Droit du travail : « La grève ne peut pas être une justification à une absence ou un retard »
Interview # Juridique

Jennifer Carrel avocate en droit social et associée d'UGGC Avocats Droit du travail : « La grève ne peut pas être une justification à une absence ou un retard »

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Alors qu'une période de perturbations s'ouvre dans les transports, quelles mesures les employeurs peuvent-ils mettre en place pour organiser les déplacements des salariés ? Peuvent-ils les contraindre à poser des congés ou faire du télétravail ? Éléments de réponse avec l'avocate en droit social Jennifer Carrel, associée du cabinet UGGC.

La grève des transports ne peut juridiquement pas être invoquée par le salarié pour justifier un retard ou une absence, et cela même s'il avertit son employeur de ses difficultés. — Photo : Hello Lightbulb - Unsplash

Le Journal des Entreprises : Quel type de mesures les entreprises peuvent-elles mettre en place pour que les grèves n'impactent pas leur activité et la présence des salariés au travail ?

Jennifer Carrel : L'idéal pour les employeurs est d'anticiper au maximum l'impact de ces perturbations sur leur activité, notamment en mettant en place des mesures variées pour que les salariés s'organisent. Le télétravail est plus simple à mettre en oeuvre depuis les ordonnances Macron : un échange de consentement par email est suffisant pour un télétravail temporaire. L'employeur doit néanmoins être vigilant et anticiper les impacts du travail à distance, notamment sur la confidentialité des échanges et la sécurité des données. Les entreprises peuvent aussi adapter les horaires de travail et mettre en place des horaires individualisés, qui permettent au salarié d'arriver au cours d'une certaine une plage horaire le matin, de partir dans une plage horaire le soir et de rattraper les heures non effectuées ultérieurement. Ce mécanisme nécessite d'être anticipé car il faut un accord collectif et/ou consulter le comité d'entreprise et/ou avoir l'avis de l'inspecteur du travail. Enfin, l'employeur peut prendre en charge les frais exceptionnels liés aux déplacements de ses salariés en période de grève : covoiturage, location de véhicule, utilisation du véhicule personnel, taxis etc.

Les employeurs peuvent-ils prendre des mesures exceptionnelles comme obliger les salariés à faire du télétravail ou à prendre des congés ?

J.C. : Non, l'employeur ne peut pas obliger le salarié à faire du télétravail. Le refus du salarié n'est pas sanctionnable, seule son absence injustifiée est sanctionnable. Concernant les congés, l'employeur peut inciter les salariés à en prendre lors des jours de grève mais ne peut pas les imposer, sauf cas de fermeture de l’entreprise. L'utilisation des jours de congés peut être envisagée mais ce n'est pas l'idéal, car cela pénalise les salariés qui ne souhaitaient pas en poser. En revanche, l’employeur a possibilité de refuser des congés à un salarié ou de lui demander de modifier ses jours sous réserve de raisons impératives, s'il se rend compte que l'activité de l'entreprise sera impactée par la grève ou s'il a une contrainte de fonctionnement - une commande exceptionnelle par exemple - qui se couple aux perturbations.

Comment l'employeur doit-il gérer les éventuels absences ou retards de ses salariés pendant cette période de grève ?

J.C. : La grève ne peut pas être une justification à une absence ou un retard, même si le salarié avertit son employeur de ses difficultés pour arriver au travail. La force majeure ne peut pas non plus être invoquée pour justifier des retards ou des absences car ce n'est pas un événement imprévisible : la grève a été annoncée plusieurs semaines en avance et un calendrier a été donné. L'employeur peut toutefois montrer une certaine tolérance en annonçant par exemple ne pas décompter les retards de la fiche de paie ni ne prendre de sanctions disciplinaires. A la fin de la période de perturbations, il peut aussi choisir de valoriser les salariés qui ont fait des efforts pour venir travailler, par le biais de primes.

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