Comment les PME doivent se préparer au nouvel index de l'égalité salariale
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Comment les PME doivent se préparer au nouvel index de l'égalité salariale

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Depuis le 1er mars, la loi oblige les grands entreprises à rendre public leur "index de l'égalité femmes-hommes". D'ici un an, toutes les PME de plus de 50 salariés devront, à leur tour, se plier à cet exercice d'autoévaluation de l'égalité salariale. Pour elles, il est toutefois urgent d'attendre avant de s'engager pleinement dans une démarche qui pourrait être précisée, voire simplifiée, en cours d'année.

Avec son "index de l'égalité femmes-hommes", le gouvernement espère enfin faire respecter le principe "à travail égal, salaire égal", tel qu'il a été inscrit dans la loi en... 1972 — Photo : eric - stock.adobe.com

Un petit pas pour les femmes, mais un grand pas pour la parité. C'est l'enjeu de "l'index de l'égalité femmes-hommes", entré en vigueur le mois dernier dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, comme le groupe industriel ArcelorMittal. Celles d'au moins 250 salariés devront s'y mettre dès le 1er septembre, les sociétés de plus de 50 salariés à partir du 1er mars 2020.

Un index de l'égalité simple... en apparence

Sur le papier, ce nouveau dispositif d'autoévaluation paraît simple. Il oblige chaque entreprise à calculer et publier un score sur 100 points, destiné à mesurer son respect de la parité en matière salariale. Le résultat obtenu doit être communiqué au comité social et économique de l'entreprise et à l’inspection du travail. Si cette note est inférieure à 75, l'employeur devra corriger le tir dans les trois ans. En cas d'échec, d'inaction ou de non-publication de l'index, les fautifs pourront se voir infliger une sanction financière représentant jusqu'à 1 % de leur masse salariale.

Les cinq indicateurs de l'index

Pour mesurer ces éventuelles différences de traitement entre collaborateurs masculins et féminins au sein d'une même entreprise, l'index de l'égalité se décompose en cinq indicateurs. Les trois premiers jaugent respectivement, à poste et âge comparables, les écarts de rémunération (notés sur 40 points), d'augmentations individuelles (20 points) et de promotions (15 points). Le quatrième critère revient à s'assurer que toute femme de retour de congé maternité a bien obtenu les hausses salariales accordées en son absence à ses collègues (15 points attribués si la règle, obligatoire depuis une loi de 2006, est strictement appliquée). Le cinquième élément calcule la répartition des sexes parmi les dix rémunérations les plus élevées de l'entreprise (une proportion de 40 à 60 % vaut 10 points).

Une exception à signaler pour les entreprises de 50 à 250 salariés : la comparaison entre les taux de promotions des femmes et des hommes (critère n°3) ne s'applique pas. Par répercussion, la note maximale de l'indicateur n°2 sur les augmentations salariales passe à 35 points.

Le casse-tête de la catégorisation

Voilà pour la théorie. Dans la pratique, les choses se gâtent, comme en atteste Jean-Marc Morel, associé au cabinet de conseil RSM. « La principale problématique tient aux modalités de calcul et à la qualité de la mesure. Le risque est d'aboutir à un score final médiocre, non pas parce que l'entreprise est une mauvaise élève de l'égalité hommes-femmes, mais parce qu'elle n'a pas pris les bons échantillonnages ou les données adéquates... » Ou parce que le mode de calcul ne lui est pas favorable... comme a pu s'en rendre compte l'entreprise de services O2 Care Services.

Dans le détail, cet index repose, par essence, sur une catégorisation des salariés selon trois paramètres : leur âge, leur poste et leur rémunération. Si le premier a été clairement défini par le législateur, avec la détermination de quatre tranches d'âge, les deux autres ont suscité, et suscitent encore, bon nombre d'interrogations, voire d'interprétations : « Par exemple, doit-on exclure les bonus individuels de la rémunération ? », s'interroge Jean-Marc Morel. Non, ils doivent bien être intégrés au calcul, a répondu le ministère du Travail, mais dans ce cas, « on entre dans une problématique de performance des salariés et pas d’égalité hommes-femmes ! », s'étonne l'expert-comptable de RSM.

Plus sensible encore, la question de la classification du personnel en fonction de la position occupée dans l'entreprise. Ou comment définir ce que sont des « postes comparables ». Plusieurs méthodes sont suggérées par le ministère (catégories socio-professionnelles, classification de branche, cotation des postes), qui écarte, en revanche, le simple regroupement par métier, en raison de la non-mixité structurelle de certains d'entre eux, de même que la « répartition selon le seul intitulé des postes ou des fonctions », contraire à l'esprit de la réglementation.

Deux conseils à suivre pour les PME

Dans ces conditions, comment les PME doivent-elles se préparer à l'arrivée de l'index de l'égalité salariale ? D'abord, faire le ménage en interne. « L'entreprise doit vérifier les classifications de ses collaborateurs, recommande Jean-Marc Morel. Je vois trop souvent des salariés dont la rémunération a évolué, mais pas la classification. Ce qui risque de complètement fausser les comparaisons hommes-femmes par la suite. »

Second conseil : attendre ! Car si le gouvernement a assuré que les entreprises récoltaient déjà toutes les données requises par l'index dans le cadre de leurs obligations légales, l'opération est loin d'avoir été aussi simple pour celles avec lesquelles Jean-Marc Morel a travaillé. « Si, déjà, une société de plus de 1 000 salariés se pose des questions, quid des PME qui ne disposent pas d'équipes RH aussi complètes ? », souligne l'expert-comptable, avant d'exprimer « un voeu pieu » : « Je pense qu'avec le retour d'expérience des grandes entreprises, l'administration va affiner, simplifier et sans doute automatiser le calcul de chaque indicateur par le biais des logiciels de paye. »

« Si le gouvernement ne parvient pas à rendre le calcul de l'index plus facile, le dispositif tombera à l'eau... comme le compte pénibilité avant lui. »

De fait, le gouvernement a déjà promis cette dernière évolution au second semestre 2019. En parallèle, des référents régionaux ont été désignés au sein des Direccte, pour accompagner notamment les plus petites entreprises, lesquelles pourront, dans certains cas, bénéficier d'un délai supplémentaire d'un an pour se mettre en règle. Autant de précautions essentielles au succès de l'index de l'égalité femmes-hommes, pour Jean-Marc Morel : « Si jamais le gouvernement ne parvient pas à rendre le calcul plus facile, on va se retrouver avec des usines à gaz inexploitables, invérifiables, et le dispositif tombera à l'eau... comme le compte pénibilité avant lui. »

Gare à l'impact de l'index sur le climat social

Si, au contraire, l'index de l'égalité passe cette épreuve du feu, tous les regards se tourneront vers les employeurs. Et à l'heure des comptes, gare aux mauvais scores, prévient Jean-Marc Morel, inquiet de l'impact potentiel sur le climat social dans l'entreprise, comme sur son image de marque. « Il risque d'y avoir du remue-ménage dans certaines professions, car, ne nous leurrons pas, beaucoup de PME ne respectent pas l'égalité salariale... »

Une simulation du ministère du Travail, réalisée sur les données 2015 de 40 000 entreprises, a ainsi déjà établi qu'il n'existait aucun écart de rémunération entre hommes et femmes dans seulement 6 % des entreprises de plus de 50 salariés... et ce, alors même que le principe "à travail égal, salaire égal" est inscrit dans la loi depuis 1972.

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