer une évolution technologique majeure dans le tricotage apparue il y a dix ans : des métiers à tricoter capables de faire le remaillage de la pointe des chaussettes en maille à maille, ce qui garantit une qualité supérieure. Nous avons aussi développé un robot en propre pour automatiser certains processus de finition pour nos grandes séries. Si on fait le choix de produire en France, il faut investir de manière permanente pour assurer une qualité supérieure qui justifie une fabrication locale, et un haut niveau de service. Nous avons 28 exercices bénéficiaires, un endettement faible, ce qui nous permet d’investir avec régularité.

Comment les modes de distribution de Tricotage des Vosges ont-ils évolué et quelles sont les perspectives ?

Nous avons une vingtaine de commerciaux en France et une dizaine à l’étranger pour assurer la distribution BtoB. Il y a quelques années, j’ai trouvé de plus grandes contraintes à se faire distribuer, et on a vu certains distributeurs en difficulté récemment. Pour pallier une éventuelle faiblesse de la distribution, nous avons décidé d’investir dans la vente en direct avec un site web, et un réseau de 14 boutiques en propre. Aujourd’hui, sur les 24 millions d’euros de chiffre d’affaires de Tricotage des Vosges sur le dernier exercice, 4 millions d’euros se font via notre propre réseau. Nous continuons de développer des boutiques, mais l’équilibre de chaque point de vente nécessite un emplacement de premier choix et un loyer pas trop élevé. L’objectif n’est pas de faire une croissance fulgurante mais d’assurer une rentabilité de chaque investissement.

Tricotage des Vosges tient son nom du savoir-faire et du territoire. Quelle est l’importance de l’ancrage local pour l’entreprise ?

Nous avons passé un audit de résonance territoriale, pour mesurer l’impact de Bleuforêt sur l’économie locale. Mais, même avec la volonté d’avoir un ancrage local le plus fort possible pour des intrants importants, c’est quasi impossible. Par exemple, les métiers à tricoter viennent d’Italie, les fils d’Espagne, d’Italie ou d’Allemagne. Nous faisons le choix du plus proche, mais le 100 % local n’est pas encore possible. Après, il faut faire preuve de bon sens. Si vous habitez quelque part et que vous ne faites pas fonctionner les commerces de quartier, il ne faut pas s’étonner qu’ils disparaissent. Le prix ne doit pas guider chaque décision. Par exemple, en distribution e-commerce, j’ai toujours souhaité travailler avec La Poste, qui a un vrai ancrage local. On me propose souvent de gagner quelques centimes par colis, mais je préfère favoriser l’ancrage local de mon partenaire plutôt qu’un prix plus bas.

Le site de production à Vagney compte 220 métiers à tricoter — Photo : DR

Comment Tricotage des Vosges fait-il face aux évolutions sociales et aux difficultés de recrutement ?

Sur les trois dernières années, il a été plus difficile de faire des choses, l’économie en stop and go ne permettait pas de se projeter sereinement. Puis, il y a eu de profonds changements dans les habitudes des gens. Il y a plus de facilité, en cas de contraintes, à ne pas aller travailler ou à changer plus souvent de travail. Ce n’est pas un problème en soi, et on doit piloter avec ces paramètres en tant que dirigeant. Mais il faut accepter le revers de la médaille, notamment sur les coûts de production, accepter le coût social qui se retrouve in fine dans le prix des produits. L’inflation ne sort pas de nulle part. Il en va de même avec les considérations écologiques. Par exemple, cet été nous allons mener des travaux sur notre barrage (Tricotage des Vosges produit 50 % de son électricité avec une turbine hydroélectrique, NDLR) pour installer des passes à poissons afin d’assurer la continuité écologique. C’est un montant de 350 000 euros porté par notre entreprise. Il faudra accepter que cet investissement non productif, d’une certaine façon, se retrouve dans le prix des chaussettes. Et c’est normal. Les choix que nous faisons doivent être intégrés dans notre manière de consommer.

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