Collecter, recycler et transformer l’urine humaine en différents produits pour l’agriculture et l’industrie. Le projet pourrait prêter à sourire s’il ne revêtait pas une portée environnementale et sociétale cruciale. Trois ans après sa création et quelques semaines seulement après l’inauguration de sa première ligne de production industrielle, la start-up Toopi Organics (20 salariés), basée à Loupiac de la Réole (Gironde), vient d’obtenir une autorisation de mise sur le marché pour Lactopi Start, son engrais à base d’urine. Sa commercialisation va donc démarrer en France, en Belgique, en Grèce, en Espagne, en Italie et au Portugal, dans les réseaux classiques de distribution agricoles.
"L’agriculture a besoin d’engrais si on veut avoir des rendements. Il faut comprendre que, sur Terre, nous vivons dans un circuit fermé avec des flux de nutriments. Sur la totalité des fertilisants que l’on apporte dans les champs, on en retrouve 70 % dans l’urine humaine car les plantes qui ont poussé seront mangées directement ou indirectement pour les hommes. Si on veut avoir une agriculture qui soit à la fois productive et compatible avec une trajectoire bas carbone, il faut arrêter d’utiliser des ressources fossiles pour produire des engrais, pour in fine détruire ces nutriments dans les stations d’épuration", argumente Michael Roes, fondateur de Toopi Organics.
Viser 7 sites de production
Pour la production de Lactopi durant les 3 prochaines années, l’entreprise a sécurisé la collecte de 2 millions de litres d’urine. Toopi Organics organise aujourd’hui la collecte sur le Parc du Futuroscope, sur des aires d’autoroutes Vinci, dans des collèges et lycées ou sur des festivals comme Rock en Seine ou Solidays. L’entreprise girondine y remplace les sanitaires classiques par des urinoirs sans eau, masculins ou féminins, reliés à des cuves de collecte, sans utilisation d’eau supplémentaire pour l’évacuation. D’ici 5 ans, la greentech table sur une collecte annuelle de 3,75 millions de litres et autant de volume de produits vendus. Et elle prévoit d’avoir dupliqué son activité de transformation sur 7 sites en France et en Belgique.
Une levée de 10 millions d’euros
Pour mener ces projets à bien, Toopi travaille avec une banque d’affaires à une levée de fonds de série A de 10 millions d’euros minimum. Elle permettra à la société de recruter une quarantaine de personnes, de développer de nouveaux produits de biocontrole microbien et de monter les premières usines décentralisées. Depuis sa création en 2019, l’entreprise a levé 8,8 millions d’euros, dont 4,5 millions en subventions ou avances remboursables. Soutenue par Bpifrance, l’Ademe et la Région Nouvelle-Aquitaine, Toopi a été sélectionnée par le gouvernement français dans les programmes French Tech Green20 et Agri 20.
Quant à savoir à quel moment la société rencontrera la rentabilité : "cela peut être dans 4 ans comme dans 15, cela dépendra beaucoup de la typologie d’investisseurs qui nous suivront", élude Michael Roes.