Passe sanitaire obligatoire : le gouvernement fait plusieurs concessions aux entreprises
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Passe sanitaire obligatoire : le gouvernement fait plusieurs concessions aux entreprises

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Passe sanitaire étendu, vaccination obligatoire… le dernier projet de loi sanitaire du gouvernement met en place, à une échelle inédite, des outils jusqu’ici peu utilisés dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19. Derrière la fermeté affichée, l’exécutif a dû se résoudre à lâcher un peu de lest par rapport à ses ambitions initiales. Principales bénéficiaires de ces ajustements : les entreprises, bientôt chargées de contrôler le passe sanitaire de leurs clients et salariés.

Parmi les nouvelles mesures du gouvernement contre le Covid-19, l'extension du passe sanitaire est celle qui a le plus évolué, depuis son annonce par Emmanuel Macron, le 12 juillet — Photo : Mat Napo - Unsplash

Après la fermeté, la flexibilité. Le gouvernement a présenté, le 19 juillet au soir, le projet de loi chargé de décliner les mesures de lutte contre le Covid-19 dégainées une semaine plus tôt par le président Emmanuel Macron.

Sur le fond, les volontés présidentielles sont respectées : face à la "quatrième vague" de l’épidémie et un variant Delta qui "contamine à la vitesse de l’éclair", a affirmé le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, l’obligation de vaccination et l’extension du passe sanitaire s’imposent comme des "mesures fortes, fermes […] qui ont fait leur preuve pour endiguer le virus". "Nous allons au bout de notre logique du 'freiner sans fermer'", martèle-t-il. Pour autant, l’exécutif a été contraint à quelques assouplissements, à la demande du Conseil d’État, mais aussi sous la pression des acteurs économiques.

Le passe sanitaire ajusté pour les entreprises

Avant les concessions, les confirmations : jusqu’ici limité aux voyages et rassemblements de plus de 1 000 personnes, l’usage du passe sanitaire se voit grandement étendu, et ce en deux temps.

- Sursis pour les salariés, rodage pour les employeurs

Quel sera le calendrier d’application ? Dès le 21 juillet, les lieux de loisirs et de culture, d’une capacité d’accueil de plus de 50 personnes, devront demander ce document à leurs clients majeurs. C’était déjà le cas pour les discothèques, ainsi que les bars et restaurants dansants de même taille. C’est désormais officiellement acté, ce 20 juillet, avec la publication d’un simple décret qui abaisse les seuils jusqu’ici prévus et intègre de nouvelles activités dans le dispositif.

Pour la suite des événements, il faudra attendre l’adoption et la promulgation du projet de loi tout juste présenté - ce devrait être fait début août. Dès lors, le passe sanitaire sera également exigé à l’entrée des petits établissements culturels et de loisirs, mais aussi dans les restaurants, bars, certains centres commerciaux (avec des exceptions possibles, voir ci-après), "transports publics de longue distance sur le territoire national" et établissements de santé et (médico-) sociaux (pour les visiteurs et les patients en soins programmés).

À noter que, dans tous les cas, les mineurs sont dispensés du passe jusqu’au 30 août, avait indiqué le ministre de la Santé Olivier Véran, le 13 juillet.

Quels délais pour les salariés ? Comme annoncé, les salariés de toutes ces entreprises auront un délai supplémentaire, jusqu’au 30 août donc, pour se conformer eux-mêmes à cette nouvelle obligation.

Sur son site d’information sur le coronavirus, le gouvernement rappelle toutefois que, pour respecter cette échéance, "leur première injection [de vaccin] devra être réalisée au plus tard le 1er août". Sans quoi, ils devront se faire tester au Covid-19 tous les deux jours pour pouvoir aller travailler à la rentrée.

Et pour les employeurs ? Fait nouveau, et geste supplémentaire envers les entreprises, une "période de rodage" leur sera accordée "dans un premier temps". Elle "permettra, plutôt que des contrôles et des verbalisations, de faire de l’accompagnement dans l’utilisation et le déploiement de l’outil", a expliqué Gabriel Attal.

« Il ne faut pas considérer que cette période de rodage reporte la date d’entrée en vigueur du passe sanitaire. »

Combien de temps durera cette phase de tolérance ? Là non plus, ce n’est pas très clair : une semaine, ou davantage, mais moins d’un mois, a louvoyé le porte-parole du gouvernement [EDIT : ce sera finalement bien une semaine]. Une chose est sûre : "Il ne faut pas considérer que cela reporte la date d’entrée en vigueur du passe sanitaire" pour les clients.

Et au fait, jusqu’à quand le passe sanitaire existera-t-il ? En théorie, jusqu’au 31 décembre 2021, puisque le régime transitoire de sortie d’état d’urgence sanitaire, qui autorise cette mesure contraignante, sera prolongé jusqu’à cette date. En pratique, ce sera "autant que nécessaire pour limiter la circulation du virus dans des lieux qui brassent un certain nombre de personnes".

