En s’éteignant fin février 2024 à 95 ans, Serge Pestourie laisse derrière lui une ETI de 1 250 collaborateurs, deux usines, 126 magasins, plus de 1 000 références de peintures et 455 millions de chiffre d’affaires. Il ne l’imaginait probablement pas quand il s’essayait à fabriquer ses premiers pots dans le garage de sa maison à Floirac avec ses fils Hervé et Eric, sur la base de formules récupérées d’un collègue.
Représentant en brosserie
À l’époque, Serge Pestourie est représentant en brosserie dans le Sud-Ouest pour l’entreprise Le Hérisson. Il vend sa peinture avec ses brosses et prend goût au secteur puisqu’il décide en 1977 de racheter la société SCSO Unikalo. Créée en 1936 par un banquier bordelais, l’enseigne est alors composée d’un atelier de production à Bègles, d’un magasin à Lorient (Morbihan) et de cinq employés.
''On sait relativement peu de choses des tout débuts de l’enseigne'', raconte Thomas Pestourie, petit-fils de Serge et actuel PDG. Il n’explique pas la localisation bretonne de la boutique par exemple. Ce qu’il sait en revanche, c’est qu'à ce moment-là sa famille bascule dans la peinture. Serge gère l’atelier et Hervé part en 1981 à Lorient prendre les rênes du magasin. Une seconde boutique ouvre la même année à Angoulême (Charente).
''Une âme de commerçants et d’industriels''
S’ensuit un développement de longue haleine. ''Les ventes étaient très régionales. Mon grand-père s’est appuyé sur son réseau de grossistes, puis il a beaucoup développé la marque auprès de distributeurs à Paris. Il revenait avec de nouvelles idées.'' La gamme s’élargit, les locaux aussi. À l’étroit dans l’atelier de Bègles, la famille Pestourie construit un hangar à Mérignac en 1988. À cette même adresse aujourd’hui ce sont 13 000 m2 qui regroupent le siège, un laboratoire de R & D et l’usine principale. 1988 est aussi l’année où Hervé Pestourie devient directeur commercial. L’entreprise se structure.
Et développe en parallèle son réseau de distribution à partir de 2001. L’entreprise compte alors 31 salariés pour 15 millions d’euros de chiffre d’affaires. ''Nous avons toujours eu une âme de commerçants autant que d’industriels. C’est toujours un élément différenciant.'' Unikalo repose encore sur deux entités : SCSO l’industrielle et Nuances Unikalo pour la distribution.
De 1 à 140 magasins
Hervé Pestourie s’associe à Hervé Barbot, un distributeur (son fils Olivier est aujourd’hui directeur général de la distribution Nuances Unikalo), et Jean Bollini, fondateur de la société lot-et-garonnaise Techno Peint. Ensemble, ils rachètent d’autres points de vente. De deux magasins jusqu’en 2001 Unikalo est passé à 12 en 2002.
Aujourd'hui encore, la politique est au rachat de distributeurs indépendants. ''Beaucoup sont de la génération de mon père et n’ont pas de repreneurs.'' L’enseigne capitalise sur le maillage et la clientèle conquise. ''Pour travailler avec des artisans, il faut être connu et reconnu.'' Les professionnels demeurent le cœur de cible (80 % du chiffre d’affaires).
SCSO Unikalo est maintenant propriétaire de 126 magasins Nuances, dont deux en Suisse. À la fin de l’année, ils seront 135 en France et 5 en Suisse, sans compter la centaine de distributeurs indépendants. À elle seule, l’entité Nuances Unikalo a généré 300 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023.
Chiffre d’affaires multiplié par 20 en 20 ans
Thomas Pestourie a pris le relais de son père Hervé. ''Autant mon grand-père n’est jamais vraiment parti à la retraite, autant je me souviens de la date de départ de mon père, le 15 janvier 2019.''
L’actuel PDG baignait dans la peinture depuis tout jeune. ''J’ai effectué ici tous mes travaux d’été, à l’usine, à la logistique, avec mon cousin.'' Romain Pestourie, son cousin, est devenu le directeur général de SCSO. Thomas Pestourie a intégré l’entreprise en 2011, a été nommé directeur général en 2017 et donc PDG en 2019.
''Le marché est très concurrentiel'', estime-t-il. Pourtant, l’accélération de la croissance du groupe est sans équivalent ces vingt dernières années. ''Au début des années 2000, nous réalisions 22 millions d’euros de chiffre d’affaires.'' Le groupe a multiplié son chiffre d’affaires par 20. ''Fin 2018, nous étions moins de 700 salariés.'' Bientôt le double désormais.
Un deuxième site majeur à Cestas
Pour soutenir son développement Unikalo s’est attelé récemment à muscler ses usines. En 2022, le groupe a racheté BB Fabrication, qui produisait la marque Renaulac à Cestas (14 000 m2). Renaulac était en 1977 le concurrent direct d’Unikalo, l’autre fabricant de peintures à l’eau à Bordeaux sous le nom Bonalo. Unikalo n’a repris que le site industriel et ses 43 employés ; la marque perdure outre-Rhin. ''Nous avons investi environ 3 millions d’euros pour moderniser l’usine.'' 120 personnes y travaillent.
Mais son intérêt est surtout sa réserve foncière de 36 hectares, qui permet à SCSO Unikalo de construire une unité de stockage (12 000 m2) et 3 000 m2 de bureaux, avec une livraison attendue fin 2025. Unikalo y déménagera sa logistique depuis Canéjan. ''Nous voyons aujourd’hui comme un avantage de nous répartir sur deux sites en termes de gestion des risques'', analyse le PDG.
Innovation et RSE
En parallèle, Unikalo entretient deux marqueurs forts : l’innovation et le souci environnemental. Ses premiers produits étaient des badigeons de chaux mélangés à de l’eau, à une époque où les solvants avaient le vent en poupe. Aujourd’hui encore, ''la glycéro ne représente que 12 % de la production''.
En 2005, l’entreprise équipe ses pots en métal de poches plastiques pour permettre aux contenants non souillés d’être recyclés. ''Depuis, la réglementation a bien changé, mais à l’époque, c’était une vraie démarche. Comme d’obtenir la certification Iso 14 001 dès 2008'', estime Thomas Pestourie.
En 2012, Unikalo a créé la gamme Naé à partir de composants biosourcés. Depuis 2022, elle fabrique du papier (réellement) peint sur un site à Sainte-Hélène ; du papier recyclé peint avec la gamme Naé. Début 2024, le groupe a repris la start-up girondine Circouleur, ses peintures recyclées et ses douze employés dont sa fondatrice.
Dans le même temps, ''nos laboratoires de R & D planchent sur de nouvelles matières premières à base de coquilles d’œufs, d’huîtres, des algues, des résines issues du recyclage de pare-brise… On ne s’arrête jamais de chercher.''
