Relance : comment l'État compte renforcer les fonds propres des entreprises
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Relance : comment l'État compte renforcer les fonds propres des entreprises

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Le gouvernement a réservé 3 milliards d’euros de son plan de relance au renforcement des fonds propres des entreprises. Une première action en ce sens vient d’être lancée, avec la création d’un label pour les fonds d’investissement engagés sur cette voie. L’outil principal de cette stratégie, les prêts participatifs, eux, se font attendre. Il y a pourtant urgence à aider les entreprises à surmonter le "mur de la dette".

Le gouvernement se fixe un objectif de 20 milliards d'euros de prêts participatifs accordés aux entreprises d'ici 2022. Mais cet instrument de quasi-fonds propres ne sera pas disponible avant le premier trimestre 2021 — Photo : ©successphoto - stock.adobe.com

Il faut sauver les fonds propres des entreprises. Après s’être mobilisé pour préserver leur trésorerie dans l’urgence du confinement, le gouvernement cherche désormais à reconstituer leurs capacités financières, éprouvées par la crise du Covid-19. Le plan de relance consacrait 3 de ses 100 milliards d’euros à cet objectif, à travers deux actions distinctes. La première a été lancée le 19 octobre, la seconde attendra le premier trimestre 2021.

Un label de la relance pour attirer les investisseurs

Premier levier actionné par Bercy, la création d’un label "Relance", attribué aux fonds d’investissement capables de "mobiliser rapidement des ressources nouvelles" pour les entreprises, cotées ou non-cotées. Dans ce dernier cas, ils pourront bénéficier d’une garantie d’État, à hauteur d’1 milliard d’euros.

Pour obtenir cette nouvelle estampille, les fonds devront respecter un certain nombre de critères, en particulier : compter au moins 10 % de PME et petites ETI dans leur portefeuille ; "s’efforcer de participer à des opérations d’augmentation de capital organisées par des entreprises françaises" et, plus généralement, accroître leurs investissements sur la période 2020-2022 ; ou encore "se fixer des objectifs en matière environnementale, sociale et de bonne gouvernance" (ESG). À ce titre, le financement d’activités liées au charbon disqualifie d’office un candidat à la labellisation.

• L’épargne des Français en ligne de mire

Précision importante, cette mesure ne se limite pas qu’au capital-investissement. Pour irriguer les entreprises en argent frais, le gouvernement compte canaliser une partie de l’épargne des Français vers le tissu économique national. Il faut dire que la manne thésaurisée depuis le confinement est conséquente : 87 milliards d’euros à ce jour, a indiqué le ministre de l’Économie Bruno Le Maire.

Les fonds labellisés "Relance" pourront donc être aussi souscrits par des particuliers, dans le cadre de supports d’épargne grand public (assurance-vie, PEA, PER, etc.). Banques et assurances ont déjà promis, par le biais de leur fédération respective, de faire entrer ces produits dans leur gamme de placements.

Cette démarche s’inscrit dans la droite ligne de deux initiatives récemment prises par le gouvernement pour faciliter l’investissement des Français dans les PME.

Des prêts participatifs prometteurs, mais en construction

L’autre mécanisme prévu dans le plan de relance, les prêts participatifs, ne sera pas lancé avant le premier trimestre 2021. Ils doivent en effet encore être validés par l’Union européenne et coconstruits avec les banques françaises. Ils présentent pourtant de nombreux avantages : considérés comme des quasi-fonds propres, ils ne nécessitent ni valorisation préalable, ni changement de gouvernance ou d’actionnariat, rappelle le gouvernement.

• Un objectif de 20 milliards d’euros pour les entreprises

Faute de pouvoir lancer la machine, Bercy revoit au moins les ambitions de ce dispositif à la hausse. À l’origine, il était prévu de l’adosser à une garantie publique de 2 milliards d’euros, dans l’espoir d’atteindre 10 à 20 milliards d’euros de prêts aux entreprises. Un engagement insuffisant au regard des enjeux, avait jugé, entre autres, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Dont acte : le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a décidé d’inverser la logique. Désormais, il fixe un objectif ferme de 20 milliards d’euros d’encours d’ici à fin 2022 et promet d’adapter le montant de la garantie de l’État en conséquence – quitte à aller au-delà des 2 milliards initialement annoncés.

• Des prêts sélectifs, réservés aux sociétés « viables »

À quoi ressembleront ces prêts participatifs ? Quelques détails ont filtré. Ils seront disponibles à travers les réseaux bancaires, d’une maturité supérieure à sept ans et à "un coût abordable pour les entreprises". Mais toutes n’y auront pas droit, prévient déjà le président de la Fédération bancaire française Philippe Brassac.

Cet outil, destiné à les « re-doter en capital », sera réservé à celles « qui ont un vrai potentiel de rebond mais ont été pénalisées sur l’exercice parce qu’elles n’auront pas réalisé les bénéfices habituels ou auront été dans des situations déficitaires. » Priorité donc aux entreprises « qui n’ont pas de problème de viabilité ».

Pour les plus en difficulté, le gouvernement rappelle que les dispositifs alternatifs mis en place au printemps (prêts directs aux entreprises de moins de 50 salariés, avances remboursables et prêts bonifiés pour les PME, Fonds de développement économique et social pour les ETI) seront maintenus au moins jusqu’au 30 juin 2021.

Un enjeu commun : briser le mur de la dette

La question du renforcement des fonds propres des entreprises est un chantier vital pour l’économie française. Dans l’urgence de la crise sanitaire, le sujet a longtemps été relégué au second plan : priorité a d’abord été donnée au maintien des trésoreries et à la lutte contre les faillites. Mais à présent, le retour de bâton pourrait s'avérer violent pour les entreprises.

Dispositifs clés du soutien public, les prêts garantis par l’État (prolongés jusqu’au 30 juin 2021) et les reports de charges (réactivés en octobre et novembre) représentent aujourd’hui près de 150 milliards d’euros, soit "environ 25 % de la valeur ajoutée annuelle des TPE et PME", a calculé l’OFCE. La Banque de France parvient à un chiffre similaire (152 Md€) dans son évaluation de l’endettement brut des entreprises (hors dettes fiscales et sociales) entre mars et juin. Dès le début de l’été, elle s’émouvait d’ailleurs déjà des risques que pouvait faire peser cette situation sur l’économie française.

De fait, les réponses immédiates à la crise ont contribué à ériger un "mur de la dette", sur lequel menacent désormais de se fracasser la solvabilité des entreprises et leurs capacités d’investissement. Et, avec elles, les espoirs d’une relance solide.

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