- Des dérogations pour les centres commerciaux

Quel est le problème avec les centres commerciaux ? À l’origine, leur cas était simple : le passe sanitaire devait s’appliquer à tous sans distinction, dixit Emmanuel Macron. Puis seulement à ceux de plus de 20 000 m², avait précisé son ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Sauf que le Conseil d’État n’a pas vraiment apprécié la mesure. Ce sera donc un peu plus compliqué que prévu.

Il y aura bel et bien un seuil, fixé par décret - probablement 20 000 m². Mais tous les centres au-delà de cette superficie ne seront pas concernés pour autant.

Le Conseil d’État s’est en effet inquiété que des citoyens soient empêchés, à cause de cette contrainte sanitaire, d’accéder à des produits de première nécessité (nourriture, médicaments). D’où l’ajout d’un nouveau critère, détaillé par Gabriel Attal : "Si, dans un bassin de vie donné, ces produits [essentiels] ne sont accessibles que dans un grand centre commercial, il n’y aura pas d’utilisation du passe" sur ce site. La décision sera donc prise au cas par cas, avec le concours des préfets et élus locaux. Reste à définir ce qu’est un "bassin de vie"... Pour les autres établissements, le contrôle du document devrait se faire à l’entrée du centre, et non devant chacune de ses boutiques.

- Une échelle de sanctions (légèrement) revue à la baisse

Quels risques pour l’entreprise qui refuse ou omet de contrôler le passe sanitaire ? Là encore, le gouvernement fait un pas vers les entreprises. C’est que les lourdes punitions, envisagées à l’origine, commençaient à sérieusement échauffer les esprits au sein du patronat. Dont acte : les sanctions seront plus progressives… mais les peines maximales, elles, sont bel et bien maintenues.

Ainsi, la première infraction sera punie d’une "contravention de 5e classe, jusqu’à 1 500 euros pour une personne physique, 7 500 pour une personne morale". En cas de récidive, c’est-à-dire au troisième abus constaté, "on passe à un délit, qui peut aller jusqu’à un an d’emprisonnement" et une amende maximale de 9 000 euros, pour un particulier, ou 45 000 euros, pour une entreprise. Soit le même plafond qu’initialement proposé.

Et pour les salariés réfractaires à présenter leur passe ? Le porte-parole du gouvernement n’a dit mot sur ce sujet. Mais le ministère du Travail avait déjà défriché le terrain avec les partenaires sociaux, le 16 juillet. La procédure de sanction prévoit ainsi un entretien préalable, puis une suspension de deux mois, avant de laisser place à un possible licenciement [EDIT : de multiples alternatives sont toutefois prévues, avant d'en arriver à des mesures disciplinaires, a précisé Élisabeth Borne, par la suite].

Quelles contreparties à cette obligation pour les entreprises ? Aucune. Malgré les craintes des professionnels des secteurs concernés pour leur chiffre d’affaires, le gouvernement n’entend pas faire bouger ses dispositifs d’aide. Il s’en tient à sa clause de revoyure de la fin août. Mais Gabriel Attal dit aux entreprises, "droit dans les yeux : évidemment que les aides continueront à s'appliquer, que nous ferons du sur-mesure". En attendant, il les invite à "s'inscrire" au fonds de solidarité... mais oublie de préciser que ses conditions d’accès ont été nettement resserrées pour la période juin-juillet.

L’obligation vaccinale confirmée telle quelle

Qui est concerné ? Voilà au moins un sujet sur lequel rien n’a changé depuis l’allocution d’Emmanuel Macron le 12 juillet. Le vaccin contre le Covid-19 sera obligatoire, à partir du 15 septembre, pour "l’ensemble des personnels au contact régulier des publics fragiles". Ce qui inclut les professionnels de la santé, du médico-social et du transport sanitaire ; les aides à domicile en lien avec des personnes vulnérables ; les membres des services d’incendie, de secours et de la sécurité civile.

Quelles sanctions en cas de refus ? Les mêmes que pour les salariés couverts par l’extension du passe sanitaire. Ainsi, "à défaut de respecter ces exigences, il leur sera interdit d’exercer l’activité en question, et la prolongation de cette situation pendant plus de deux mois pourra, en l’absence d’alternative, justifier leur licenciement ou la cessation de leurs fonctions", indique le compte-rendu écrit du Conseil des ministres du 19 juillet.

Vaccination au travail et isolement des malades, aussi au programme

Quelles sont les autres mesures sanitaires prévues en août ? Dans la même logique d’amplifier la vaccination le plus possible, le projet de loi instaure "une autorisation d’absence, sans baisse de rémunération", pour les salariés qui iraient se faire vacciner pendant leur temps de travail, a confirmé le porte-parole du gouvernement.

Le texte prévoit, enfin, un isolement obligatoire de 10 jours pour les personnes positives au Covid-19. Cette quarantaine pourra être contrôlée par les forces de l’ordre, par le biais de visites entre 8h et 23h.

Et maintenant ? L’ensemble de ces dispositions vont être examinées par le Parlement tout au long de la semaine… et pourront donc être encore modifiées à cette occasion. Le gouvernement espère toutefois arriver à l’adoption définitive de son projet de loi d’ici au 24 juillet.

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