Des générations entières d’Audois ont travaillé dans les salins de Gruissan, près de Narbonne. Les jugeant trop peu rentables, l’ancien concessionnaire, Les Salins du Midi, a stoppé la production du site en 2006, semant la consternation dans le département. Au terme d’une longue bataille juridique, cette activité patrimoniale a redémarré en 2012 sous la férule de Patrice Gabanou, cofondateur de la nouvelle société exploitante, Someval (40 ETP). Elle inaugure, en septembre 2023, de nouvelles installations où elle a injecté deux millions d’euros, dont 360 000 euros d’aides versées par la Région Occitanie et l’Agglo du Grand Narbonne, afin de passer un cap industriel.
Une nouvelle priorité économique
L’opération porte sur la construction d’une nouvelle ligne de transformation et de conditionnement du sel, nichée en bordure de ce site de 400 ha, qui court sur 40 km de littoral languedocien. La récolte, qui s’étend traditionnellement de mars à la fin août, a produit 12 000 t en 2023, contre 20 000 t en moyenne. Après la phase de cristallisation sur les tables de salinage, Someval produit 2 000 t de sel par an.
Jusqu’ici, le premier débouché des salins était le sel utilisé pour le déneigement des routes, ainsi que le sel vendu à des industriels. Mais avec son investissement, Someval change d’orientation. Elle va donner la priorité à la production de sels alimentaires (fleur de sel, sel fin, gros sel aromatisé), déjà exploité sous la marque "Les Sels de Gruissan" créée en 2011. "L’unité de production donne une viabilité hivernale au site et accélère notre diversification sur un nouveau marché. Elle nous permet aussi de bien valoriser ce produit, qui ne sera pas un premier prix", justifie Lony Gabanou, fils de Patrice Gabanou, qui incarne avec sa sœur Lorelei la quatrième génération de sauniers aux commandes de la société.
La possibilité d’une IGP
L’unité se compose d’abord d’une "salorge", un bâtiment qui permet de stocker le sel en extérieur. "Nous n’essorons pas le sel que nous ramassons, de sorte qu’il conserve les saumures de production, riches en minéraux", précise Patrice Gabanou. Lors de ce cycle de pré-séchage, le sel est stabilisé à 3 % d’humidité, avant d’être envoyé vers un nouveau sécheur : ce dernier, en fonctionnant à basse température (contre une centaine de degrés d’ordinaire), permet de consommer cinq fois moins d’énergie que des machines similaires. Ensuite, la nouvelle unité, en lieu et place de broyeurs industriels, utilise des meules de pierre qui, en roulant le sel, ramènent les grains à un diamètre de 3,5 mm. En bout de chaîne, la ligne de conditionnement privilégie le carton ou le verre pour le packaging, excluant l’utilisation de plastiques. Au total, la mise en route de cette unité va permettre la création de six nouveaux postes au sein de la PME audoise.
À ce jour, la production de sels alimentaires se monte à 300 t, mais Someval mise sur ses nouvelles installations pour atteindre le cap des 2 000 t. "Les marchés que nous visons sont les producteurs de pains, de fromages, et de charcuterie", énumère Lony Gabanou. Le sel fin, quant à lui, est déjà présent sur une dizaine de tables gastronomiques étoilées au Guide Michelin. Mais la société audoise vise encore plus haut. En valorisant un produit 100 % naturel, fabriqué sans énergies fossiles, elle espère décrocher d’ici trois ans une Indication géographique protégée (IGP) pour le sel de Gruissan. Présente lors de l’inauguration, Carole Delga, présidente de Région, s’enthousiasmait pour la vision des Gabanou : "Ce projet dans son ensemble participe à la nécessaire valorisation des ressources naturelles. C’est une exploitation raisonnée, qui produit un sel aux vertus différenciantes par rapport aux autres sels français. Et c’est une belle carte postale pour les touristes !".
