
Contre la réforme ferroviaire présentée par le gouvernement, les cheminots inaugurent la "grève perlée" (également appelée "rectangulaire") à partir de ce 2 avril au soir, et ce jusqu'au 28 juin : sur les trois prochains mois, les syndicats de la SNCF ont établi un calendrier de 36 jours de mobilisation, au rythme d'un arrêt de travail tous les « deux jours sur cinq ». En parallèle, chez Air France, les débrayages ponctuels, pour réclamer une revalorisation des salaires, se multiplient. Les prochains sont programmés les 3, 7, 10 et 11 avril.

A la croisée de ces chemins perturbés, les entreprises françaises et leurs salariés n’ont d’autre choix que de s’adapter. Face aux risques de retards, d’absences ou de blocages, il existe toutefois des solutions. Certaines pourraient même s’avérer bénéfiques sur le long terme. Car la grève offre aussi l’occasion de tester de nouveaux usages en matière d'organisation du travail et de déplacements professionnels.
Passer au télétravail
Dans l’idéal, une grève s'anticipe. L’employeur et ses salariés ont tout intérêt à envisager de concert une réorganisation provisoire du travail (horaires décalés et/ou individualisés, fin de journée avancée, etc.). Mais le meilleur moyen d’éviter la galère des transports est encore… de rester chez soi !
1. Travailler à domicile
Au vu du format marathon du mouvement des cheminots, difficile de jouer sur les congés payés et les RTT pour couvrir l’ensemble des 36 journées de mobilisation. Alors autant en profiter pour expérimenter le télétravail, si l'activité de l'entreprise le permet.
Le moment est d’autant plus opportun que les ordonnances Macron ont considérablement assoupli l’organisation du travail à distance. Il peut désormais être mis en place à titre occasionnel, sur la base d’un écrit voire d'un simple accord oral, entre le salarié et l’employeur.
Problème de transport pour vous rendre sur votre lieu de travail ?
— Gouvernement (@gouvernementFR) March 29, 2018
Pensez au #télétravail !
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Et le télétravail, ça marche, à en croire Pascal Gremiaux, patron d’Eurecia, près de Toulouse : dans son entreprise de services informatiques, plus de la moitié du personnel, lui inclus, a pris pour habitude de travailler hors du bureau une fois par semaine.
2. S’initier au coworking
Le télétravail à la maison n'est pas une fatalité. Pour séparer vies personnelle et professionnelle, ou simplement accéder à des équipements de qualité, les salariés peuvent rejoindre des espaces de coworking près de chez eux. La France en compte environ 600, mais les "tiers-lieux" sont encore plus nombreux. La Région Ile-de-France en a recensé 620 sur son territoire. La liste comprend des bureaux mutualisés et des espaces de "micro-working" en gares.
Disponibles à la journée, parfois sans réservation, ces environnements sont aussi sources de rencontres, voire d’opportunités. A tel point que certaines entreprises créent des espaces de coworking dans leurs propres locaux.
Sans aller jusque-là, il peut être intéressant d’identifier les principaux bassins de vie de ses salariés, de manière à identifier un tiers-lieu à proximité du plus grand nombre… et de reconstituer ainsi un bureau hors les murs.

Accélérer sa transformation digitale
Vos rendez-vous professionnels tombent un jour de grève des transports ? Avant de perdre votre temps dans les embouteillages ou sur un quai de gare, demandez-vous si vous avez vraiment besoin de faire ces réunions en face-à-face.
La décision la plus sage consiste en effet à reporter tout déplacement superflu. Et à l’heure du haut débit et du cloud, il n’a jamais été aussi simple d’échanger avec des interlocuteurs situés à des centaines de kilomètres.
3. Se lancer dans des réunions virtuelles
Sébastien Rousseau en est convaincu : « aujourd’hui, les outils de travail à distance sont suffisamment bien faits pour permettre de remplacer la plupart des réunions physiques. » Le directeur général d’Effi’connect, quinze ans d’expérience dans le secteur, distingue trois catégories de solutions :
• la conférence téléphonique, taillée pour les réunions n'excédant pas 45 minutes et 6 intervenants ;
• la webconférence (notamment avec les outils Webex, Adobe, Anywhere...), idéal pour le partage de documents, sur 1h15 maximum, en cercle restreint de 3 à 4 personnes ;
• la visioconférence (Life Size, Bluejean, Vision, etc.), « désormais à portée de n’importe quel collaborateur, à partir de n’importe quel terminal ».
« Les outils de travail à distance permettent de remplacer la plupart des réunions physiques. »
De fait, chez Effi’connect, qui met en place ce type de solutions collaboratives pour les entreprises, les grèves sont synonymes de 10 à 30 % d’activité en plus par jour. En interne, l’entreprise a mis « en place des procédures pour être plus réactif et proactif » lors des mobilisations sociales dans les transports.
4. Collaborer à distance
Dernière option pour le travail à distance : se rabattre sur les outils grand public, tels que Skype ou Hangouts pour communiquer, Slack ou Facebook pour échanger par écrit, Dropbox pour stocker, ou Wetransfer pour partager des documents.
Ces services ne peuvent toutefois constituer qu’une solution de court terme ou de dépannage. « Hangouts et Skype, par exemple, sont victimes de leur succès : aux heures de pointe, les images peuvent se figer. Une entreprise a également besoin de sécurité lors de ses échanges. On ne peut pas se permettre de faire des réunions avec ses actionnaires ou des clients dans ces conditions », met en garde Sébastien Rousseau.

