UNFE : « Il faut relancer la pratique du football en entreprise »
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Daniel Teste secrétaire de l'Union nationale du football entreprise UNFE : « Il faut relancer la pratique du football en entreprise »

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Les meilleures nations du football se disputent la Coupe du monde du 14 juin au 15 juillet en Russie. Si le ballon rond est le sport populaire par excellence, sa pratique dans le monde du travail est en perte de vitesse depuis plusieurs années. Mais le foot entreprise veut rebondir. Point d'étape avec Daniel Teste, secrétaire de l'Union nationale du football entreprise et dirigeant de l'AS Orange Issy-les-Moulineaux.

Le secrétaire de l'Union nationale du football entreprise (UNFE) Daniel Teste, au centre, est également très impliqué sur les terrains, en tant que dirigeant de club et, parfois aussi, arbitre — Photo : AS Orange Issy-les-Moulineaux

Le Journal des Entreprises : La Coupe du monde va faire entrer le football dans les entreprises du 14 juin au 15 juillet. Mais où en est la pratique du foot en entreprise aujourd'hui ?

Daniel Teste : Le foot entreprise existait dès 1923 et s'est beaucoup développé dans les années 1980. Certains clubs professionnels actuels sont d'ailleurs nés sur les bases d'une entreprise, à l'image de Saint-Etienne (Groupe Casino, ndlr), Sochaux (Peugeot, ndlr) ou Lorient (magasin de mareyage de "Madame Cuissard', ndlr). A l'époque, on appelait cela le "foot corporatif". Après la Deuxième Guerre mondiale, les comités d'entreprise (CE) naissants ont créé des équipes de compétition. C'est sur cette base que le foot entreprise a prospéré, au point que le nombre de licenciés étaient pratiquement de 80 000 en France dans les années 1980. Aujourd'hui, on est tombé à 17 000 et la pratique en entreprise n'existe plus, officiellement, qu'à travers un volet compétition qui a du mal à survivre.

Comment expliquez-vous ce déclin ?

D. T. : Avec la crise économique, les entreprises ont mis moins d'argent dans ce genre d'activité et les CE eux-mêmes se sont orientés vers des propositions plus individualistes. Je le déplore et l'ai vécu chez Orange (Daniel Teste est retraité du groupe de télécoms, ndlr) : les comités d'entreprise sont devenus des machines à fournir des prestations individuelles. Plus rien n'est fait en direction du lien social. On est passé dans de la pure consommation. Les CE ont lâché l'aspect social de leur mission en se disant : « les gens veulent de l'individuel, alors on va leur donner des sous et ils vont se débrouiller avec. »

« Plus rien n'est fait, dans les comités d'entreprise, en direction du lien social et des activités collectives, comme le football. »

La crise a aussi compliqué l'embauche de footballeurs dans les entreprises. Elles ne peuvent plus donner du travail aux joueurs, comme elles le faisaient avant. Enfin, la Fédération française (FFF) a progressivement laissé tomber le football d'entreprise. Elle a préféré mettre l'accent sur la féminisation et la pratique en salle, où elle a dû sentir un potentiel de licenciés important.

Que peut apporter la pratique du foot à l'entreprise qui décide de monter un club en interne ?

D.T. : Les bénéfices sont surtout qualitatifs. De nombreuses études démontrent que le sport en entreprise présente un intérêt pour l'employeur, en termes de baisse de l'absentéisme et des arrêts maladie. Le football peut aussi être un moyen d'intégration pour les nouveaux venus et une sorte de tremplin pour mettre en relation les gens en interne. C'est l'occasion de mélanger les hommes et les femmes, remettre des anciens avec des jeunes, faire tomber les barrières hiérarchiques et rassembler l'entreprise entre midi et deux sur une activité ludique... Si votre CE propose de la sophrologie, c'est sympa, mais en termes de lien social, c'est zéro complet !

Orange, par exemple, organise, depuis neuf ans, un tournoi entre ses filiales. La dernière édition, à Casablanca, au Maroc, opposait 18 équipes de 9 pays, soit 200 joueurs. Ce sont des gens qui travaillent souvent entre eux, d'un pays à l'autre. Ils se sont retrouvés sur ce tournoi et ont noué des liens différents, plus forts.

« Le foot entreprise est l'occasion de rassembler les salariés sur une activité ludique, c'est un tremplin pour les faire entrer en relation. »

Enfin, le foot permet aux entreprises engagées de tisser des liens entre elles et de communiquer à l'extérieur. C'est ce que fait, par exemple, Ressorts Masselin, près de Rouen. Le PDG se sert du club pour montrer le dynamisme de son entreprise. Et si l'équipe obtient, en plus, des résultats sur le terrain sportif, elle pourra compter sur quelques retombées dans la presse locale, mais aussi auprès des maires, car ces équipes portent l'image de leur ville extra-muros.

Orange organise depuis neuf ans un tournoi de football entre ses filiales. Ici, l'édition 2018 à Casablanca, au Maroc — Photo : Daniel Teste

Depuis 2016, l'UNFE se bat auprès de la FFF pour relancer le football en entreprise. Où en êtes-vous ?

D.T. : Nous avons présenté toutes nos idées pour relancer le foot entreprise dans un rapport, réalisé avec la Ligue de football amateur (LFA). La Fédération, réunie en assemblée fédérale le 2 juin, a retenu une partie de nos propositions. Deux volets différents vont être traités. La coupe nationale actuelle va être revitalisée. Mais il s'agit aussi de développer de nouvelles pratiques, avec des cibles différentes (jeunes, anciens, femmes, etc.). Il est donc prévu de mettre en place des référents du foot entreprise sur tout le territoire. L'idée est qu'ils aillent dans les entreprises pour leur expliquer l'intérêt de créer une activité ludique, basée sur le football, et qu'ils puissent leur proposer un catalogue de prestations et d'outils que nous devons encore imaginer. Un district-pilote, en Gironde, devrait s'engager sur cette voie prochainement.

« L'idée est désormais d'envoyer des référents dans les entreprises pour leur expliquer l'intérêt de créer une activité ludique, basée sur le football. »

Je revois le président de la LFA Marc Debarbat le 18 juillet, pour dresser une feuille de route claire. La balle est dans leur camp : l'UNFE est arrivée au bout de sa démarche de proposition. Maintenant c'est à eux, avec leurs moyens et leurs réseaux, d'impulser la dynamique. L'UNFE accompagnera et soutiendra le mouvement. On espère qu'ils voudront construire avec nous quelque chose de sérieux et de positif à présenter aux entreprises. Mais j'ignore jusqu'où ils voudront aller en termes de ressources et de volonté. On est en phase de construction, mais ces derniers développements sont positifs. La machine a redémarré, maintenant il faut qu'elle avance !

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