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Contrats d’énergie : les entreprises démunies face aux injonctions contradictoires des pouvoirs publics
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Contrats d’énergie : les entreprises démunies face aux injonctions contradictoires des pouvoirs publics

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En pleine flambée des prix, la renégociation des contrats d’énergie vire au cauchemar dans les entreprises. Et ce ne sont pas les autorités qui vont aider les patrons à y voir plus clair : si le gouvernement conseille de ne pas se précipiter sur des offres à prix prohibitifs, la Commission de régulation de l’énergie, elle, invite à ne pas trop traîner. Et à accepter l’inflation.

La flambée des prix de l’énergie complique les renégociations de contrats entre les entreprises et les énergéticiens. Au point que l’État s’en mêle, depuis quelques semaines, avec des conseils, parfois contradictoires, sur la conduite à tenir dans ces discussions — Photo : Sergiy Molchenko

Le renouvellement des contrats d’énergie n’aura sans doute jamais été un sujet aussi stratégique et vital pour les entreprises… comme pour l’économie française tout entière. Preuve en est : depuis quelques jours, les pouvoirs publics y vont de leurs bons conseils à l’attention des patrons en train de négocier avec leurs fournisseurs en pleine flambée des prix. Problème : ces recommandations apparaissent de plus en plus contradictoires.

Le trouble est venu, le 3 octobre, de la présidente de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Emmanuelle Wargon s’est refusée à endosser la consigne gouvernementale jusqu’ici en vigueur, à savoir de ne surtout pas signer de nouveaux contrats en ce moment, où les prix sont au plus haut. Et pourtant, "ce n’est pas forcément un bon calcul que d’attendre la dernière minute, jusqu’au 1er janvier, [avec le risque de] se retrouver dans la situation où l’on n’a plus de contrat du tout", a mis en garde l’ancienne ministre du Logement, sur BFM Business.

Elle préconise plutôt aux chefs d’entreprise de "[bien regarder] les conditions qui vous sont proposées", de comparer, s’informer, et "ne pas partir du principe que le fournisseur fait forcément n’importe quoi ! […] Si vous êtes autour de 400 à 500 euros du mégawattheure pour un an, c’est à peu près le prix du marché, il n’y a pas de raison d’attendre." D’autant, explique Emmanuelle Wargon, que les cours ne devraient pas se calmer avant la remise en service de l’ensemble des réacteurs nucléaires français actuellement à l’arrêt. Or, ce retour à pleine capacité n’est pas prévu avant février.

Les entreprises tirent la sonnette d’alarme

La position de la présidente de la CRE va plutôt à rebrousse-poil de celle exprimée par ses anciens collègues du gouvernement. Le 14 septembre, la Première ministre Élisabeth Borne avait ainsi appelé les entreprises à la "prudence" avant de s’engager sur plusieurs années, du fait des prix "anormalement élevés" du moment. Huit jours plus tard, Emmanuel Macron lui-même s’était fait encore plus explicite : en cas d’offres "à des prix fous", "ne les signez pas aujourd’hui !", avait enjoint le président de la République. L’exécutif pariait alors sur le fait que sa mobilisation aux niveaux national (bouclier tarifaire) et européen (réforme des règles d’indexation des prix de l’électricité sur le gaz) allait rassurer les marchés et faire retomber la fièvre.

Las, ces effets tardent à se faire sentir, alors que les entreprises, elles, sentent déjà le roussi. Depuis plusieurs semaines, les alertes sonnent de toutes parts, du Medef aux PME réunies en collectifs, dans l’Ouest ou le Sud, en passant par certains secteurs, comme l’agroalimentaire breton. Le risque mis en avant par tous ces acteurs économiques : qu’ils soient contraints de baisser, voire arrêter, leur production, faute de pouvoir payer leurs factures d’énergie.

Les fournisseurs d’énergie pointés du doigt

Et pour cause : les tarifs actuels menacent de totalement déséquilibrer leur balance économique. Exemple avec l’électricité : au 30 septembre, les prix de gros pour 2023 étaient près de 7 fois plus élevés qu’il y a un an, quand ceux du marché spot (au jour le jour) ont oscillé, au cours du mois écoulé, entre 100 et 600 euros le mégawattheure - une fourchette 10 fois plus haute qu’en 2019, avant la crise du coronavirus !

Sous pression et devant l’urgence, Bercy n’a pas tardé à changer de ton. Dernier exemple en date : le 30 septembre, sur Europe 1, Bruno Le Maire a accusé les entreprises de l’énergie de "[ne pas jouer] suffisamment le jeu avec leurs clients, notamment les PME". Dont acte : il les a convoquées pour le 5 octobre, en vue de leur faire "signer un code de conduite". Au programme : la promesse d’offrir "des tarifs d’électricité et d’énergie raisonnables, dans des délais raisonnables, avec des conditions raisonnables", comme la révision à la baisse en cas de reflux des cours.

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