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Pour les partenaires sociaux, le passe sanitaire en entreprise apporte plus de questions que de réponses
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Pour les partenaires sociaux, le passe sanitaire en entreprise apporte plus de questions que de réponses

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Le passe sanitaire va-t-il être imposé à l’entrée de toutes les entreprises ? Lancée à la surprise générale par le gouvernement, l’idée fait son chemin. Mais elle soulève une foule de questions du côté du patronat, comme des syndicats. Et suscite, pour l’instant, très peu de réponses de la part de l’exécutif.

Le passe sanitaire pourrait bientôt être exigé à tous les salariés de France, et plus seulement à ceux des lieux recevant du public, comme les restaurants — Photo : laurencesoulez - stock.adobe.com

Faudra-t-il un passe sanitaire, en 2022, pour pouvoir travailler ? Le gouvernement réfléchit en tout cas à imposer à tous les salariés français la présentation d’un QR code à leur employeur. À l’issue d’une première réunion sur le sujet avec les partenaires sociaux, le 20 décembre, la ministre du Travail Élisabeth Borne a admis que "rien [n’était] acté à ce stade". Mais les discussions vont se poursuivre. Et le gouvernement va devoir apporter des réponses aux (très) nombreuses questions que son initiative n’a pas manqué de soulever dans les rangs du patronat comme des syndicats.

Le passe sanitaire en entreprise, une mesure inattendue

L’idée du passe obligatoire en entreprise a en effet de quoi surprendre. D’abord par son timing : lancée par le ministre de la Santé Olivier Véran, elle a surgi, le 18 décembre, en plein premier week-end des vacances de Noël… mais, surtout, au lendemain d’une conférence de presse de Jean Castex sur l’épidémie de Covid-19. Le chef du gouvernement n’avait alors pas dit un mot des règles en entreprise. Ni sur le télétravail, ni, et encore moins, sur le passe sanitaire.

La mesure interroge, ensuite, sur sa faisabilité. Selon les syndicats, le projet qui leur a été présenté consiste à demander aux salariés de faire la preuve, à leur arrivée sur leur lieu de travail, de leur vaccination complète contre la maladie ou d’un dépistage négatif de moins de 48 heures. Ils pourraient, sinon, avoir la possibilité de réaliser un autotest.

En dehors de ce dernier cas, il s’agirait donc, peu ou prou, d’étendre à plus de 25 millions de personnes une contrainte jusqu’ici imposée à 1,8 million d’entre elles. Depuis le 30 août en effet, le personnel des bars, restaurants ou lieux culturels doit présenter un passe sanitaire valide, dès lors qu’il est en contact direct avec le public. À l’époque, la mesure s’expliquait par un souci de cohérence (appliquer la même règle aux clients et aux salariés). Aujourd’hui, elle participe d’une volonté, désormais assumée, d’obligation vaccinale, en pleine cinquième vague épidémique et sous la menace du variant Omicron.

Les multiples questions que soulève cette nouvelle contrainte

Problème : ce changement d’échelle ne va pas de soi. Le gouvernement a pu s’en rendre compte, au vu du nombre des questions soulevées par les partenaires sociaux. Qui contrôlera le passe ? À quel moment et à quelle fréquence ? Qu’en est-il des salariés en déplacement ou des intervenants ponctuels (intérimaires, prestataires, freelances…) ? Qui paiera les tests des personnes non-vaccinées ? Comment, dans tous les cas, préserver le secret médical, qui s’impose à l’employeur ?

Ce n’est pas tout. Qui dit obligation, dit sanctions, en cas de non-respect. Oui, mais lesquelles ? La procédure actuelle prévoit, pour l’entreprise qui ne contrôle pas les passes, une mise en demeure, pouvant déboucher sur une fermeture administrative. Voire, pour les récidivistes, jusqu’à 45 000 euros d’amende et un an de prison. Qu’en sera-t-il demain ? Pas de réponse dans l’immédiat.

Côté salariés, en revanche, le gouvernement exclut tout licenciement pour défaut de QR code, selon Force ouvrière. Mais il avait déjà dû se résoudre à abandonner cette sanction l’été dernier. Et rien ne dit qu’il renoncera à la suspension sans rémunération du contrat de travail, telle qu’elle s’applique aujourd’hui dans les secteurs concernés par la mesure. Ce qui pose inévitablement la question des relations au travail. "Nous voulons éviter que le dialogue social ne se grippe entre salariés et employeurs", a prévenu le président de la CPME François Asselin, sur France Info. La veille, sur la même antenne, le vice-président de l’Association nationale des DRH Benoît Serre avouait son désarroi : "Cette obligation créerait un nouveau problème de fonctionnement de l’entreprise." Ce que confirme une enquête de la direction statistique du ministère du Travail lui-même. Elle indique qu’en septembre et en octobre, le passe sanitaire et l’obligation vaccinale, dans les établissements où ils s’appliquaient, avaient "[engendré] des perturbations dans leur activité dans 24 % des cas".

Pour atténuer ces difficultés, le télétravail pourrait-il alors être proposé aux personnes réfractaires ? Là aussi, l’incertitude demeure, "sachant que le distanciel doit faire l’objet d’un double volontariat, de l’employeur et du salarié", relève encore Catherine Pinchaut (CFDT), à la radio, avant d’ajouter une autre problématique : "Il faut quatre semaines pour avoir un schéma vaccinal complet. Que se passe-t-il dans ce laps de temps pour le travailleur ?"

Le renforcement du télétravail comme sérieuse alternative

Bref, la liste des interrogations est longue, et Élisabeth Borne l’a bien compris. La ministre a noté, à l’issue de la réunion, que les syndicats étaient opposés au passe sanitaire en entreprise et le patronat "réservé", et dubitatif quant à son applicabilité.

Les consultations vont toutefois se poursuivre, car le gouvernement cherche désespérément des solutions pour contrer la cinquième vague du Covid-19. De l’aveu de plusieurs participants à la réunion du jour, deux font d’ores et déjà l’unanimité contre elles : le reconfinement et le télétravail intégral. Mais le ministère du Travail n’a pas dit son dernier mot sur le distanciel non plus. Il pourrait en effet exiger des entreprises de le porter à 3 ou 4 jours par semaine, contre 2 à 3 jours jusqu’à présent. Une mesure beaucoup plus simple à mettre en œuvre, même si, elle aussi, reste, à l’état de simple réflexion pour le moment.

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