Peaufiner son plan de mobilité
Rien à faire, vous devez absolument vous déplacer pendant les jours de grève ? Là encore, des solutions existent. C’est d’ailleurs le moment de réfléchir - ou de mettre à l’épreuve - le plan de mobilité de votre entreprise, un document obligatoire depuis le 1er janvier dans les structures de plus de 100 salariés situées en zone urbaine. Les options dans ce domaine ne manquent pas.
5. Le covoiturage du quotidien
Le groupe immobilier bordelais Pichet a mis en place depuis quelques mois le "court-voiturage", le covoiturage pour des trajets courts et quotidiens. Les employés organisent leurs trajets domicile-travail sur une application et la direction en finance une partie.
Au niveau individuel, les salariés peuvent aussi prendre l’initiative. Blablacar a étendu son offre de proximité BlaBlaLines, expérimenté en mai dernier entre Toulouse et Montauban notamment. La SNCF profite aussi du mouvement social pour mettre en avant son propre service, iDVROOM, avec remboursement des trajets effectués pendant les grèves.
Enfin, la Région Ile-de-France propose la gratuité des trajets de covoiturage réservés sur Vianavigo et réalisés pendant les 36 jours du mouvement.
6. L’auto-partage, une fausse bonne idée ?

L’autopartage consiste à mutualiser l’usage d’une voiture ou d’une flotte automobile entière. Il peut être organisé sur des plateformes grand public (Citiz, Zipcar, Communauto...), au sein d’une société, ou même de plusieurs organisées entre elles.
Mais en période de perturbations dans les transports, la demande risque d’être forte et le nombre de véhicules disponibles limité.
Dans ce cas, si la voiture garde votre préférence, vous pouvez toujours vous rabattre sur les taxis et les VTC.
7. Des navettes privées : l'exemple de Nancy
A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Les 245 structures présentes sur la Technopôle de Nancy-Brabois vont bénéficier d'un service de navette à la demande pour rallier Paris. Une initiative de l’association Nbtech, qui les fédère. « Ce mouvement de grève est périlleux pour nos entreprises et nos emplois, car il est pénalisant pour nos clients et nos services. Se rendre à Paris est impératif pour bon nombre de nos adhérents », a expliqué Denis Heftre, président de Nbtech, à L’Est républicain.
De son côté, la CCI de Grand Nancy Métropole a annoncé la mise en place de quatre navettes entre Nancy et Metz.
8. Les "bus Macron" à la rescousse
La libéralisation du transport par autocar a ouvert de nouvelles alternatives au train et à l'avion. Pour les grandes distances, Flixbus, Isilines ou Ouibus (filiale de la SNCF) pourraient tirer leur épingle du jeu. La compagnie ferroviaire envisage, en outre, la mise en place de bus de substitution sur certaines lignes ferroviaires.
9. Le train, malgré tout ?

En théorie, le mouvement social à la SNCF n’empêchera pas les trains de rouler, avec le service minimum. La mesure, introduite en 2007, permet à l'entreprise de recenser une partie des grévistes 48 heures à l’avance, de faire appel à des réservistes les jours de mobilisation, et même de réquisitionner du personnel.
Si toutefois votre trajet était annulé, la SNCF promet échange ou remboursement sans frais des billets TGV, TER et Intercités.
10. Dans tous les cas : s’informer
Quelle que soit la solution retenue, la règle d’or pour survivre à ces grèves est de rester informé. Pour ce faire, direction les sites internet d’Air France et de la SNCF. La compagnie ferroviaire communiquera tous les jours, à 17h, les prévisions de trafic du lendemain.
En attendant, gardez à l’esprit le calendrier des 36 journées de mobilisation prévues entre le 2 avril au soir et le 28 juin. Et comme le rappelle le site Service-Public.fr, n’oubliez pas que... :
« ...les perturbations pourraient être plus longues car les préavis [courent] de la veille 20h au lendemain 8h du jour de grève ».
Enfin, si malgré tous nos conseils, votre trajet tourne mal, pensez à prévenir votre employeur en amont, pour éviter d’ajouter à votre parcours du combattant dans les transports, des complications supplémentaires une fois arrivé au travail.