Pouvoir d’achat : ce que propose l’État aux entreprises pour contrer les effets de l’inflation
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Pouvoir d’achat : ce que propose l’État aux entreprises pour contrer les effets de l’inflation

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Le gouvernement a fini par assembler toutes les pièces du puzzle. Après des semaines de suspense et d’annonces au compte-gouttes, le paquet de mesures en faveur du pouvoir d’achat a été officiellement dévoilé dans son intégralité. Principales nouveautés : une "prime Macron" revue et corrigée, ainsi qu’une "indemnité carburant" centrée sur les travailleurs.

Pour aider les employeurs à payer davantage leurs salariés, le gouvernement propose de pérenniser la "prime Macron" et de simplifier l’intéressement — Photo : HJBC

Le gouvernement ne l’avait jusqu’ici dévoilé que par petits bouts. Il aura finalement attendu ce 7 juillet pour en déballer tout le contenu. Le paquet de mesures en faveur du pouvoir d’achat remet 20 milliards d’euros sur la table, en plus des 25 milliards débloqués depuis l’automne, pour tenter de contenir les ravages de l’inflation.

Le gouvernement entend ainsi, sur cette période, assurer "un surcroît de 3 points de pouvoir d’achat en plus" aux ménages, avec une primauté affichée à ceux qui travaillent. Du côté des entreprises et indépendants, cette boîte à outils un peu fourre-tout se traduit surtout par des incitations à mieux rémunérer leurs salariés, mais aussi par deux baisses de leur fiscalité.

Sur les salaires : la prime Macron revisitée, l’intéressement simplifié

Le gouvernement ne cesse de le répéter : les entreprises doivent "prendre leurs responsabilités" pour mieux payer leur personnel, quand elles peuvent se le permettre. L’État lui-même veut revaloriser, à hauteur de 4 %, toute une batterie de prestations sociales (dont le RSA, la prime d’activité et le nouveau Contrat d’engagement jeunes), ainsi que les stagiaires de la formation professionnelle. Pour aider les employeurs à en faire autant, il veut mettre à leur disposition deux mécanismes bien connus, dont ils seront libres de se saisir. Ou pas.

La "prime Macron" d’abord. Créée en réponse aux Gilets jaunes, réactivée au fil des ans et au gré des crises depuis, elle est définitivement pérennisée. Non sans quelques évolutions. Comme annoncé pendant la campagne présidentielle, son plafond est triplé : il passe à 3 000 euros, mais peut monter jusqu’à 6 000 € dans les entreprises qui se sont dotées d’un dispositif d’intéressement ou de participation, alors qu’elles n’y étaient pas obligées par la loi. Cette limite très haute est aussi très symbolique : depuis 2019, le montant moyen versé par les employeurs s’élève à 542 euros, environ moitié moins que le montant maximum prévu sur la période.

Autre changement, et non des moindres : l’exonération fiscale et sociale de la prime, mise en œuvre depuis ses origines, disparaîtra en 2024. Plus précisément, la dispense de prélèvements sociaux (CSG-CRDS) et fiscaux (impôt sur le revenu) sur les montants versés aux salaires inférieurs à 3 Smic ne sera maintenue que sur les années 2022 et 2023. La fin de cet avantage a été imposée par le Conseil d’État, précise le gouvernement. La juridiction "s’inquiétait d’un risque de substitution avec les salaires et autres formes de rémunération". Avec cette nouvelle formule, la "prime exceptionnelle de pouvoir d’achat" s’aligne donc sur le régime fiscal et social de l’intéressement et de la participation, fait encore valoir Matignon. D’où, aussi, son changement de nom en "prime de partage de la valeur".

L’intéressement, de son côté, va être simplifié. Pas de surprises sur ce point : les modifications présentées reprennent celles dévoilées fin juin. En particulier, indique le dossier de presse du gouvernement, "il sera désormais possible, pour les entreprises de moins de 50 salariés qui ne sont pas couvertes par un accord de branche d’intéressement agréé, de mettre en place un dispositif d’intéressement par décision unilatérale, en cas d’échec des négociations ou en l’absence d’institutions représentatives du personnel, et de le renouveler dans ces mêmes conditions".

