Le management a toujours connu des modes. D’une période à l’autre, des outils et des concepts se répandent dans le monde des entreprises avant d’être chassés par d’autres. Nous pouvons en citer quelques-uns qui ont marqué leur époque avant de tomber en disgrâce : les cercles de qualité, le projet d’entreprise, les 5S, le 6Sigma, l’Océan Bleu, etc. Nous n’aurions pas assez de place pour les citer tous.
Parfois, ces nouveaux outils sont le résultat de processus d’innovation managériale dans des entreprises pionnières. Souvent, ils ne sont rien de plus que de nouveaux produits lancés par des cabinets de conseil pour renouveler leurs marchés ou en créer de nouveaux. C’est le cas de la fameuse notion de " talent " inventé par McKinsey pour redynamiser le marché des recrutements des cadres supérieurs et dirigeants. Il en résulte cette conception creuse et vide de sens du talent que mobilisent sans cesse les spécialistes des ressources humaines. Une notion qui réduit l’efficacité du travail à la mise en œuvre de qualité essentialisée dont seraient dotés certains " hauts potentiels ". Rien de plus que le fantasme du héros qui sauverait à lui seul la performance alors que chaque jour le terrain révèle qu’elle est le fruit du travail collectif et pragmatique des équipes. Il en est de même de la notion de compétence. Elle est devenue synonyme de qualité professionnelle attachée à une personne, collectionnable en accumulant les certificats et les badges et, surtout, appréhendable en dehors des situations concrètes et du travail réel… une sorte d’aboutissement d’un soft taylorisme dont les cibles sont le métier et le professionnalisme qui se voient ainsi parcellisés en " knowledge ", en " abilities " et en " softskills ".
Une conception pragmatique du travail
Pourtant, aux origines de la diffusion de la notion de compétence en France, l’accord ACAP 2000 dans la métallurgie, au milieu des années quatre-vingt, la définissait comme une capacité à trouver, dans une situation et en interaction avec les autres, une solution qui convient. Il est également précisé dans ce texte fondateur que cette compétence existe en situation où elle doit d’ailleurs être évaluée. Il serait salutaire de revenir à cette conception pragmatique du travail : dans des situations concrètes, des acteurs de métier qui construisent des solutions dont l’efficacité est liée à la situation et dont la valeur ne peut être mesurée que dans la situation. La gestion des ressources humaines et, plus largement, le management gagneraient à redécouvrir les notions de métier, de profession, de travail réel.
