Grand Est
Yann Baros (EDF) : "Il y a une dynamique qui s'enclenche autour du nouveau nucléaire"
Interview Grand Est # Production et distribution d'énergie

Yann Baros directeur à l’action régionale EDF dans le Grand Est "Il y a une dynamique qui s'enclenche autour du nouveau nucléaire"

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Le nouveau directeur à l’action régionale EDF dans le Grand Est, Yann Baros, arrive dans une région qu’il connaît pour avoir commencé sa carrière à la centrale nucléaire de Cattenom. Implantation des futurs EPR ou encore tarif et disponibilité de l’électricité, la feuille de route du nouveau directeur se révèle chargée.

Yann Baros est le nouveau directeur à l’action régionale EDF dans le Grand Est — Photo : Duclos Manon - EDF

Tous les acteurs de la filière nucléaire dans le Grand Est attendent avec impatience l’annonce de l’implantation dans la région d’une paire de réacteurs nucléaire de type EPR 2. Que pouvez-vous leur dire ?

Nous sommes dans l’attente du choix des sites. Trois sites, donc trois paires de tranches ont été déjà choisies : Penly, en Seine-Maritime, Gravelines, dans le Nord, et Bugey dans l’Ain. Normalement, quatre autres sites doivent être choisis, pour accueillir quatre paires de tranches. Nogent-sur-Seine, vous le savez, est candidat. L’entreprise, EDF, est là pour dire s’il y a une faisabilité technique. C’est notre responsabilité d’exploitant. Pratiquement, je pourrais dire que c’est faisable sur quasiment tous les sites candidats. Mais il faut apporter un peu de nuance. Il y a des sites pour lesquels le sujet de l’eau est plus important que pour d’autres. Quand vous êtes en bord de mer, il n’y a pas de sujet autour du refroidissement. Sur d’autres sites, que ce soit en débit ou en température, il y a des moments dans l’année où les conditions sont vraiment limites. Donc, Nogent-sur-Seine, même si tous les sujets n’ont pas été réglés, notamment autour du terrain, de l’accès, semble être un site sur lequel ce genre de développement peut être envisagé. J’ajoute que même si Nogent-sur-Seine est bien dans la région Grand Est, à 12 kilomètres près, les deux présidents des Régions concernées, l’Île-de-France et le Grand Est, se sont associés pour soutenir ce projet. Et je vais le dire clairement, je ferai tout ce que je peux pour soutenir la candidature de Nogent-sur-Seine et contribuer ainsi à l’empreinte d’EDF dans la région, à l’empreinte de notre entreprise au sein du système électrique français.

Certains sous-traitants du nucléaire ont déjà lancé des investissements en prévision du travail à venir dans le nouveau nucléaire, sans pour autant avoir des commandes fermes. Est-ce la bonne stratégie ?

Ils ont raison à deux titres. D’abord parce que quand l’État annonce six premières tranches et qu’EDF rentre dans la course, appelant à ses côtés toutes les sociétés partenaires, il y a une dynamique qui s’enclenche. Il faudrait appeler les anciens pour qu’ils nous parlent de la mise sur le réseau de plusieurs tranches par an. Nous allons revivre cela, et c’est une bonne nouvelle, mais il va falloir se remonter les manches. Cette dynamique est devant nous, et elle n’est pas que régionale. À Penly, ils vont ouvrir la voie, ensuite il y aura Gravelines puis Bugey. Et nous allons avoir cette chance, de pouvoir construire sur la base de ce qui aura déjà défriché. Ensuite, comme les constructions et les mises en service de tranches nucléaires vont s’enclencher en cascade, il y aura du travail dans la durée. Le souhait que je pourrais formuler, si Nogent était retenu, c’est que tous les collègues, EDF et entreprises partenaires, qui auraient pu travailler plus ou moins longtemps sur les tranches précédentes, reviennent dans la région avec leur expérience pour réussir Nogent. Il est important de mettre en tension dès maintenant l’ensemble de la filière. C’est déjà très important d’avoir annoncé trois paires de tranches, ça nous projette sur 15 ou 20 ans. Mais pour tout le système industriel embarqué autour de ces projets, il est nécessaire d’entretenir une filière dans la durée, et donc de continuer à annoncer d’autres développements.

L’hiver 2022 a été très tendu sur le réseau électrique. Qu’en sera-t-il en 2023 ?

Je peux vous répondre en tendance, parce que nous ne sommes jamais à l’abri des avaries ou encore des problèmes techniques. Une grosse partie des difficultés que nous avons connues au cours de l’hiver 2022 était liée au sujet de la corrosion sous contrainte. Il a fallu intervenir sur une partie des circuits pour les réparer, les requalifier puis obtenir une autorisation pour redémarrer les machines. Si je rapproche cela de la durée traditionnelle des arrêts de tranche, c’est-à-dire des arrêts pour maintenance des réacteurs, les équipes ont réussi à gagner du temps sur la durée des arrêts. Il y a donc une tendance dans la maîtrise de nos arrêts qui s’améliore. À Cattenom, le premier réacteur qui a été traité en 2022 pour des problèmes de corrosion sous contrainte a nécessité trois mois de travail. Le process a été totalement industrialisé et sur l’année 2023, les équipes ont fait les tranches 1 et 2, et sur la dernière tranche, le problème a été traité en un mois. Après, il ne faut pas généraliser : il n’y a jamais deux arrêts identiques, parce que le lot des activités nécessaires pour réparer la machine n’est jamais exactement le même. Mais nous maîtrisons davantage nos arrêts et c’est une tendance favorable, qui nous donne, par rapport à l’année dernière, plus de production disponible pour passer l’hiver. Le parc nucléaire français a produit 280 TWh l’année dernière. Cette année, nous serons plutôt entre 300 et 330 TWh. Ce qu’il faut comprendre, c’est que nous sommes encore loin de la production complète de toutes les tranches sur le réseau, qui s’établirait autour de 400 TWh, parce que nous n’avons pas encore totalement traité le sujet de la corrosion sous contrainte. En parallèle, nous sommes aussi en train de traiter le sujet du Grand carénage, un plan d’investissement de l’ordre de 50 milliards d’euros visant à prolonger la durée de vie des centrales. La conjonction des deux programmes rend très complexe l’ordonnancement de l’arrêt des réacteurs.

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