Prime Macron, intéressement… et puis, c’est tout. Le gouvernement ne prévoit pas de donner d’autres leviers aux employeurs. Il avait pourtant été question d’assouplir la prime de transport, idée défendue par le Medef, mais la mesure a été écartée. "Il y a encore des discussions à avoir avec les entreprises, notamment pour aller vers davantage de simplification des règles actuelles", justifie Matignon. De même, la CPME a déjà prévenu qu’elle reviendrait à la charge sur l’allègement de la fiscalité des heures supplémentaires, proposition ignorée depuis le début par l’exécutif.

L’alignement des minima conventionnels sur le Smic reste, lui, à l’ordre du jour. Il s’agit même de la seule mesure réellement contraignante autour de la délicate question des revalorisations salariales. Ainsi, le faible nombre d’accords sur ce sujet spécifique servira, à l’avenir, de critère pour déclencher une "restructuration administrative" (comprendre, une fusion avec d’autres branches). Mais, précise aussitôt le gouvernement, cette mesure "sera appliquée avec discernement et ne concernera que les branches dont les minima sont inférieurs au Smic sur une longue période, supérieure à un an".

Sur la fiscalité : avantage aux indépendants et à l’hôtellerie

Là encore, c’est l’une des règles d’or du gouvernement Borne, à ce titre clairement exposées, la veille, dans le discours de politique générale de la Première ministre : "Il faut cesser de croire qu’à chaque défi, la solution est une taxe". Dont acte : contre l’inflation, l’exécutif dégaine deux baisses d’impôts.

La "baisse pérenne" des cotisations sociales, promise aux travailleurs indépendants, figure ainsi en bonne place dans ce paquet sur le pouvoir d’achat. Elle sera effective dès cette année, au bénéfice de plus de 2 millions de personnes, "dont le revenu net d’activité est proche du Smic". Soit un gain estimé à 550 euros par an, pour celles qui se rémunèrent au niveau du salaire minimum. Et un coût pour l’État de 500 millions d’euros en 2022 et 1 milliard l’an prochain.

La suppression de la redevance audiovisuelle profitera aussi aux entreprises, rappelle, par ailleurs, le gouvernement. Selon ses calculs, la mesure se traduira par une économie de près de 100 millions d’euros pour les acteurs de l’hébergement-restauration.

Sur les carburants : une indemnité à la place de la remise

Dans sa lutte contre le pouvoir d’achat, l’État multiplie aussi les actions contre la flambée des cours de l’énergie. Sur ce point, les entreprises restent quelque peu sur la touche - aucune aide directe, comme les subventions pour les sociétés les plus gourmandes en électricité et gaz, récemment ouvertes, n’est au programme.

Le bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie est, certes, maintenu jusqu’à la fin de l’année. Mais son périmètre ne change pas. Autrement dit, le blocage des tarifs du gaz ne profitera pas aux entreprises, celui de l’électricité restera ciblé sur les plus petites, éligibles aux tarifs réglementés.

La "remise carburant" universelle sera, elle, progressivement débranchée : maintenue à 18 centimes par litre jusqu’en septembre inclus, le rabais passera à 12 centimes en octobre, puis 6 en novembre, avant de complètement disparaître au 1er décembre.

Une "indemnité carburant pour les travailleurs" devrait en prendre le relais, à compter du 1er octobre. Elle consiste à verser "100 à 300 euros par véhicule et par actif". L’aide de base est fixée à 100 ou 200 euros (selon le revenu fiscal de référence), augmentée d’un bonus de 50 % (50 ou 100 euros), si le demandeur "habite à plus de 30 km de son lieu de travail ou parcourt plus de 12 000 km par an dans le cadre professionnel". Au total, le gouvernement vise à dédommager ainsi la "moitié des Français qui travaillent" (11 millions de bénéficiaires attendus, 4,6 milliards d'euros pour l'Etat, prolongation de la remise carburant incluse).

Le programme du gouvernement est donc désormais connu, mais une question demeure : qu’en restera-t-il à la rentrée ? Avec une majorité relative à l’Assemblée nationale, il n’est pas sûr que ce paquet ressorte du Parlement dans le même état qu’il n’y est entré.

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